Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération n° 9 du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-et-Marne en date du 11 décembre 2023.
Par un jugement n° 2401743 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2024, le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne, représenté par Me Boussoum, demande au juge des référés de la cour :
1°) de suspendre l'exécution de la délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne du 11 décembre 2023 dans l'attente du jugement de l'appel qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 6 juin 2024 ;
2°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie de son intérêt et de sa qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la délibération critiquée produit ses effets à compter du 20 juillet 2024 ;
- la délibération méconnaît l'exigence de respect d'un plafond de 48 heures hebdomadaires de travail par semaine glissante sur une période de référence ne pouvant excéder 6 mois ou, s'agissant des personnels administratifs, techniques et spécialisés, de 48 heures par semaine glissante avec une moyenne de 44 heures pour 12 semaines ;
- elle méconnaît l'exigence d'une interruption de service d'une durée au moins égale à celle du cycle de garde qu'elle suit ;
- elle méconnaît le droit à la santé et le droit à la sécurité dans le travail, qui découlent du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et de la Charte sociale européenne, ainsi que des articles L. 136-1 et L. 811-1 du code général de la fonction publique et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-et-Marne, représenté par Me Cayla-Destrem, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, faute de délibération du conseil syndical du syndicat requérant décidant de relever appel du jugement du tribunal administratif de Melun ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie, eu égard au délai dans lequel l'appel a été formé ainsi qu'à l'intérêt public que présente l'exécution de la délibération critiquée et au risque que sa suspension ferait courir au bon fonctionnement du service ;
- la délibération respecte les dispositions combinées des articles 6, 16 et 17 de la directive 2003/88/CE et des articles 2 et 3 du décret du 31 décembre 2001 ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du droit à la santé et du droit à la sécurité dans le travail n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er août 2024 à 11 heures :
- Me Lejars-Riccardi, substituant Me Boussoum, avocate du syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne, et M. Pierre, secrétaire de la section CFDT des sapeurs-pompiers du département de Seine-et-Marne,
- Me Cayla-Destrem, avocate du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne.
L'instruction a été close à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 521-1 du code de justice administrative prévoit, à son premier alinéa, que : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Par une délibération du 11 décembre 2023, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne a approuvé l'aménagement temporaire du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels non officiers et des personnels de la filière technique affectés au centre de traitement et d'alerte ou au centre opérationnel départemental d'incendie et de secours, portant à un maximum de quatre-vingt-seize heures le temps de présence par semaine glissante pour les périodes du 20 juillet au 15 août et du 28 août au 8 septembre 2024, compte tenu des nécessités liées au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques. La délibération précise que ce temps de présence s'inscrit dans le respect de la limite de quarante-huit heures de travail effectif par semaine appréciée en moyenne sur une période de six mois et que les cycles de garde doivent être suivis d'une interruption de service d'une durée au moins égale.
3. Le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne, qui relève appel du jugement du 6 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération, demande au juge des référés de la cour d'en suspendre l'exécution jusqu'à ce qu'il ait été statué sur son appel.
Sur les conclusions de la requête, en tant qu'elles concernent certains personnels de la filière technique :
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il résulte de l'instruction, notamment de la note de service temporaire prise le 5 avril 2024 par le directeur du service départemental d'incendie et de secours, et il a été confirmé à l'audience par les représentants des parties, que la planification du temps de travail des personnels de la filière technique affectés au centre de traitement et d'alerte ou au centre opérationnel départemental d'incendie et de secours n'a pas été modifiée pour la période des jeux Olympiques et Paralympiques. En particulier, cette planification ne comporte pas de temps de présence de quatre-vingt-seize heures comme le permet la délibération du 11 décembre 2023, mais repose sur des périodes de travail d'une durée de douze heures, en application d'une délibération antérieure, qui n'est pas en débat dans le présent litige, prise sur le fondement du II de l'article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, que l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale a rendu applicable aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant.
6. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité sur ce point de la délibération du 11 décembre 2023, la condition d'urgence à en suspendre l'exécution, en tant qu'elle concerne certains personnels de la filière technique, ne peut être regardée comme remplie.
Sur les conclusions de la requête, en tant qu'elles concernent les sapeurs-pompiers professionnels non officiers :
7. L'article 3 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail prévoit que : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives ". L'article 6 de la directive dispose que : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : (...) b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ". Aux termes de l'article 16 de cette directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. (...) ". Aux termes de l'article 17 de cette directive : " (...) 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative (...), à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés. / 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service (...), notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii) (...) des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile (...) ". Enfin, aux termes de l'article 19 de cette directive : " La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3, (...) ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois. (...) ".
