Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Assurances du crédit mutuel a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 14 918,36 euros en réparation des dommages causés aux locaux du CIC Paris Boétie situés au 42 rue La Boétie et de 1 595 euros au titre des frais d'expertise exposés, assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter du 15 octobre 2021.
Par un jugement n° 2203946 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2023, la société Assurances du crédit mutuel, représentée par Me Garnier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 14 918,36 euros en réparation des dommages occasionnés aux locaux de la société CIC Paris Boétie et de 1 595 euros au titre des frais d'expertise exposés, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 octobre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que ;
- les dommages dont elle demande la réparation ont été causés en marge de la manifestation de " gilets jaunes " du 8 décembre 2018 ;
- elle a droit au versement d'une indemnité de 14 918,36 euros en réparation des dommages occasionnés aux locaux de la société CIC Paris Boétie et de 1 595 euros au titre des frais d'expertise, qui sont utiles à la juridiction.
Le préfet de police a été mis en cause et n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Garnier, représentant la société Assurances du crédit mutuel.
Considérant ce qui suit :
1. Le CIC Paris Boétie est propriétaire de locaux situés 42 rue La Boétie à Paris, dont les vitres et un guichet automatique ont été dégradés. Son assureur, la société Assurances du crédit mutuel, subrogée dans ses droits à hauteur de 14 918,36 euros, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 14 918,36 euros à ce titre ainsi que la somme de 1 595 euros au titre des frais d'expertise exposés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, le 8 décembre 2018, a eu lieu une manifestation de " gilets jaunes " dans le secteur des Champs-Elysées, ayant donné lieu à des débordements, dont de nombreuses dégradations de commerces. Si le directeur de l'agence bancaire CIC, située au 42 rue La Boétie, n'a porté plainte que le 25 janvier 2019 pour les dégradations commises sur son agence, le rapport d'information de la préfecture de police relatif aux constatations des dégradations commises le 8 décembre 2018 à la suite de la manifestation des " gilets jaunes " mentionne, à cette même adresse : " banque "CIC" : toutes les vitres impactées et distributeur de billet cassé ". En l'absence de tout élément de nature à établir que ces dégradations auraient été le fait de groupes isolés constitués et organisés dans le seul but de commettre des délits, ces dégradations doivent être regardées, compte tenu de leur concomitance géographique et temporelle avec un rassemblement de " gilets jaunes ", comme ayant été causées dans le cadre de celui-ci ou dans son prolongement immédiat. Par suite, la société Assurances du crédit mutuel est fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.
En ce qui concerne le préjudice :
4. En premier lieu, il ressort du rapport de l'expert de la préfecture de police que le montant des réparations des dégradations, des mesures conservatoires et de la TVA non récupérable sur ces travaux s'élève à la somme de 13 872,56. L'écart de 1 045,80 euros avec la somme demandée par la société requérante est constitué à hauteur de 900 euros de frais de protection préventifs et de 145,80 euros de TVA non récupérable sur ces frais, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils seraient la conséquence directe des dégradations commises en marge de la manifestation du 8 décembre 2018. Dans ces conditions, la société Assurances du crédit mutuel peut seulement prétendre à être indemnisée à hauteur de 13 872,56 euros.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'expertise réalisée à la demande de la société Assurances du crédit mutuel a été utile à l'expert de la préfecture et, partant, à la solution du litige. Dans ces conditions, la requérante est fondée à demander à être indemnisée à ce titre à hauteur de 1 595 euros.
En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :
6. La société Assurances du crédit mutuel peut prétendre au versement des intérêts au taux légal sur la somme de 15 467,56 euros à compter de la date de réception de sa demande préalable, le 18 octobre 2021, et de la capitalisation des intérêts le 18 octobre 2022, date à laquelle un an d'intérêts était dû, ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Assurances du crédit mutuel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à hauteur de la somme de 15 467,56 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation.
Sur les frais du litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Assurances du crédit mutuel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2203946 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société Assurances du crédit mutuel une somme de 15 467,56 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2021 et de la capitalisation des intérêts le 18 octobre 2022 ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Assurances du crédit mutuel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03491