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21/03/2023 | FRANCE | N°22TL22230

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 mars 2023, 22TL22230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102107 du 28 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme I... un titre de séjour

dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, mis à la charg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102107 du 28 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision, enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme I... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, sous le n° 22TL22230, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de Mme I... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2021 par lequel il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les traitements nécessités par l'état de santé de Mme I... sont disponibles en Algérie ainsi que l'a estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans son avis du 9 décembre 2020 ;

- les premiers juges ne pouvaient se fonder sur des captures d'écran du site internet " pharmnet-dz.com ", lequel ne saurait constituer une source d'information probante, ni sur le certificat médical établi par le docteur C... le 3 janvier 2022 dès lors qu'aucun de ces éléments ne permet de remettre en cause la fiabilité de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, Mme I..., représentée par Me Pougault, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où sa demande d'aide juridictionnelle serait rejetée.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés en appel par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison des illégalités entachant les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 janvier 2023 à 12 heures.

Mme I... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 17 février 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, sous le n° 22TL22234, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2102107 rendu par le tribunal administratif de Toulouse le 28 octobre 2022.

Il soutient que la requête en appel par laquelle il a saisi la cour comporte un moyen sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées à l'appui de la demande soumise aux premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, Mme I..., représentée par Me Pougault, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où sa demande d'aide juridictionnelle serait rejetée.

Elle soutient, en se référant au mémoire en défense produit dans le cadre de la requête n° 22TL22230, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2023 à 12 heures.

Mme I... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 17 février 2023.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... K... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I..., ressortissante algérienne née le 13 mai 1974 est entrée en France le 6 août 2019, sous couvert d'un visa de court séjour de quarante-cinq jours, valable du 4 août au 17 septembre 2019, délivré par les autorités consulaires grecques basées à Alger. Le 15 octobre 2020, elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7) et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 23 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Sous le n° 22TL22230, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 28 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision, lui a enjoint de délivrer à Mme I... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Sous le n° 22TL22234, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes précitées n° 22TL22230 et n° 22TL22234 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Mme I... a respectivement été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et obtenu le bénéfice de cette aide au titre des instances n° 22TL22230 et n° 22TL22234 par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 17 février 2023. Dès lors, ses demandes tendant à bénéficier de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 22TL22230 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du 23 février 2021 du préfet de la Haute-Garonne, le tribunal s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que la pathologie hépatique dont souffre Mme I..., qui nécessite une surveillance médicale régulière, est susceptible de donner lieu à des épisodes de décompensation graves nécessitant des hospitalisations notamment en l'absence du traitement prescrit et, d'autre part, sur l'indisponibilité du traitement commercialisé sous la dénomination " Propanolol " en Algérie, auquel ne peut être substitué le traitement distribué sous la dénomination commerciale Hemangiol, lequel n'est pas à libération prolongée (LP).

5. D'une part, aux termes du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus de titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en donnant toute mesure d'instruction utile.

8. Enfin, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

9. Par son avis du 9 décembre 2020, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme I... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier le rapport médical du 26 novembre 2020 soumis au collèges des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment de ce rapport médical sur lequel Mme I... a accepté de lever le secret médical, que l'intéressée observe un traitement au long cours composé de médicaments commercialisés sous les marques Prop[r]anolol 160mg et Delursan 750mg, que son état nécessite un suivi en gastro-entérologie de manière régulière et qu'il est nécessaire d'introduire un traitement par azathioprine et par corticothérapie.

11. Selon le certificat médical établi par son médecin le 3 janvier 2022, l'état de santé de Mme I... nécessite un traitement préventif par un bêtabloquant composé de prop[r]anolol chlorhydrate 160 mg à libération prolongée auquel ne peut être substitué le traitement distribué sous la dénomination commerciale Hemangiol, qui n'est pas indiqué dans sa situation et n'est pas délivré sous forme de libération prolongée de sorte que l'arrêt du traitement par prop[r]anolol LP 160 mg pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme I... indique également qu'elle ne pourra pas bénéficier de soins appropriés en Algérie dès lors que son état de santé nécessite un suivi médical rapproché et que ce pays accuse une pénurie de médicaments et de structures adaptées.

12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des extraits de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine, à jour au 31 décembre 2019, que l'acide ursodésoxycholique, principe actif du médicament commercialisé sous la marque Delursan, est disponible en Algérie sous les dénominations commerciales Tialyz et Ursolvan. S'agissant du bêtabloquant non sélectif prescrit à l'intimée sous la dénomination commerciale Avlocardyl, dont la substance active est le propranolol et non le propanolol, ainsi que le soutient à juste titre l'appelant, il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical établi par la gastro-entérologue qui suit Mme I... le 3 janvier 2022, que ce traitement ne peut être remplacé par le traitement commercialisé sous la marque Hemangiol. Toutefois, indépendamment de cette impossibilité de substitution, Mme I... ne démontre ni même n'allègue qu'elle ne pourrait pas disposer d'un traitement à base d'un bêtabloquant doté de propriétés thérapeutiques équivalentes en Algérie tandis que, ainsi que le fait valoir le préfet de la Haute-Garonne, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dispose de nombreuses sources médicales pour émettre ses avis. S'agissant du traitement à base d'azathioprine, un immunosuppresseur, et de la corticothérapie, mentionnés dans une ordonnance du 8 mars 2021, et dont l'introduction était conditionnée par les résultats de la coloscopie pratiquée en février 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage démontré que ces deux substances actives ne seraient pas disponibles en Algérie tandis qu'il ressort des mentions contenues dans le rapport du médecin instructeur du 26 novembre 2020, que le collège des médecins a tenu compte de la nécessité de leur introduction ultérieure. Enfin, s'agissant des traitements anti-sécrétoires gastriques inhibiteurs de la pompe à protons prescrits à Mme I..., en lien avec ses antécédents de gastrite antrale à Helicobacter pylori, le préfet de la Haute-Garonne démontre, en produisant la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine à jour au 31 décembre 2019, qu'ils sont, en tout état de cause, disponibles en Algérie.

