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08/08/2024 | FRANCE | N°23PA03867

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 08 août 2024, 23PA03867


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Desimo a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

13 septembre 2021 par lequel le maire de Villejuif a refusé de lui délivrer un permis de démolir et un permis de construire une résidence étudiante comprenant 96 chambres et un commerce, d'enjoindre à la commune de Villejuif, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notificati

on du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Villejuif une somme de 3 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Desimo a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

13 septembre 2021 par lequel le maire de Villejuif a refusé de lui délivrer un permis de démolir et un permis de construire une résidence étudiante comprenant 96 chambres et un commerce, d'enjoindre à la commune de Villejuif, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Villejuif une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2110257 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel le maire de Villejuif a refusé de délivrer à la société Desimo un permis de construire valant permis de démolir, d'autre part enjoint au maire de Villejuif de délivrer à cette société le permis de construire valant permis de démolir sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, et enfin mis à la charge de la commune de Villejuif la somme de 1 500 euros à verser à la société Desimo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août 2023 et 17 avril 2024, la commune de Villejuif, représentée par Me Moghrani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110257 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Desimo devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de la société Desimo le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a à tort jugé qu'une résidence étudiante devait être considérée comme relevant non de la destination de l'habitation conformément aux nouvelles dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, mais de la destination des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif " (CINASPIC) conformément aux anciennes dispositions de l'article R. 123-9 du même code, alors que les dispositions nouvelles en matière de destination s'appliquent immédiatement pour la délivrance d'autorisations d'urbanisme, alors même que le changement de destination est opéré sur la base de documents d'urbanisme entrés en vigueur sous l'empire des dispositions précédentes ;

- en tout état de cause le jugement est aussi entaché d'erreur de droit dès lors que le plan local d'urbanisme de la ville prévoit explicitement que la destination " habitation " comprend tous les types de logements à l'exception des hébergements hôteliers, et donc qu'une résidence étudiante relève bien de cette destination " logement ", en conséquence de quoi le permis sollicité devait être refusé faute de respecter les dispositions de l'article UA2.3 du plan local d'urbanisme applicables aux habitations.

La requête est bien recevable, l'exigence de notification de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne s'appliquant pas aux refus de permis

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 janvier 2024 et 14 mai 2024, la société Desimo, représentée par Me Lefort, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête pour irrecevabilité ou à titre subsidiaire comme mal fondée ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Villejuif de délivrer l'arrêté de permis de construire modificatif dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1, L. 911-2 et

L. 911-3 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villejuif le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute que la commune ait procédé à sa notification dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Reis, représentant de la commune de Villejuif ;

- et les observations de Me Lefort, représentant de la société Desimo.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir obtenu un certificat d'urbanisme opérationnel favorable pour la construction d'une résidence étudiante de 96 chambres sur une parcelle située aux 33 et 35 boulevard Maxime Gorki à Villejuif, la société Desimo a déposé, le 4 août 2021, une demande de permis de construire valant permis de démolir. Par un arrêté du 13 septembre 2021, le maire de Villejuif a refusé de lui délivrer ce permis. La société Desimo a saisi le tribunal administratif de Melun de deux demandes, enregistrées sous les n° 2110257 et 2110264, tendant respectivement à l'annulation et à la suspension de cet arrêté. Par ordonnance du 16 novembre 2021 le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté pour défaut d'urgence la demande en référé. Toutefois, le tribunal a ensuite, par jugement du 27 juin 2023, prononcé l'annulation de cette décision, et enjoint au maire de Villejuif de délivrer à la société Desimo le permis de construire valant permis de démolir sollicité dans un délai de deux mois. La commune de Villejuif relève dès lors appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Pour retenir que le tribunal aurait à tort annulé l'arrêté en litige au motif que la construction projetée ne relevait pas de la catégorie des constructions à destination d'habitation et n'entrait pas dès lors dans le champ d'application des dispositions du paragraphe 2.3 de l'article UA 2 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux habitations, la commune de Villejuif se prévaut notamment des dispositions de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme, inséré dans ledit code par le décret susvisé du 28 décembre 2015, qui dresse une liste limitant à cinq les destinations possibles des constructions, et retient parmi ces destinations celle de " 2° Habitation ", ainsi que de l'article R. 151-28 du même code, issu du même décret, qui précise les sous-destinations de chacune des destinations prévues à l'article R. 151-27, dont, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " 3° Pour la destination " habitation " : logement, hébergement ".

3.Toutefois, si le décret du 28 décembre 2015 est entré en vigueur le 1er janvier 2016 en vertu de son article 11, le VI de l'article 12 de ce décret prévoit que : " Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d'une élaboration ou d'une révision prescrite sur le fondement du I de l'article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l'ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté (...) ".

