Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par six requêtes distinctes, d'une part, d'annuler, en premier lieu, la décision du 6 décembre 2017 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Lozère a fixé le montant de la redevance d'occupation domaniale des locaux du greffe du tribunal de commerce de Mende, ainsi que l'avis de régularisation du 12 décembre 2017 émis par le directeur départemental des finances publiques de la Lozère et la décision du 16 janvier 2018 rejetant son recours gracieux, en deuxième lieu, l'avis de régularisation du 6 février 2018 émis par le directeur départemental des finances publiques de la Lozère ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 29 mars 2018, en troisième lieu, l'avis de paiement du 13 mars 2018 émis par le directeur départemental des finances publiques de la Lozère ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 11 mai 2018, en quatrième lieu, la décision du 26 avril 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Lozère a fixé le montant de la redevance d'occupation des locaux du greffe du tribunal de commerce de Mende ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé le 18 juin 2018, en cinquième lieu, le titre exécutoire d'un montant de 20 437 euros émis à son encontre le 11 juillet 2018 par le directeur départemental des finances publiques de la Lozère ainsi que la décision du 15 octobre 2018 rejetant l'opposition à exécution de ce titre, et, en sixième lieu, l'avis de régularisation du 16 mai 2019 émis par le directeur départemental des finances publiques de la Lozère ainsi que la décision du 30 juillet 2019 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer, en premier lieu, la somme de 19 215 euros mise à sa charge par l'avis de régularisation du 12 décembre 2017, en deuxième lieu, la somme de 630 euros mise à sa charge par l'avis de régularisation du 6 février 2018, en troisième lieu, la somme de 315 euros mise à sa charge par l'avis de paiement du 13 mars 2018, en quatrième lieu, la somme de 315 euros mise à sa charge par la décision du 26 avril 2018, en cinquième lieu, la somme de 20 437 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 11 juillet 2018, et, en sixième lieu, la somme de 3 773 euros mise à sa charge par l'avis de régularisation du 16 mai 2019.
Par un jugement n° 1800842-1802399-1802401-1803199-1803739-1903022 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé, en premier lieu, les décisions du directeur départemental des finances publiques de la Lozère du 6 décembre 2017 et du 26 avril 2018, ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 26 avril 2018, en deuxième lieu, les avis de régularisation au comptant du 12 décembre 2017, du 6 février 2018 et du 16 mai 2019, ainsi que les décisions de rejet des recours gracieux formés à l'encontre de ces avis, en troisième lieu, l'avis de paiement du 13 mars 2018, ainsi que la décision de rejet du recours formé contre cet avis, et, en quatrième lieu, le titre exécutoire émis le 11 juillet 2018, ainsi que la décision du 15 octobre 2018 rejetant l'opposition à ce titre exécutoire, et, d'autre part, a déchargé M. D... de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les avis de régularisation au comptant des 12 décembre 2017, 6 février 2018 et 16 mai 2019, par l'avis de paiement du 13 mars 2018, et par le titre exécutoire du 11 juillet 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis, le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires, enregistrés le 11 juin 2021 et le 28 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. D... ;
Il soutient que :
- contrairement à ce que prétend l'intimé, le signataire de la requête d'appel, M. C... A..., avait reçu délégation pour ce faire, en vertu d'un arrêté du directeur de l'immobilier de l'État du 19 juin 2020 publié le 27 juin suivant et de l'article 3 du décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 qui confie à la direction de l'immobilier de l'État le soin de représenter l'État, dans ses domaines de compétences, devant les juridictions des ordres administratifs et judiciaires ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en inférant de la participation des greffiers des tribunaux de commerce au service public de la justice, leur dispense de la nécessité de disposer d'une autorisation d'occupation du domaine public, laquelle revêt un caractère précaire et révocable, justifiant qu'il leur soit réclamé une somme représentative de l'occupation et de l'utilisation du domaine public ;
