Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du
14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et, d'autre part, de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen (SIS) et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2305109 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2024 M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant entretemps une autorisation temporaire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
- il justifiait de circonstances exceptionnelles pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la durée de son séjour en France, de sa bonne intégration et de son activité professionnelle depuis fin 2019 ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- ces décisions sont également entachées d'erreur de fait dès lors qu'elles se fondent notamment sur la circonstance qu'il n'aurait pas exécuté l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 30 janvier 2017 alors qu'il l'a exécutée, et qu'il ne produisait pas de justificatifs de son activité professionnelle en France alors qu'il les produisait.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est fondée sur l'inexécution de la précédente obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 30 janvier 2017 alors qu'il a exécuté cette mesure ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Labetoulle a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 20 juin 1990, déclare être entré en France le 11 août 2018 en dernier lieu et y être demeuré de façon continue depuis cette date. Le
3 février 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le tribunal ayant rejeté cette demande par un jugement du 14 mars 2024, M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
4. Il ressort des indications de M. B... lui-même, qui ne justifie pas par ailleurs ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il est entré pour la première fois en France en 2015, soit à l'âge de vingt-cinq ans. Il soutient, sans au demeurant l'établir, avoir quitté le territoire français du 4 mars 2017 au 11 août 2018 pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 20 janvier 2017. Toutefois, que l'on prenne en compte la durée de son séjour en France depuis 2015 ou depuis 2018, cette durée de résidence en France, pas plus que l'exercice d'une activité professionnelle, en tant que terrassier, de novembre 2019 à décembre 2021, sous une fausse identité, et l'obtention d'un nouvel emploi auprès d'une société d'interim à compter de janvier 2022 en tant que manœuvre ne suffisent, nonobstant la circonstance qu'il n'aurait jamais troublé l'ordre public, à établir l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions précitées.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, et, s'il soutient y avoir " reconstruit sa vie sociale, professionnelle et personnelle ", il n'apporte aucune précision sur sa vie sociale ou personnelle et n'établit notamment pas avoir d'attaches familiales ou personnelles en France. De même, s'il fait état du décès de ses parents, il ne justifie pas pour autant ne plus avoir d'attaches au Mali où il a vécu à tout le moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire prononcés à son encontre porteraient à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises, ni, par suite, qu'elles méconnaitraient les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
7.En troisième lieu M. B... soutient que les décisions contestées seraient entachées d'erreurs de fait dès lors qu'elles retiendraient à tort, d'une part, qu'il n'aurait pas exécuté l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 30 janvier 2017 alors qu'il l'aurait exécutée, et, d'autre part, qu'il ne produirait pas de justificatifs de son activité professionnelle en France alors qu'il les produisait. Toutefois, d'une part, en dépit de ses allégations il n'établit aucunement avoir exécuté cette première obligation de quitter le territoire français, ce dont il pourrait pourtant aisément justifier, notamment par la production de billets d'avion ou la photocopie de mentions apposées sur son passeport. D'autre part, s'il a produit devant le tribunal des justificatifs de son activité professionnelle il n'en résulte pas qu'il les aurait également produits devant l'administration lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 du présent arrêt que l'activité professionnelle exercée par le requérant, même en prenant en compte sa durée de présence en France, ne permet pas d'établir qu'il justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le préfet aurait pris la même décision s'il avait eu connaissance des pièces relatives à l'activité professionnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré des erreurs de faits n'est pas établi en ce qui concerne l'exécution de la précédente mesure d'éloignement et est inopérant en ce qui concerne les justificatifs de l'activité professionnelle du requérant.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et
L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article
L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles
L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
9. Pour prononcer à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans le préfet a expressément visé les disposions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et rappelé que l'intéressé s'était déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée le 30 janvier 2017, qu'il a été procédé à l'examen d'ensemble de sa situation relativement à la durée de l'interdiction de séjour, et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, ce qui renvoyait aux éléments précédemment exposés sur M. B..., une durée d'interdiction de retour de deux ans ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est dès lors suffisamment motivée.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B... n'établit pas avoir effectivement exécuté la mesure d'éloignement prononcée en 2017, et il n'est par suite pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour serait entachée d'erreur de fait ou de droit du fait qu'elle se fonde sur l'inexécution de cette mesure.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... ne justifie pas disposer sur le territoire français d'attaches personnelles ou familiales ni ne plus en avoir dans son pays où il a vécu jusqu'à, l'âge de vingt-cinq ans, et, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, pour les motifs énoncés au point 6.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
- Mme Palis de Koninck, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLE La présidente,
M. JULLIARD
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01419