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15/01/2025 | FRANCE | N°23PA05301

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, Juge des référés, 15 janvier 2025, 23PA05301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune du Mont-Dore à leur verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 250 000 F CFP par mois jusqu'à la réhabilitation complète de leur villa, à valoir sur la réparation des frais de relogement qu'ils sont amenés à exposer à raison de l'effondrement du talus supportant la voie communale surplombant leur villa ains

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune du Mont-Dore à leur verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 250 000 F CFP par mois jusqu'à la réhabilitation complète de leur villa, à valoir sur la réparation des frais de relogement qu'ils sont amenés à exposer à raison de l'effondrement du talus supportant la voie communale surplombant leur villa ainsi qu'une provision de 1 000 000 F CFP chacun au titre de leur préjudice de jouissance et une provision de 1 000 000 F CFP chacun au titre de leur préjudice moral.

Par une ordonnance n° 2300339 du 8 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune du Mont-Dore à leur verser une somme de 4 000 000 F CFP à titre de provision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2023, et un mémoire en réplique enregistré le 7 mai 2024, la commune du Mont-Dore, représentée par la SELARL Loïc Pieux, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de provision de M. D... et de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... et de Mme C... la somme de 300 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors, d'une part, que les intimés avaient, vis-à-vis du talus dont l'effondrement est à l'origine de leur préjudice, la qualité d'usagers et non celle de tiers, et, d'autre part, qu'aucun défaut d'entretien normal ne saurait lui être reproché, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- il résulte des conclusions de l'expert que l'effondrement de ce talus ne trouve pas son origine dans un défaut d'entretien normal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 22 mai 2024, M. D... et Mme C..., représentés par le cabinet Plaisant, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 250 000 francs CFP soit mise à la charge de la commune du Mont-Dore au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- ils avaient, vis-à-vis de l'ouvrage public en cause, la qualité de tiers dès lors qu'ils n'utilisaient pas le talus ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la commune du Mont-Dore pourrait être également engagée sur le terrain de la faute dès lors qu'elle n'a pas installé les équipements nécessaires à l'évacuation des eaux (exutoire, caniveau en béton en amont de la chaussée, bordure en béton en aval de la chaussée), et ne démontre pas avoir mis en œuvre le nettoyage régulier du fossé ;

- l'impossibilité d'occuper leur logement nécessite une indemnité temporaire de relogement égale à 250 000 francs CFP par mois ;

- l'impossibilité d'occuper leur logement a occasionné un préjudice de jouissance ainsi qu'un préjudice moral dont la réparation à hauteur de 4 000 000 de francs CFP n'est pas sérieusement contestable.

Par décisions du 13 juin 2024, M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la cour a désigné Mme Menasseyre, présidente de la 8ème chambre, pour statuer sur les demandes de référés.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est propriétaire d'un terrain situé dans la commune du Mont-Dore, où il réside avec sa compagne, Mme C.... A la suite d'un important glissement de terrain qui s'est produit le 3 août 2022 entre la rue des Fox-Terriers et la villa de M. D..., entraînant l'effondrement du talus qui surplombe leur maison ainsi rendue inhabitable, le maire de la commune du Mont-Dore a pris un arrêté d'évacuation le 11 août 2022, renouvelé le 5 septembre 2023. Par un courrier du 23 août 2023, demeuré sans suite, M. D... et Mme C... ont demandé à la commune de prendre en charge les frais de relogement qu'ils étaient amenés à exposer en raison de ce sinistre. Par une ordonnance du 4 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a ordonné une expertise aux fins de déterminer l'origine et l'étendue des désordres affectant la villa, les travaux pour y remédier ainsi que leur coût et de fournir des éléments permettant d'établir les responsabilités encourues. Saisi d'une demande de provision, le juge des référés du tribunal a, par une ordonnance du 8 décembre 2023, condamné la commune du Mont-Dore à verser à M. D... et Mme C... la somme de 4 000 000 francs CFP, à titre de provision. La commune du Mont-Dore fait appel de cette ordonnance.

Sur la provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Si les photographies versées aux débats par la commune du Mont-Dore font apparaître le feuillage d'un arbre que le talus en cause a entraîné dans son effondrement, il ne saurait résulter de cette simple présence que les habitants de la villa surplombée par ce talus, lequel soutenait la voie publique, auraient eu, de ce simple fait, la qualité d'usagers de cet ouvrage. Si la commune invoque également le raccordement de la villa au réseau d'eau potable par une canalisation qui passait sous le talus, cette circonstance, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne saurait suffire à permettre de considérer que les occupants de la maison avaient la qualité d'usager du talus traversé par la conduite desservant leur habitation, talus dont la fonction était essentiellement de soutenir la voie publique qui le surplombait. Il suit de là que M. D... et Mme C... avaient, vis à vis de cet ouvrage, la qualité de tiers, ainsi que l'a jugé à bon droit le juge du référé du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

4. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime.

5. Il ressort du rapport de l'expert désigné par le juge des référés que le talus qui soutenait la rue des Fox-terriers et surplombait l'habitation des victimes s'est trouvé fortement chargé en eau de pluie à la suite de la saison particulièrement pluvieuse qu'avait connue la commune de Nouméa, que les eaux provenant de l'amont ont percolé sous la voirie à partir du fossé qui longe cette voie, qu'une fuite sur une canalisation d'eau existait probablement avant le sinistre et a participé à l'imprégnation du terrain et qu'une tranchée réalisée pour le compte de l'office des postes et télécommunications dans le talus, remblayée avec de la scorie se situait au point de départ du glissement de terrain et " a agi comme une amorce de rupture de la lentille de glissement ". Cette succession d'événements est, selon l'expert, à l'origine de l'effondrement de la couche superficielle du talus, formée de matériaux peu cohésifs.

6. Au vu de ces éléments et alors que, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal, rien ne laisse présager d'une faute des victimes, ni de l'existence d'un cas de force majeure, l'existence de l'obligation de la commune du Mont-Dore, qui a la garde de la voie communale et de ses accessoires, envers M. D... et Mme C... présente, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Dès lors, la commune du Mont-Dore n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Nouvelle Calédonie l'a, par l'ordonnance attaquée, condamnée à verser à une provision de 400 000 de francs CFP. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. D'une part, M. D... et Mme C... n'allèguent pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. D... et Mme C... n'a pas demandé que lui soit versée par la commune du Mont-Dore la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à ses clients si ces derniers n'avaient bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des intéressés, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la commune demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la commune du Mont-Dore est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. D... et Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Mont-Dore, à Monsieur A... D... et Mme B... C....

Fait à Paris, le 15 janvier 2025

La juge d'appel des référés

A. Menasseyre

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA05301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 23PA05301
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL CABINET PLAISANT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;23pa05301 ?
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