- ainsi et au contraire de la logique qui fonde le jugement attaqué, il n'existe aucune incompatibilité entre exercice d'un service public et conclusion d'une convention d'occupation et d'utilisation du domaine public ;
- la conclusion d'une telle convention s'impose d'autant plus que les greffiers des tribunaux de commerce exercent non seulement des missions de service public mais également des activités économiques qui s'en distinguent ; il en résulte, ainsi que le Conseil d'État l'a jugé dans une décision du 12 mars 2021 n° 442284, que pour occuper des locaux du domaine public aux fins d'exercer de telles activités, la délivrance d'un titre d'occupation et l'acquittement d'une redevance sont nécessaires, conformément aux dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; de plus et à l'inverse de ce qu'affirme l'intimé, il ne découle nullement de la décision précitée du Conseil d'État que les locaux des tribunaux de commerce seraient nécessairement affectés, de manière indistincte, à un usage mixte, juridictionnel et non juridictionnel.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 17 mai et 6 juillet 2021 et le 23 février 2022, M. D..., représenté par Me Vital-Durand et Me Brusq, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Conseil d'État a jugé que, d'une part, seule l'occupation des locaux que les greffiers " consacrent à l'exercice de celles de leurs missions qui revêtent un caractère détachable de l'activité juridictionnelle " est subordonnée à la condition qu'ils disposent d'un titre d'occupation et s'acquittent d'une redevance, et, d'autre part, en revanche, les gestionnaires domaniaux ne sauraient soumettre à autorisation et au paiement d'une redevance " l'occupation ou l'utilisation des locaux des tribunaux de commerce pour l'exercice, par les greffiers de ces tribunaux, de celles de leurs missions qui ne sont pas détachables de l'activité juridictionnelle, quand bien même les locaux en cause ne seraient pas exclusivement consacrés à ces activités " ; s'agissant en particulier de ces " locaux à usage mixte ", le rapporteur public a précisé que " ce type de local doit alors, pour sa totalité, demeurer en dehors du champ des locaux susceptibles d'être assujettis à redevance " ;
- contrairement à ce que soutient le ministre, il ne prétend aucunement que les greffiers des tribunaux de commerce échapperaient par principe au champ d'application des dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, relatifs à l'autorisation et la redevance d'occupation du domaine public, mais que seules les surfaces mises à la disposition des greffiers aux fins d'y exercer exclusivement des activités non juridictionnelles sont soumises à autorisation et paiement d'une redevance ; en l'espèce, il exerce les deux types d'activité, juridictionnelle et non juridictionnelle, dans les mêmes locaux, de faible superficie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brusq, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par décisions du 6 décembre 2017 et du 26 avril 2018, le directeur départemental des finances publiques de la Lozère a décidé d'assujettir à redevance d'occupation du domaine public les locaux utilisés depuis 2012 par le greffe du tribunal de commerce de Mende, situés 27 boulevard Henri Bourillon à Mende, dans l'enceinte du tribunal judiciaire. En application de ces décisions, le directeur départemental des finances publiques de la Lozère a émis, le 12 décembre 2017, à l'encontre de M. Combarnous, greffier du tribunal de commerce, un avis de régularisation au comptant d'un montant de 19 215 euros au titre de l'année 2017 et des années antérieures, puis, le 6 février 2018, un avis de régularisation au comptant pour la période du 1er janvier au 28 février 2018 d'un montant de 630 euros, ensuite, le 13 mars 2018, un avis de paiement de la somme de 315 euros au titre de la redevance pour le mois d'avril 2018, suivi, le 11 juillet 2018, d'un titre exécutoire de 20 437 euros pour la période allant d'août 2013 à décembre 2018 et, enfin, le 16 mai 2019, un nouvel avis de régularisation d'un montant de 3 773 euros au titre de la redevance due pour l'année 2019.
