Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par une ordonnance n° 2401981 du 18 septembre 2024, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris afin qu'il soit statué sur sa demande dans le délai de quinze jours ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dès lors qu'une absence d'adresse peut être régularisée après l'expiration du délai de recours contentieux et qu'il a été destinataire d'une invitation à régulariser le jour même de l'ordonnance attaquée ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire ont été signées par une autorité incompétente, faute de justification d'une délégation de signature à cet effet, régulièrement publiée ;
- elles ont été signées par une autorité territorialement incompétente dès lors qu'il a été interpellé en dehors du département de la Seine-et-Marne ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- elles ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'a pas été informé au préalable des modalités d'introduction d'une demande de protection internationale ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été signée par une autorité incompétente, faute de justification d'une délégation de signature à cet effet régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 28 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 novembre 2024 à 12h00.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête, faute de mention du domicile du requérant.
Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2024, M. A... soutient que sa requête est recevable, dès lors qu'il dispose d'une adresse stable et effective.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Marmin, substituant Me Sangue, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né le 31 décembre 1990, fait appel de l'ordonnance du 18 septembre 2024 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a rejeté, comme manifestement irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024 du préfet de Seine-et-Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 411-1 de ce code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice ".
4. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article R. 411-1 cité ci-dessus que, sauf impossibilité justifiée, une requête doit, à peine d'irrecevabilité, indiquer le domicile du demandeur, qui doit être entendu comme son domicile réel au sens de l'article R. 751-3, auquel la décision de la juridiction lui sera notifiée, sauf à ce qu'il informe par la suite expressément le greffe de la juridiction d'un éventuel changement d'adresse. La mention d'une élection de domicile ne pallie l'absence de cette indication qu'en ce qui concerne les personnes sans domicile stable qui ont élu domicile en application des dispositions des articles L. 264-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles ou de l'article L. 551-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette irrecevabilité, qui est susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, ne peut être opposée que si le requérant, invité à régulariser sa requête, en application des dispositions de l'article R. 612-1 cité ci-dessus, en précisant son domicile, s'est abstenu de donner suite à cette invitation. Si une telle demande de régularisation est impossible, notamment lorsque le demandeur n'est pas représenté par un avocat et n'a pas adressé sa requête à la juridiction par voie électronique au moyen du téléservice prévu à l'article R. 414-2 du code de justice administrative, le juge peut rejeter la requête sans demande de régularisation préalable.
5. Il résulte de ce qui précède que si la demande de M. A..., présentée le 25 janvier 2024 devant le tribunal administratif de Paris par l'intermédiaire d'un avocat, était irrecevable faute d'indiquer son domicile, cette irrecevabilité était susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours. Par suite, en rejetant cette demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 cité ci-dessus, aux motifs qu'elle n'indiquait pas l'adresse du requérant et que ce défaut d'adresse n'avait pas été régularisé dans le délai de recours contentieux, alors au surplus que la demande de régularisation adressée au requérant le 13 février 2024 ne comportait pas les mentions requises par les dispositions de l'article R. 612-1 précité, le premier juge a entaché son ordonnance d'irrégularité. Cette ordonnance doit, dès lors, être annulée.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il statue sur la demande de M. A....
7. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 18 septembre 2024 du président du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. d'Haëm, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
R. d'HAËMLa présidente,
P. FOMBEURLa greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04074