4. Or aux termes de l'antépénultième alinéa de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, relatif aux règles que peut comprendre le règlement des plans locaux d'urbanisme, dans sa rédaction applicable jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2016, à laquelle renvoyait le c) de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme et le b) de l'article R. 421-17 de ce code dans leur rédaction antérieure au décret du 28 décembre 2015 : " Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. ". (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les règles issues du décret du 28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d'urbanisme, selon notamment qu'ils comportent ou non un changement de destination d'une construction existante, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu'ait d'incidence à cet égard le maintien en vigueur, sauf décision contraire du conseil municipal ou communautaire, de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, dans les hypothèses prévues au VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015, lequel ne se rapporte qu'aux règles de fond qui peuvent, dans ces hypothèses particulières, continuer à figurer dans les plans locaux d'urbanisme et ainsi à s'appliquer aux constructions situées dans leur périmètre. Les règles soumettant les constructions à permis de construire ou déclaration préalable, dont un plan local d'urbanisme ne saurait décider et qui relèvent d'ailleurs d'un autre livre du code de l'urbanisme, sont définies, pour l'ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l'urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code.

6. Ainsi, dans le cas d'une commune comme la commune de Villejuif, où l'élaboration du plan local d'urbanisme applicable à la décision en litige a été prescrite avant le 1er janvier 2016, les destinations et sous-destinations fixées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme trouvent dès cette date à s'appliquer pour définir les projets soumis à autorisation d'urbanisme et déterminer quelle autorisation est nécessaire, suivant les règles fixées aux articles R. 421-14 et R. 421-17 du même code ; en revanche lorsque, comme en l'espèce, il s'agit de mettre en œuvre les règles de fond prévues par le plan local d'urbanisme, il y a lieu, en application du VI précité de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015, de mettre en œuvre les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, ce qui implique notamment de prendre en compte les différentes destinations possibles prévues par l'article R. 123-9 dudit code et non celles prévues par les articles R. 151-27 et R. 151-28.

7. Par ailleurs aux termes du paragraphe 2.3 de l'article UA 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UA : " Dans la seule zone UA, en sus des dispositions de l'article 2.1, dans le secteur de mixité sociale identifié au document graphique au titre de l'article L. 123-1-5-II. 4° du code de l'urbanisme (en hachuré bleu) / Les constructions destinées à l'habitation sont autorisées à condition que chaque opération entraînant la réalisation de plus de 2 500 m² de surface de plancher comporte au moins 25 % de logements financés par un prêt aidé de l'État, au titre de la loi SRU. ".

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que, pour la mise en œuvre de ces dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, élaboré avant le 1er janvier 2016, il y a lieu d'apprécier la destination de la construction projetée en prenant en compte les diverses destinations prévues par l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, en application duquel la résidence étudiante projetée relève de la catégorie non des constructions destinées à l'habitation mais des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif " (CINASPIC). En tout état de cause il résulte du lexique du plan local d'urbanisme qu'il a expressément entendu inclure les résidences étudiantes dans la catégorie des CINASPIC en indiquant que " les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, au sens du présent règlement, comprennent les installations et constructions qui permettent de répondre aux besoins de la population : (...) / les logements destinés aux publics spécifiques (résidences étudiantes, etc...) ". Dès lors la commune n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions plus générales du même lexique définissant les habitations comme " tous les types de logements, quelques soient leur catégorie, leur financement, etc. mais exclut les logements visés dans la définition de l'hébergement hôtelier " pour en déduire qu'une résidence étudiante entrerait dans la catégorie des habitations plutôt que des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. Il s'ensuit que, le projet en litige ne relevant pas de la catégorie des habitations, le maire de la commune n'a pu légalement opposer aux pétitionnaires les dispositions du paragraphe 2.3 de l'article UA 2 du règlement du plan local d'urbanisme et l'absence de création dans le projet d'au moins 25 % de logements financés par un prêt aidé de l'État, au titre de la loi SRU, comme le prévoit cet article.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Villejuif n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 portant refus de délivrer à la société Desimo un permis de construire valant permis de démolir, et a enjoint au maire de cette commune de délivrer à ladite société le permis sollicité.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

10. Il résulte des termes du jugement que le tribunal administratif de Melun a enjoint à la commune de Villejuif de délivrer à la société Desimo le permis sollicité. Par suite, et alors même que la commune n'aurait pas encore exécuté cette injonction, il n'y a pas lieu de prescrire une nouvelle injonction. Il appartient seulement à la société Desimo, si elle s'y croit fondée, de saisir le juge de l'exécution aux fins de voir exécuter l'injonction prononcée par les premiers juges.

Sur les frais liés à l'instance :

11. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la commune de Villejuif doivent être rejetées.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villejuif le paiement à la société Desimo de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Villejuif est rejetée.

Article 2 : La commune de Villejuif versera à la société Desimo une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions à fins d'injonction sous astreinte présentées par la société Desimo, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Villejuif et à la société Desimo.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2024.

La rapporteure,

M-I. A... Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03867
Date de la décision : 08/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-08;23pa03867 ?
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