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17/01/2025 | FRANCE | N°23PA00680

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 23PA00680


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, premièrement, par une requête enregistrée sous le n° 2115302, d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'exécution des travaux prescrits par l'arrêté du 23 décembre 2020, aux frais de l'indivision C..., et a chargé l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de réaliser les opérations visant à la mise en sécurité partielle des déch

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, premièrement, par une requête enregistrée sous le n° 2115302, d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'exécution des travaux prescrits par l'arrêté du 23 décembre 2020, aux frais de l'indivision C..., et a chargé l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de réaliser les opérations visant à la mise en sécurité partielle des déchets dangereux présents sur le site et présentant le potentiel de danger le plus important, ainsi que d'établir un rapport de fin de travaux, ensemble la décision du 8 septembre 2021 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, deuxièmement, par une requête enregistrée sous le n° 2115304, d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a engagé une procédure de consignation à l'encontre de l'indivision C... et a émis un titre de perception de 55 600 euros correspondant au montant des travaux qu'il a prescrit par un arrêté du 23 décembre 2020, ensemble la décision du 8 septembre 2021 rejetant son recours gracieux, à titre subsidiaire, de ramener le montant de la consignation à la somme de 35 478, 40 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et troisièmement, par une requête enregistrée sous le n° 2115306, d'annuler l'arrêté du 12 mai 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a infligé une amende administrative aux indivisaires C... d'un montant de 10 000 euros sur le fondement du 5° du I de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, ensemble la décision du 8 septembre 2021 rejetant son recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2115302-2115304-2115306 du 15 décembre 2022 le tribunal administratif de Montreuil a annulé les trois arrêtés pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis les

12 mai et 10 juin 2021, ensemble les décisions de rejet des recours gracieux, et a mis à la charge de la préfète de la Seine-Saint-Denis une somme de 2 000 euros à verser à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février 2023 et 24 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'erreur de droit pour avoir écarté la responsabilité de l'indivision C... au motif que la pollution était connue de longue date par l'administration et que celle-ci s'était abstenue de prendre les mesures nécessaires alors que la mise en cause de la responsabilité des propriétaires n'est pas subordonnée à la mise en œuvre préalable des pouvoirs de police des déchets ;

- le jugement a également commis une erreur de fait en retenant que la pollution était connue de longue date de l'administration et que celle-ci n'avait pas pris les mesures nécessaires alors qu'elle était intervenue dès 2012 et avait pris diverses mesures dès 2015 et 2016 pour essayer d'abord d'engager la responsabilité de la société productrice des déchets, avant d'engager celle des propriétaires du site, conformément à l'article L. 541-2 du code de l'environnement ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de fait en retenant que l'exigence d'une négligence des propriétaires ne pouvait être établie alors que l'indivision C... avait été avisée dès 2016 de la présence des déchets, dont ses membres connaissaient les risques, ayant travaillé au sein de la société productrice de ceux-ci ;

- la qualité de détenteurs des déchets a été à juste titre reconnue aux membres de l'indivision C... ;

- les moyens soulevés à l'encontre des trois arrêtés en litige sont infondés, pour les motifs développés par le préfet en première instance ;

- si Mme C... a entrepris des travaux, ceux-ci étaient incomplets et ont été réalisés de manière non satisfaisante ; les montants engagés par l'ADEME ont dès lors été finalement supérieurs au montant de la consignation, et par suite le montant de celle-ci ne saurait être regardé comme excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, Mme C..., représentée par Me Coutadeur, conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par l'Etat ne sont pas fondés ;

- les arrêtés en litige sont entachés d'insuffisance de motivation ;

- ils ont été pris en méconnaissance de la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, Mme C... n'ayant disposé que d'un délai trop court pour pouvoir utilement présenter ses observations à l'encontre des trois arrêtés ;

- la somme consignée en application de l'article L541-3 du code de l'environnement doit correspondre au coût des travaux à effectuer, or Mme C... justifiant avoir déjà fait effectuer une partie des travaux, le montant de la somme consignée doit être réduit en proportion ;

- la somme consignée revêt un caractère d'autant plus excessif que l'arrêté préfectoral du 10 juin 2021 prescrivant la réalisation de travaux d'office contraint l'ADEME à refaire l'ensemble des travaux déjà effectués et acquittés par Mme C... ;

- cet arrêté prescrivant la réalisation d'office des travaux doit être annulé car constitue une mesure de police infondée compte tenu de la première phase de travaux déjà réalisés par ses soins et de l'allongement du coût et des délais ;

- l'arrêté prescrivant une amende administrative présente un caractère disproportionné, compte tenu notamment des travaux déjà entrepris et des circonstances de l'espèce, l'intéressée n'ayant pu accéder plus tôt aux lieux ;

- les trois arrêtés en litige sont illégaux dès lors qu'ils ne peuvent être pris qu'à l'égard d'une personne alors qu'ils le sont à l'égard de l'indivision C..., qui n'est pas une personne.

Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'indivision C... était propriétaire de parcelles cadastrées AY47, AY48 et AY53, situées au 191-197 rue Etienne Marcel à Montreuil, sur lesquelles étaient implantés des bâtiments industriels ayant abrité une entreprise soumise à autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. La société initiale, la SA R C... et fils, avait cédé son fonds à la société C... JLTS qui l'avait ele-même cédé à la SARL C... AMM Industrie. A la suite du placement de cette société en liquidation judiciaire le

28 décembre 2015, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté préfectoral n° 2016-0182 du

20 janvier 2016, prescrit au liquidateur judiciaire de procéder à la mise en sécurité du site et, en particulier, à l'élimination des déchets stockés sur les parcelles AY47, AY48 et AY53 dans un délai d'un mois. Le 27 juin 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné récépissé au liquidateur judiciaire de sa déclaration de cessation totale des activités de la SARL C... AMM Industrie. Par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Bobigny a prononcé la clôture de la procédure de liquidation de la SARL C... AMM Industrie pour insuffisance d'actifs, sans que les obligations mentionnées ci-dessus n'aient été exécutées. Par un premier arrêté du 7 août 2019 le préfet avait mis l'indivision C... en demeure de procéder à l'évacuation des déchets. Saisie par cette indivision le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté cette demande par un jugement n° 2000852 du 5 mai 2021 ensuite annulé par un arrêt n° 21PA03818 de la Cour administrative d'appel de Paris du 3 février 2022 lui-même censuré par un arrêt n° 462947 du Conseil d'Etat du 27 mars 2023. Statuant de nouveau après renvoi par le Conseil d'Etat, la Cour a rejeté la demande de l'indivision C... par un arrêt n° 23PA01308. Entretemps, par un arrêté du 23 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prescrit à l'indivision C... de réaliser en urgence les travaux de sécurisation des déchets présents sur le site et de description des opérations menées ainsi que de recension des produits et déchets présents. En l'absence d'exécution de ces travaux, le préfet a mis en demeure l'indivision, par arrêté du 22 février 2021, de les réaliser sous cinq jours ouvrés. Faute d'exécution, par deux arrêtés du 12 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, d'une part, obligé l'indivision à consigner une somme de 55 600 euros correspondant au montant des travaux prescrits par l'arrêté du 23 décembre 2020 en application de l'article

L. 541-3 I-1° du code de l'environnement, d'autre part, infligé aux indivisaires une amende administrative d'un montant de 10 000 euros en application de l'article L. 541-3 I-5 du même code. Enfin, par un arrêté du 10 juin 2021, cette autorité a décidé de procéder à l'exécution d'office de ces travaux par l'ADEME, aux frais de l'indivision C..., en application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement. Mme A... C... a saisi le tribunal administratif de Montreuil de trois demandes, enregistrées sous les n° 2115302, 2115304 et 2115306, tendant à l'annulation des deux arrêtés du 12 mai 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis et de son arrêté du 10 juin 2021. Par le présent recours le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande l'annulation du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal a prononcé l'annulation de ces trois arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers (...) ". Aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " I.- Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, à l'exception des prescriptions prévues au I de l'article L. 541-21-2-3, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. /Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : /1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures. (...) /2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; (...)/5° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 €. La décision mentionne le délai de paiement de l'amende et ses modalités. L'amende ne peut être prononcée plus d'un an à compter de la constatation des manquements. /L'exécution des travaux ordonnés d'office peut être confiée par le ministre chargé de l'environnement à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. Les sommes consignées leur sont alors reversées à leur demande. (...) ".

3. Sont responsables des déchets, au sens des dispositions précitées, les producteurs ou autres détenteurs connus des déchets. En leur absence, le propriétaire du terrain sur lequel ils ont été déposés peut être regardé comme leur détenteur, au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, et être de ce fait assujetti à l'obligation de les éliminer, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain ou s'il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il est devenu propriétaire de ce terrain, d'une part, l'existence de ces déchets, d'autre part, que la personne y ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas en mesure de satisfaire à ses obligations. L'éventuel manquement de l'autorité administrative dans l'exercice de ses pouvoirs de police, s'il peut donner lieu à la mise en jeu de la responsabilité de l'administration, ne peut conduire à écarter le régime de responsabilité prévu par les dispositions du code de l'environnement précitées, notamment en tant qu'il s'applique au propriétaire du terrain sur lequel sont déposés des déchets.

