Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2403690 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2024, Mme B..., assistée de Me Morel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 2403690 en date du 30 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2023 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui faisant obligation de quitter de territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résident portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et, durant l'instruction, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des mêmes articles du même code ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, en raison de son insuffisance de motivation ;
- il est également irrégulier en raison d'une erreur de droit sur l'article 6,7° de l'accord franco-algérien, et d'une dénaturation des pièces du dossier ;
- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait et entachée d'un défaut d'examen personnel ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6,7° de l'accord franco-algérien, faute notamment d'établir la disponibilité en Algérie d'un traitement approprié à sa maladie rare ainsi que, par voie de conséquence, celles des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention mentionnée
ci-dessus ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Carrère, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Ressortissante algérienne, Mme B..., née le 2 janvier 1988, entrée en France le 9 septembre 2017, selon ses déclarations, a sollicité, le 23 juin 2023, le renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement de l'article 6,7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 20 décembre 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Le tribunal administratif de Paris a confirmé cet arrêté par un jugement n° 2403690 du 30 avril 2024, dont appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, les premiers juges ont expressément estimé que les quatre certificats émanant de praticiens hospitaliers du centre hospitalier de La Pitié-Salpêtrière n'étaient ni précis, ni circonstanciés quant à l'impossibilité pour Mme B... d'interrompre son traitement contre le lupus en France et s'apparentaient dès lors à de simples allégations. Par suite, et alors même qu'ils n'auraient pas traité avec la précision souhaitée par la requérante les arguments avancés en ce qui concerne ses attaches en France, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement manque en fait.
3. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché son jugement de dénaturation des faits, fait une inexacte application de la notion de traitement approprié prévu à l'article 6,7° de l'accord franco-algérien, ou méconnu la dévolution de la charge de la preuve en la matière.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision refusant le renouvellement du titre de séjour est insuffisamment motivée, faute que ses auteurs se soient prononcés sur la présence en France de frères et sœurs, l'existence d'un concubin, et l'exercice de ses fonctions d'ATSEM (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) auprès des services de l'éducation nationale, métier présenté comme en tension. Pour autant, l'intéressée s'était présentée comme célibataire. En tout état de cause, la décision attaquée, qui fait référence à ses fonctions d'ATSEM et mentionne ses attaches familiales dans son pays d'origine, ne peut être regardée comme ne comportant pas suffisamment d'éléments de fait pour fonder le refus de renouvellement du certificat de résidence en litige. Il ne ressort pas non plus de cette décision qu'elle n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier de la situation personnelle de la requérante. Les moyens soulevés doivent donc être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Les conditions d'application de ces dispositions sont définies aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du même code et précisées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Pour refuser de renouveler le certificat de résidence dont Mme B... était antérieurement en possession, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 9 octobre 2023 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Selon cet avis, le lupus érythémateux systémique dont souffre l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque. D'une part, la circonstance que, dans ses deux avis précédents du 2 juin 2021 et du 4 juillet 2022, cette instance avait recommandé le prolongement pour une durée déterminée du traitement en France et avait conclu à l'absence du traitement approprié en Algérie, n'est à elle seule de nature à entacher d'illégalité la décision du préfet de police. D'autre part, il ressort aussi des propres déclarations de Mme B... dans sa requête de première instance que la pathologie de Mme B... a été diagnostiquée en 2011 en Algérie où elle a été initialement soignée jusqu'en 2017. De plus, il ressort des pièces produites en défense qu'au moins trois centres hospitaliers universitaires en Algérie, situés à Mustapha, Constantine, et Bab El Oued, traitent les pathologies de type " Lupus ". Pour combattre ces éléments de preuve récents, Mme B... se contente de produire à nouveau en appel quatre certificats établis entre le 15 avril 2018 et le 11 février 2022 de praticiens hospitaliers de La Pitié Salpêtrière, qui, comme il a été constaté par les premiers juges, ne sont nullement circonstanciés, et se bornent à insister sur la nécessité de poursuivre le traitement de cette maladie rare. Au surplus, seul le premier certificat affirme, sans aucun élément de preuve, qu'aucun traitement approprié n'est disponible en Algérie. Si l'attestation du Docteur A... en date du 6 février 2024, établie postérieurement à l'arrêté attaqué, évoque également la nécessité " d'un traitement médical au long cours et des hospitalisations et des consultations régulières spécialisées ", elle ne contredit pas davantage efficacement les documents récents produits par le préfet de police. En se fondant entre autres sur le dernier avis du collège de médecins de l'OFII, le préfet de police a donc pu légalement refuser le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade.
7. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il y a lieu, pour les motifs énoncés au point 7 du jugement attaqué, d'écarter les moyens repris sans changement en appel et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au demeurant non susceptible d'être invoqué par un ressortissant algérien, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de renouvellement du titre de séjour sur la vie privée et familiale de Mme B....
10. Il résulte de tout ce qui précède, et en l'absence de moyens dirigés spécifiquement contre la mesure d'éloignement, la décision imposant un délai de départ volontaire de 30 jours et un pays de destination, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du préfet de police lui refusant le renouvellement de son titre de séjour. Par voie de conséquence doivent doit être rejetées ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARREREL'assesseure la plus ancienne,
S. BOIZOT
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02445