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06/12/2022 | FRANCE | N°21TL20379

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 06 décembre 2022, 21TL20379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille F... B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à lui verser la somme globale de 28 193 euros en réparation des préjudices qu'elle estime subis par sa fille à la suite de l'accident dont cette dernière a été victime le 10 novembre 2015 dans la cour de l'école élémentaire Patte d'Oie située à Toulouse.

Par un jugement n° 1802092 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille F... B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à lui verser la somme globale de 28 193 euros en réparation des préjudices qu'elle estime subis par sa fille à la suite de l'accident dont cette dernière a été victime le 10 novembre 2015 dans la cour de l'école élémentaire Patte d'Oie située à Toulouse.

Par un jugement n° 1802092 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Bordeaux le 29 janvier 2021, puis, le 11 avril 2022, devant la cour administrative d'appel de Toulouse et un mémoire non communiqué, enregistré le 8 novembre 2022, Mme E..., représentée par Me Cohen-Tapia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme globale de 28 193 euros en réparation des préjudices qu'elle estime subis par sa fille à la suite de l'accident dont cette dernière a été victime le 10 novembre 2015 dans la cour de l'école élémentaire Patte d'Oie située à Toulouse, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que le remboursement des droits de plaidoirie prévus à l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient que :

- l'accident dont a été victime sa fille F... le 10 novembre 2015, lors d'une séance d'éducation physique et sportive consacrée au jeu de l'épervier dans la cour de l'école élémentaire publique Patte d'Oie à Toulouse, alors qu'elle se trouvait sous la responsabilité de son enseignante, engage la responsabilité de cette dernière dans l'exercice de ses fonctions et celle de l'État au titre du défaut d'organisation du service ;

- sa fille a été contrainte de pratiquer une activité sportive dangereuse alors qu'elle ne disposait pas de chaussures adaptées ;

- au cours de sa chute, sa fille a été victime d'un important traumatisme à la cheville gauche ayant nécessité la pose d'un plâtre, des traitements de la douleur, une hospitalisation dans un service spécialisé et une longue période de rééducation ;

- elle est fondée à engager la responsabilité de l'enseignante de sa fille et de l'État et à demander la réparation de ses préjudices dans les conditions suivantes :

* au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 4 000 euros au titre des souffrances endurées cotées 2/7, 570 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 13 juin au 1er juillet 2016, 2 685 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III du 10 novembre 2015 au 12 juin 2016, 525 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II au 26 août 2016 ;

* au titre des préjudices extra-patrimoniaux définitifs : 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 4 000 euros au titre du préjudice esthétique coté 2/7, 3 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent évalué à 3 % par l'expert ;

* au titre du préjudice financier : la somme de 2 813 euros correspondant respectivement au remboursement des frais d'expertise mis à sa charge par le tribunal pour un montant de 800 euros, au droit de plaidoirie de 13 euros et aux frais d'assistance à l'expertise pour un montant de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête,

Il soutient, à titre principal, que :

- la requête est portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître en tant qu'elle comporte des conclusions à fin d'indemnisation fondées sur la responsabilité de l'enseignante dans l'exercice de ses fonctions ;

- elle est irrecevable dès lors, d'une part, que l'appelante ne justifie pas de la qualité pour représenter l'enfant F... B... en l'absence de précision sur le régime de l'autorité parentale exercé sur cet enfant mineur alors que la représentation en justice ne constitue pas un acte usuel dans l'exercice de l'autorité parentale pour lequel chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, d'autre part, les conclusions de la requête sont mal dirigées, l'académie de Toulouse n'étant pas une personne morale susceptible de faire l'objet d'une condamnation ;

À titre subsidiaire, il soutient que :

- une personne morale de droit public ne peut pas être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ;

- la responsabilité de l'État n'est pas engagée en l'absence de faute dans l'organisation du service public de l'enseignement ;

- l'accident dont a été victime l'enfant F... fait suite à un geste imprévisible qui ne peut être imputé ni à une faute de l'enseignante ni à un défaut de surveillance ;

- aucun élément ne fait apparaître que l'enfant F... aurait été mise dans l'obligation de jouer au jeu de l'épervier alors que celui-ci ne peut être regardé comme un jeu dangereux devant faire l'objet d'une interdiction de la part des enseignants en charge de surveiller la cour ;

- il n'est pas démontré en quoi l'enseignante serait responsable du port de chaussures non adaptées par la victime ni que le port de ces chaussures serait à l'origine de l'accident alors que celui-ci a été causé par la chute d'un camarade sur la cheville de la victime ;

- dès la survenue de l'accident, les pompiers ont été alertés et l'enfant a été installée sur un banc jusqu'à leur arrivée de sorte que l'enseignante doit être regardée comme ayant agi de manière immédiate et diligente dans le souci d'assurer la sécurité de la victime ;

- le lien de causalité entre l'action de l'administration et les préjudices subis n'est pas établi dès lors que l'enfant F... présentait un état antérieur tenant, d'une part, aux nombreux traumatismes orthopédiques qu'elle a subis avant la survenue de l'accident, notamment une précédente fracture de la même cheville un an auparavant, comme le mentionne la fiche de bilan des premiers secours, et, d'autre part, à un possible problème de rotation des hanches pouvant expliquer ses nombreuses chutes, ainsi que l'a relevé l'expert ;

- la réalité des préjudices allégués n'est pas alléguée et les prétentions indemnitaires de l'appelante sont excessives ;

- le chiffrage des conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est excessif au regard de la faible complexité du litige et les conclusions tendant au remboursement du droit de plaidoirie, qui ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée par un courrier du 12 mai 2022, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de de Mme E....