4. Il résulte de ce qui précède qu'une carence de l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de police ne saurait faire, par elle-même, échec à la mise en cause du détenteur des déchets ou du propriétaire du terrain. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que la faillite alléguée de l'administration à prendre l'ensemble des mesures à sa disposition pour faire remettre le site en état par son véritable exploitant aurait été de nature à entacher d'illégalité les arrêtés en litige.

5. Par ailleurs Mme A... C... et les autres indivisaires, qui résident sur le site de l'installation classée, ne pouvaient ignorer la présence des très nombreux déchets issus de l'exploitation de cette installation classée, consistant notamment en des fûts, des cubitainers et des bidons contenant des produits chimiques, qui se sont accumulés sans faire l'objet d'une élimination régulière. De plus, il ne peut être contesté que l'indivision C..., dont plusieurs membres ont exploité jusqu'en 1996 une installation classée pour la protection de l'environnement sur le même site, étaient nécessairement conscients depuis 1999 des risques de pollution liés à la nature et aux conditions de stockage des déchets litigieux, à la suite du dépôt d'un rapport d'expertise confirmé par un bureau d'études en 2009, et alors qu'ils n'ont appelé, pour la première fois, que six ans plus tard l'attention de l'administration sur les risques représentés par leur accumulation, par un courrier du 12 août 2015. En outre, en dépit du jugement du 22 décembre 2017 du Tribunal de grande instance de Bobigny prononçant la clôture de la procédure de liquidation de la SARL C... AMM Industrie pour insuffisance d'actifs, les indivisaires C... n'ont pas cherché à débarrasser le site, même sommairement, des déchets toxiques l'encombrant. Enfin, la circonstance que Mme A... C... aurait été empêchée par son père, M. B... C..., d'accéder au site afin de procéder à sa remise en état, n'est pas, du fait de sa qualité de coindivisaire, de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Il s'ensuit que les indivisaires ont fait preuve de négligence à l'égard de l'abandon par le dernier exploitant des déchets sur son terrain en ne prenant pas toutes les dispositions propres à prévenir la pollution du site. Par conséquent, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal a à tort jugé que les faits de l'espèce n'établissaient pas l'existence d'une négligence de la part des propriétaires des terrains, de nature à les faire regarder, pour l'application des dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, comme étant les détenteurs des déchets et, par suite, comme étant assujettis à l'obligation d'éliminer ces déchets. Le ministre est dès lors fondé également à soutenir que les premiers juges ont, à tort, annulé pour ce motif les trois arrêtés attaqués.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... C... tant devant le tribunal administratif de Montreuil que devant elle.