13. S'il est constant que l'état de santé de Mme I... nécessite une prise en charge médicale destinée à prévenir le risque d'hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les différents documents médicaux dont elle se prévaut, pour la plupart rédigés en des termes généraux, ne permettent ni d'établir, de manière précise et circonstanciée, qu'il n'existerait pas de prise en charge adaptée à son état de santé, ni de remettre en cause les éléments probants apportés par le préfet de la Haute-Garonne, qui permettent d'établir la possibilité d'une prise en charge appropriée sans qu'elle soit en tous points équivalente à celle pouvant être apportée en France. Par suite, dès lors qu'il n'est pas démontré avec certitude que des molécules présentant des principes actifs et ou des propriétés thérapeutiques équivalentes aux traitements prescrits en France ne seraient pas disponibles en Algérie et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, en Algérie, d'un suivi gastro-entérologique adapté, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme I....

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler l'arrêté du 23 février 2021.

15. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme I... devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués devant le tribunal :

S'agissant des moyens communs aux décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 23 février 2021 :

16. En premier lieu, par un arrêté du 15 décembre 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2020-290, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme J... G..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers. Les décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 23 février 2021 n'étant pas exceptées de cette délégation de signature, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

17. En second lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme I..., en particulier les stipulations des 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé sur le fondement desquelles a été examinée sa demande de titre de séjour et mentionne l'ensemble des éléments relatifs à sa situation administrative et personnelle en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour doit être rejetée en précisant, ensuite, en s'appropriant les motifs de l'avis rendu le 9 décembre 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que son état de santé nécessite un traitement dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'intimée à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, la décision fixant le pays de renvoi mentionne la nationalité de Mme I... et relève qu'elle n'établit pas être exposée à des peines et traitements inhumains contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Les décisions en litige, qui contiennent l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, sont, dès lors, suffisamment motivées.

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

18. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige, que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de Mme I....

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien stipule que : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

20. Mme I... soutient qu'elle a été contrainte de fuir son pays d'origine où elle a subi des violences conjugales pendant de nombreuses années et que ses liens privés et familiaux se trouvent désormais sur le territoire français où sont scolarisées ses trois filles tandis qu'elle ne dispose d'aucune famille ni de soutien en Algérie. Toutefois, par ces seules allégations, Mme I... ne produit aucun élément précis et circonstancié, à l'exception des seuls éléments relatifs à la scolarisation de ses enfants en France et du suivi médico-social dont elle bénéficie, permettant d'attester de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens qu'elle a développés en France au regard de ceux qu'elle a conservés dans son pays d'origine où réside encore sa mère et dans lequel elle occupait l'emploi d'adjointe d'éducation au sein d'un lycée à Alger tandis qu'elle est entrée en France, pour la dernière fois, de manière récente, le 6 août 2019, et y vit de manière isolée après avoir quitté son pays à l'âge de 45 ans. Par ailleurs, dès lors que ses trois filles, D..., B... et E..., respectivement nées en 2003 en Algérie, en 2008 à Toulouse et en 2011 en Algérie, sont de même nationalité qu'elle et que son fils aîné H..., né en 2000 également de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par un arrêté préfectoral du 14 août 2019, dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu, par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 20BX02939 du 19 avril 2019, il n'existe aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée sur le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme I..., porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

21. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen exhaustif de la situation de Mme I....

22. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à Mme I... de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence illégale, ne peut qu'être écarté.

23. En troisième lieu, si ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'état de santé de Mme I..., qui nécessite des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui peut donner lieu à un traitement médical approprié en Algérie et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, ne fait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire à l'endroit de l'intimée.

24. En quatrième et dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'emporte la décision en litige sur la situation personnelle de Mme I... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 20 du présent arrêt.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

25. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification applicable au litige : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité (...) ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ". D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Dès lors que la décision par laquelle l'autorité préfectorale fixe le pays à destination duquel l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français est susceptible d'être éloigné ne trouve pas sa base légale dans la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et n'est pas davantage prise pour son application, Mme I... ne peut utilement exciper, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

26. D'autre part, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 21 à 24, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait, par voie de conséquence, illégale, ne peut qu'être écarté.

27. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

28. Mme I..., qui soutient que son retour en Algérie l'exposerait personnellement à des traitements inhumains et dégradants en cas d'absence de prise en charge médicale, ne produit toutefois aucun élément précis et circonstancié, qui n'aurait pas déjà été porté à la connaissance des autorités en charge de sa situation médico-administrative, de nature à établir la réalité des risques qu'elle allègue. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 février 2021. Dès lors, la demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée. Il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées par l'intéressée en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 22TL20729 :

30. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2102107 du 28 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1 : Il n'y pas lieu d'admettre provisoirement Mme I... au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le cadre des instances n° 22TL22230 et n° 22TL22234.

Article 2 : Le jugement n° 2102107 du 28 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme I... devant le tribunal administratif de Toulouse et les conclusions qu'elle a formulées en appel sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans le cadre de la requête n° 22TL22234.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I..., à Me Pougault, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

N. El K...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22TL22230 - 22TL22234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22230
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : POUGAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-03-21;22tl22230 ?
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