Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2216450 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Marmin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle non salariée ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 5 et du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Marmin, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 29 juillet 1983 et qui est entré en France le 19 septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour afin d'y poursuivre des études, s'est vu délivrer par la suite un certificat de résidence portant la mention " étudiant ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 28 février 2019. Par un arrêté du 11 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de titre en qualité d'étudiant et l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours. Par un jugement n° 1911117 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé qui a sollicité un changement de statut en sollicitant la délivrance d'un certificat de résidence l'autorisant à exercer une activité professionnelle non salariée. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement par lequel le même tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
3. Si cet accord régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle autre que salariée, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité préfectorale, saisie d'une première demande de titre de séjour sur le fondement de ces stipulations, puisse vérifier, outre l'inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ainsi que les autorisations éventuellement nécessaires pour l'exercice de l'activité professionnelle en cause, la consistance réelle du projet d'activité envisagé par le demandeur ou, le cas échéant, puisse lui opposer les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, de l'activité professionnelle envisagée. En revanche, la première délivrance d'un certificat de résidence en vue de l'exercice d'une activité professionnelle non salariée n'est pas soumise à la démonstration par le demandeur du caractère effectif de l'activité envisagée ou de sa viabilité économique, ni à l'existence de moyens d'existence suffisants ou d'un lien entre cette activité et les études suivies antérieurement par l'intéressé.
4. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un certificat de résidence pour l'exercice d'une activité non salariée, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé, notamment, sur les motifs que si l'intéressé a " fait valoir la création de son entreprise " DetG Services " destinée à la vente en ligne et à des prestations de services ", " il n'est pas en mesure de justifier d'une quelconque qualification lui permettant de gérer de manière efficiente son entreprise ", que les activités envisagées, " de différentes natures, n'ont aucune cohérence entre elles (e-commerce de matériel informatique, agent commercial, soutien scolaire à domicile, consultant logistique, services d'aide à la personne à domicile, livraison de repas et courses à domicile par vélo, prestations de services en hôtellerie et toute prestation de service non réglementé aux professionnels et particuliers) ", que " le document portant le nom de " C... du projet " d'avril 2022 évoque un contexte général sans aucune référence au cadre local dans lequel va s'inscrire l'entreprise ", que " les projections financières ne s'appuient sur aucun élément tangible " et " qu'ainsi la consistance réelle et les perspectives d'avenir des activités commerciales ne sont pas établies ".
5. En se bornant à faire état d'une inscription, le 2 mai 2022, au registre du commerce et des sociétés de son entreprise " DetG Services ", M. B... ne conteste sérieusement aucun des motifs susmentionnés et n'apporte aucune précision, ni aucun élément probant sur la réalité de son projet d'activités envisagé ou sur la consistance réelle des différentes activités envisagées. A cet égard, le seul document produit, intitulé " C... du projet ", du mois d'avril 2022, qui se borne à indiquer un apport en capital de 1 500 euros, ne mentionne que des propos très généraux sur le e-commerce ou sur les prestations de services aux personnes et aux entreprises, mais ne comporte aucun commencement d'explication sur les moyens et modalités de mise en place de différentes activités aussi diverses que celles d'achat et vente en ligne de matériel informatique, d'agent commercial, de soutien scolaire à domicile, de consultant logistique, d'aide à la personne à domicile, de livraison de repas et courses à domicile par vélo, de prestations de services en hôtellerie et de toute prestation de service non réglementé aux professionnels et particuliers, ni sur la cohérence entre ces différentes activités, le document faisant état, de surcroît, d'une activité " 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ", sans toutefois prévoir l'embauche de personnel. De même, les données comptables ou financières présentées dans ce document ne reposent sur aucun développement ou explication tangible.
6. Par ailleurs, si le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement se fonder sur le motif tiré de l'absence de lien entre les études poursuivies auparavant par M. B..., titulaire d'un master de droit, économie et gestion, mention science politique et spécialité " affaires et commerce international avec les pays émergents " obtenu en 2019, et les activités qu'il envisage d'exercer, il ressort de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision de refus de titre de séjour en se fondant uniquement sur les autres motifs rappelés au point 4.
7. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant que son projet d'activité ne revêtait aucune consistance réelle et, en conséquence, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de " commerçant ", le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des stipulations des articles 5 et 7 cités ci-dessus de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée, ne peut qu'être écarté.
9. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de septembre 2016 et des liens qu'il y pu nouer, l'intéressé, âgé de trente-neuf ans à la date de la décision attaquée, est célibataire et sans charge de famille sur le territoire. En outre, M. B..., qui ne livre, au demeurant, aucune précision sur les liens de toute nature, notamment d'ordre amical, qu'il aurait noués en France, ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, en Algérie où résident, notamment, ses parents et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans, de sorte qu'il y dispose d'attaches personnelles et familiales au moins aussi fortes qu'en France, ni n'allègue qu'il serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseur le plus ancien,
P. MANTZLa greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA00166