7. En premier lieu il ressort des arrêtés attaqués, qui visent notamment les dispositions du code de l'environnement qu'ils mettent en œuvre, ainsi que tous les arrêtés et procédure antérieurs, qu'ils contiennent tous trois l'énoncé très précis des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fondent, la circonstance, alléguée par Mme C..., qu'ils qualifieraient l'indivision C... de détenteur des déchets sans expliquer en quoi celle-ci serait liée à l'exploitation de la SARL C... AMM Industrie ne constituant pas une insuffisance de motivation, ces arrêtés, en tout état de cause, ne se fondant pas sur une participation de l'indivision à cette société mais sur sa qualité de propriétaire des parcelles concernées. Par ailleurs Mme C... ne peut faire utilement grief au préfet de mentionner le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2000852 du 5 mai 2021 sans l'annexer ni en reprendre la teneur dès lors, d'une part, que ce jugement statuait sur sa demande et qu'elle en avait dès lors été destinataire et ne pouvait en ignorer le contenu, et, d'autre part, que, s'agissant d'une décision de justice rendue publique, elle pouvait se la procurer sans qu'il soit nécessaire pour le préfet de l'annexer aux arrêtés litigieux. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu il résulte des dispositions précitées de l'article L. 541-2 du code de l'environnement que l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente qui envisage de prendre les mesures prévues par cet article doit aviser le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt, et l'informer de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que l'indivision C... a été informée par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 avril 2021 de la possibilité de présenter ses observations sur les projets d'arrêtés de consignation et d'amende, qui ont finalement été pris le 12 mai suivant, après que des observations en réponse ont été produites par courriers des 28 avril et 5 mai 2021, outre que l'indivision avait d'ores et déjà été avisée par le rapport du 31 mars 2021, faisant suite à la visite du 8 mars 2021 de l'inspection des installations classées, de la proposition de celle-ci de prévoir une amende et une consignation, à la suite de quoi le conseil de Mme C... avait déjà présenté ses observations et ses justificatifs par lettre recommandée du 15 avril 2021. De même il résulte également des pièces du dossier que l'indivision C... s'est vu notifier le projet d'arrêté préfectoral prescrivant des travaux d'office par lettre recommandée avec accusé de réception reçue dès le 27 mai 2021, alors que l'arrêté est intervenu le 10 juin suivant, après que des observations en réponse ont été présentées par lettre des 31 mai et 9 juin 2021. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et de l'irrégularité de la procédure suivie faute que Mme C... et l'indivision dont elle est membre aient bénéficié d'un délai suffisant pour présenter utilement leurs observations ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, Mme C... invoque l'erreur de fait qui résulterait de l'absence de prise en compte du début d'exécution des travaux auxquels elle a fait procéder, et qui aurait dû selon elle conduire à prendre en compte leur coût pour réduire d'autant le montant de la consignation imposée par l'arrêté du 12 mai 2021. Toutefois il résulte des pièces du dossier que, ainsi que le relevait le préfet dans ses écritures en défense devant le tribunal, auxquelles renvoie le ministre en appel, le devis établi par la société Serpol, suivi d'une attestation de commande et du règlement d'un acompte de 80%, ne concernait qu'une première phase des travaux, limitée à la caractérisation des déchets dangereux, au regroupement par nature des déchets identifiés et à l'estimation des tonnages, tandis que la phase de reconditionnement et d'évacuation des déchets restait soumise à l'acceptation d'une seconde offre et sous réserve que les 20% restants de la première phase de travaux ait été réglée, ce qui avait pu conduire l'administration à estimer que l'indivision ne présentait pas de garanties suffisantes et à prendre les arrêtés contestés, nonobstant la production des justificatifs correspondant à la commande de cette première phase de travaux et au versement d'un acompte de 80% du montant du devis, au demeurant réglé par un chèque émanant d'une personne ne faisant pas partie de l'indivision C.... Mais surtout il résulte des observations de l'administration devant les premiers juges que les travaux ainsi réalisés à la demande de l'indivision C... par la société SERPOL n'ont pas permis de faire progresser significativement dans la mise en sécurité du site, et que notamment les diagnostiques réalisés par cette société n'étaient pas exhaustifs et ont dû être intégralement refaits, sans que l'argumentation très détaillée du préfet sur ces points soit à aucun moment remise en question par Mme C... en appel. Ainsi, dès lors qu'il n'apparait pas que les travaux entrepris par la société SERPOL à la demande de l'indivision C..., auraient permis de réduire le coût de l'intervention de l'ADEME et de le ramener en-deçà de la somme prévue par l'arrêté de consignation, le moyen de Mme C... ne peut qu'être écarté.

10. En quatrième lieu, celle-ci soutient que l'amende infligée par arrêté du 12 mai 2021, d'un montant de 10 000 euros, présenterait un caractère disproportionné alors qu'elle fait valoir qu'elle a effectué toutes les diligences nécessaires dès qu'elle l'a pu, et n'était pas en mesure d'intervenir plus tôt en raison du conflit familial qui l'opposait à son père, ce qui l'empêchait même d'accéder au terrain. Toutefois il ressort de ce qui a déjà été énoncé au point 10 que l'indivision C... a fait preuve de négligence. De plus Mme C... ne conteste pas que le montant de l'amende est calculé en fonction non seulement du manque de diligence des intéressés mais aussi du tonnage et de la nature des déchets dangereux présents et des enjeux sanitaires environnementaux ; or il ne ressort pas des pièces du dossier que la prise en compte de ces éléments aurait du conduire à ne retenir qu'une amende d'un montant inférieur. Par suite elle n'établit pas que l'arrêté en litige aurait prononcé une amende d'un montant disproportionné.

11. En cinquième lieu Mme C... fait valoir que les mesures prévues par l'article

L. 541-3 du code de l'environnement, sur le fondement duquel ont été pris les arrêtés en litige, et qui visent le producteur ou le détenteur des déchets concernés, ne pourraient être dirigées que contre des personnes, physiques ou morales, et non contre une indivision, qui n'a pas la personnalité morale. Toutefois la circonstance qu'une indivision ne possède pas de personnalité morale est sans incidence sur la légalité des arrêtés litigieux, qui doivent être regardés comme mettant en demeure chacun des membres de l'indivision C..., qui sont collectivement détenteurs des déchets présents sur le site.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du recours, ni sur la recevabilité de la demande de première instance, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les deux arrêtés à fins d'amende et de consignation pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 12 mai 2021 ainsi que l'arrêté du 10 juin 2021 procédant à l'exécution des travaux prescrits par l'arrêté du 23 décembre 2020. Il est par suite fondé à demander l'annulation dudit jugement, ainsi que le rejet des trois demandes présentées devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais de l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les trois demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Mme C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Delage, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente assesseure,

- Mme Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025

La rapporteure,

M-I. LABETOULLE Le président,

Ph. DELAGE

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00680
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DELAGE
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23pa00680 ?
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