8. Le décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels prévoit, à son article 1er, que la durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et comprend, en premier lieu, le temps passé en intervention, en deuxième lieu, les périodes de garde consacrées à certaines tâches qu'il énumère et, en dernier lieu, le service hors rang, les périodes consacrées à certaines actions de formation et les services de sécurité ou de représentation. L'article 2 de ce décret précise que la durée de travail effectif journalier ainsi définie ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Son article 3 prévoit toutefois, en son premier alinéa, que : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives ". Dans ce cas, le même article dispose que le temps de travail " ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois ", que " la période définie à l'article 1er n'excède pas huit heures " et qu'au-delà de cette durée, " les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions " et, enfin, que " ce temps de présence est suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale ".
9. En premier lieu, lorsque le régime du temps de travail d'agents, tels que les sapeurs-pompiers professionnels, est déterminé en fonction d'une période de référence, en application des articles 16, 17 et 19 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures prévue par l'article 6 de cette directive ne s'apprécie pas pour chacune des périodes de sept jours comprises dans cette période de référence mais uniquement, en moyenne, sur l'ensemble de celle-ci.
10. La délibération critiquée porte à un maximum de quatre-vingt-seize heures le temps de présence par semaine glissante pour deux périodes de respectivement 27 et 12 jours. Toutefois, ce faisant, elle ouvre seulement une faculté, qui doit être exercée dans le respect de la limite de quarante-huit heures de travail effectif par semaine appréciée en moyenne sur une période de six mois, qu'elle rappelle d'ailleurs, correspondant à la limite de 1 128 heures sur une telle période, posée par l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels et calculée en considération de 47 semaines travaillées au cours de l'année, hors congés. A cet égard, si le syndicat requérant fait valoir que certains sapeurs-pompiers professionnels ont déjà travaillé un nombre d'heures élevé au cours des semaines précédant les jeux Olympiques et Paralympiques, il appartient au service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne de veiller au respect de la durée moyenne maximale hebdomadaire de travail de 48 heures au cours de toute période de six mois, ce à quoi la délibération attaquée ne fait pas obstacle.
11. En deuxième lieu, il résulte du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels que lorsque le temps de présence a été fixé à vingt-quatre heures consécutives, il doit être suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale. Si cette interruption doit suivre immédiatement la fin du temps de présence de vingt-quatre heures, aucune disposition ni aucun principe n'impose que le temps de présence et l'interruption qui le suit immédiatement soient inclus dans la même semaine civile, ni que chaque période de sept jours compte au moins autant d'heures d'interruption de service que d'heures de présence.
12. La délibération critiquée permet d'imposer aux sapeurs-pompiers professionnels non officiers, au maximum, quatre gardes de 24 heures dans une même semaine. De tels temps de présence pouvant être prévus les premier, troisième, cinquième et septième jours de la semaine et être chacun suivi d'une interruption de service de 24 heures, les deuxième, quatrième et sixième jours de la même semaine et le premier jour de la semaine suivante, la délibération peut être appliquée dans le respect des dispositions de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 imposant, lorsque le temps de présence a été fixé à vingt-quatre heures consécutives, qu'il soit suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale.
13. En dernier lieu, il résulte tout d'abord des dispositions de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels rappelées au point 8 que lorsque le temps de présence a été fixé à vingt-quatre heures consécutives, le total du temps passé en intervention, des périodes de garde et des autres activités mentionnées à l'article 1er du même décret est en principe limité à huit heures, les agents étant, au-delà de cette durée, seulement tenus d'accomplir les interventions. Il résulte ensuite des dispositions du même article 3 que chaque période de vingt-quatre heures consécutives est suivie d'une interruption de service au moins égale. Enfin, la délibération critiquée organise le service en faisant usage de cette faculté ouverte par le décret du 31 décembre 2001 pendant deux périodes d'un peu moins de quatre semaines pour la première et deux semaines pour la seconde. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la délibération critiquée méconnaîtrait le droit à la protection de la santé et de la sécurité.
14. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer, dans cette mesure, sur la condition d'urgence, les moyens soulevés par le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée, en tant qu'elle concerne les sapeurs-pompiers professionnels non officiers.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne du 11 décembre 2023 dans l'attente du jugement de l'appel qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 6 juin 2024.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne demande au titre des frais de l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme que le service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat CFDT Interco de Seine-et-Marne et au service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Fait à Paris, le 2 août 2024
La juge des référés,
Pascale FOMBEUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03288