Par une ordonnance du 29 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2022 à 12 heures.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... G... ;

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. F... B..., née le 20 février 2005, a été victime, durant sa scolarité au sein de l'école élémentaire publique Patte d'Oie à Toulouse, d'une chute, le 10 novembre 2010, ayant entraîné un important traumatisme à la cheville gauche alors qu'elle participait à une activité sportive dans la cour de récréation et sous la surveillance de son enseignante. L'expert, désigné par une ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n° 1604318 du 11 janvier 2017, a rendu son rapport le 20 juillet 2017. Par un courrier du 10 janvier 2018, Mme E..., mère de l'enfant F..., a saisi le recteur de l'académie de Toulouse d'une demande indemnitaire préalable qui a été implicitement rejetée. Mme E..., qui indique agir en qualité de représentante légale de sa fille mineure, relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions à fin d'indemnisation fondées sur la responsabilité de l'enseignante et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande à la condamnation de l'État à lui verser la somme globale de 28 193 euros en réparation des préjudices qu'elle estime subis par sa fille.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de l'éducation : " Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants./ Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers. (...) / L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'État, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre le représentant de l'État dans le département (...) ".

3. Le législateur a ainsi entendu instituer une responsabilité générale de l'État, mise en jeu devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, pour tous les cas où un dommage causé à un élève a son origine dans la faute d'un membre de l'enseignement. Il n'est dérogé à cette règle que dans le cas où le préjudice subi doit être regardé comme indépendant du fait de l'agent, soit que ce préjudice ait son origine dans un dommage afférent à un travail public, soit qu'il trouve sa cause dans un défaut d'organisation du service.

4. Il résulte de l'instruction que l'accident dont a été victime la jeune F... est survenu alors qu'elle participait à une activité sportive, organisée sur le temps scolaire, et sous la surveillance de son enseignante. Compte tenu du principe rappelé au point précédent, les conclusions à fin d'indemnisation fondées sur l'éventuelle faute commise par l'enseignante de la victime ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli l'exception d'incompétence soulevée en défense et ont rejeté la demande de Mme E... en tant qu'elle comportait des conclusions tendant à la réparation des préjudices subis par la jeune F... du fait des agissements fautifs d'un membre de l'enseignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Il résulte de l'instruction que, lorsque F... a été victime d'une chute, elle participait, avec les élèves de sa classe, dans le cadre d'un cours d'éducation physique et sportive, au jeu dit de l'épervier. Si l'appelante soutient que l'enseignante de sa fille a commis une faute en la contraignant à participer à cette activité alors qu'elle ne portait pas des chaussures adaptées à la pratique sportive, cette circonstance, à la supposer établie, ne permet pas, à elle-seule, d'établir l'existence d'une faute de l'État dans l'organisation ou le fonctionnement du service public de l'enseignement dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le port d'un autre type de chaussures aurait évité la survenue de l'accident. En effet, celui-ci trouve sa cause déterminante, ainsi que cela résulte clairement des éléments concordants versés au dossier, en particulier du rapport établi lors du passage de F... aux urgences, dans la chute accidentelle d'un camarade sur la jeune F... qui, en tombant à son tour de sa hauteur sur le côté, a été victime d'un important traumatisme à la cheville gauche ayant provoqué une fracture de la malléole externe. De plus, il résulte tant du rapport d'accident dressé par la directrice de l'école que du bilan d'intervention des pompiers et des déclarations de la mère de la victime, relatées dans le certificat médical établi par le docteur D... le 19 février 2016, que l'intéressée a été victime, entre 2013 et 2014, de nombreux épisodes de traumatismes orthopédiques, pouvant s'expliquer, selon les conclusions de l'expert désigné par le tribunal, par une possible rotation interne importante de la hanche gauche. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise et les rapports établis à la suite de l'accident litigieux, que les secours, immédiatement alertés par l'école après la chute de F..., sont rapidement intervenus pour transporter la victime aux urgences pédiatriques de l'hôpital des enfants du centre hospitalier universitaire de Purpan. Dans ces conditions, eu égard à la rapidité de l'appel et de l'intervention des secours, ces circonstances ne révèlent, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, aucune faute dans l'organisation du service public de l'enseignement.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ainsi que celles tendant au remboursement du droit de plaidoirie.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme E... est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

N. El G...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL20379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20379
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Responsabilité à raison des accidents survenus dans les établissements d'enseignement.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de l'enseignement.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : COHEN TAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-06;21tl20379 ?
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