2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 26 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions mettant à la charge de M. Combarnous, greffier du tribunal de commerce de Mende, des redevances d'occupation du domaine public et tendant à en obtenir le recouvrement, et l'a déchargé de l'obligation de payer les sommes correspondant à ces redevances.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 2121-1 du même code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 712-1 du code de commerce : " Les tribunaux de commerce sont des juridictions du premier degré, composées de juges élus et d'un greffier. Leur compétence est déterminée par le présent code et les codes et lois particuliers. Les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l'organisation judiciaire ". Aux terme de l'article L. 741-1 du même code : " Les greffiers des tribunaux de commerce sont des officiers publics et ministériels (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 741-1 du même code : " Le greffier assiste les juges du tribunal de commerce à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi. Il assiste le président du tribunal de commerce dans l'ensemble des tâches administratives qui lui sont propres. Il assure son secrétariat. Il l'assiste dans l'établissement et l'application du règlement intérieur de la juridiction, dans l'organisation des rôles d'audiences et la répartition des juges, dans la préparation du budget et la gestion des crédits alloués à la juridiction. Il procède au classement des archives du président (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Le greffier dirige, sous l'autorité du président du tribunal et sous la surveillance du ministère public, l'ensemble des services du greffe. Il assure la tenue des différents registres prévus par les textes en vigueur et tient à jour les dossiers du tribunal. Il met en forme les décisions prises et motivées par les juges. Il est dépositaire des minutes et archives dont il assure la conservation. Il délivre les expéditions et copies et a la garde des scellés et de toutes sommes déposées au greffe. Il dresse les actes de greffe et procède aux formalités pour lesquelles compétence lui est attribuée. Il prépare les réunions du tribunal, dont il rédige et archive les procès-verbaux. Il tient à jour la documentation générale du tribunal. Il assure l'accueil du public ". Aux termes de l'article R. 741-3 du même code : " Le greffier assure la tenue du répertoire général des affaires de la juridiction. Il applique les instructions de tenue du répertoire général élaborées par le ministère de la justice. Il transmet les informations statistiques demandées par le ministre de la justice selon les modalités déterminées par celui-ci ". Aux termes de l'article R. 741-4 du même code : " Lorsqu'un centre de formalités des entreprises a été créé par une chambre de commerce et d'industrie territoriale ou une chambre de métiers et de l'artisanat de région, le greffier peut, à la demande de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre de métiers et de l'artisanat de région, être autorisé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, à exercer tout ou partie des activités dévolues aux centres de formalités des entreprises par les articles R. 123-1 et suivants lorsque, dans l'intérêt des usagers, l'ouverture d'une annexe de ces centres apparaît nécessaire dans la ville où la juridiction commerciale a son siège (...) ".
6. Si les greffiers des tribunaux de commerce participent, à raison de l'exercice des missions non détachables de l'activité juridictionnelle qui leur sont confiées, notamment par l'article R. 741-1 et, pour partie, l'article R. 741-2 du code de commerce, à la mise en œuvre du service public de la justice commerciale auquel sont affectés les locaux des tribunaux de commerce et ne sauraient, par suite et dans cette mesure, être regardés comme en faisant une utilisation ou une occupation privative, il en va différemment des locaux occupés par ces greffiers pour l'exercice des missions distinctes, de nature non juridictionnelle, qui leur sont par ailleurs confiées par les lois et règlements, telles que la tenue du registre du commerce et des sociétés ou celles relevant des centres des formalités des entreprises.
7. Il en résulte que, conformément aux règles qui découlent des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l'occupation, par les greffiers des tribunaux de commerce, des locaux des tribunaux de commerce qu'ils consacrent à l'exercice de celles de leurs missions qui revêtent un caractère détachable de l'activité juridictionnelle de ces tribunaux, est subordonnée à la condition qu'ils disposent d'un titre d'occupation et s'acquittent d'une redevance. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les gestionnaires du domaine public ne sauraient, en vertu des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, soumettre à autorisation et au paiement d'une redevance l'occupation ou l'utilisation des locaux des tribunaux de commerce pour l'exercice, par les greffiers de ces tribunaux, de celles de leurs missions qui ne sont pas détachables de l'activité juridictionnelle, quand bien même les locaux en cause ne seraient pas exclusivement consacrés à ces activités.
8. Il résulte de l'instruction que les locaux qu'utilise M. D... au sein du tribunal de commerce de Mende en tant que greffier de ce dernier, d'une superficie totale de 43,45 m², se composent, pour l'essentiel, de son bureau (15,25 m²), de celui de son secrétariat (14,15 m²) et de la salle d'attente du public (9,95 m²). Or, les redevances litigieuses portent sur l'occupation de la totalité de ces locaux, outre celle des parties communes du tribunal, de 20,90 m² au total, composées d'un couloir, d'un local informatique et d'un " coin pause ". En conséquence, l'administration a soumis à autorisation et à paiement d'une redevance d'occupation du domaine public des locaux utilisés, au moins partiellement, aux fins de l'activité juridictionnelle de l'intimé, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions mettant à la charge de M. Combarnous, greffier du tribunal de commerce de Mende, des redevances d'occupation du domaine public et tendant à en obtenir le recouvrement, et l'a déchargé de l'obligation de payer les sommes correspondant à ces redevances. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le paiement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. D....
DÉCIDE :
Article 1 : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... D....
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL02729