Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse notamment d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2202128 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. A..., représenté par Me Allene Ondo, demande au juge des référés de la cour :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de la décision au fond, dans un délai de quinze jours à compter de la notification l'ordonnance à intervenir ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie dès lors qu'elle est présumée en cas de renouvellement de titre de séjour, alors qu'il avait obtenu la suspension en référé de l'arrêté contesté et s'était vu délivrer des autorisations provisoires de séjour dans l'attente de la décision au fond qui sont remises en cause par le jugement n° 2202128 du 28 mars 2023 ; son contrat de travail a été suspendu par son employeur, la société SATYS qui l'employait en intérim ; privé du droit de travailler, il va être placé dans une situation de grande précarité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise dans le cadre d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet s'est abstenu, préalablement à son édiction, de saisir la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il en remplissait les conditions ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de son droit au séjour au titre de la vie privée et familiale en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le requérant ne peut se prévaloir d'une situation d'urgence dès lors qu'il n'a obtenu des autorisations provisoires de séjour que dans l'attente du jugement au fond qui rejette sa requête ; il a communiqué des informations erronées à la société SATYS qui n'a suspendu son processus de recrutement que le 3 avril 2023 alors que le jugement n° 2202128 est intervenu le 28 mars 2023 ; il s'était déjà prévalu d'une promesse d'embauche devant le juge des référés de première instance ; il ne démontre pas avoir été embauché et que l'arrêté litigieux ait interrompu une quelconque activité professionnelle ; il ne démontre pas être dans une situation de grande précarité ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
- la demande de remboursement des frais exposés sera rejetée par voie de conséquence.
Des pièces complémentaires produites pour M. A... ont été enregistrées le 1er juin 2023 et communiquées au préfet de la Haute-Garonne.
Vu :
- la requête enregistrée le 19 avril 2023 sous le n° 23TL00910 par laquelle M. A... demande l'annulation du jugement n° 2202128 du 28 mars 2023 et de l'arrêté du 14 mars 2022.
- les autres pièces du dossier.
Vu la décision par laquelle le président de la cour a désigné Mme Armelle Geslan-Demaret, vice-présidente, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er juin 2023 :
- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, juge des référés,
- les observations de Me Allene Ondo, représentant M. A... également présent à l'audience, qui confirme ses écritures et soutient en outre, s'agissant de l'urgence, qu'il a justifié, par la production de ses trois derniers bulletins de salaire, avoir travaillé antérieurement à l'intervention du jugement au fond et durant la période de suspension, il a été employé en intérim par la société SATYS, puis en CDD, qui souhaitait l'embaucher en CDI, son travail lui permet d'assurer le versement de la contribution à l'entretien de sa fille de 150 euros par mois, s'agissant du doute sérieux, concernant le moyen tiré de l'erreur de droit et d'appréciation, il a bénéficié d'un premier titre de séjour d'un an, en qualité de parent d'enfant français, dont on lui a refusé le renouvellement, il s'est séparé de la mère de l'enfant en août 2021 et celle-ci a porté plainte contre lui un mois après, on lui reproche un contexte de violences, qui ne concerne pas l'enfant, alors qu'il a bénéficié d'un jugement de relaxe, dont il n'a pas été relevé appel, si l'autorité parentale a été provisoirement accordée à la mère, il a conservé un droit de surveillance sur l'enfant, il a justifié avoir exercé les visites médiatisées dans les conditions définies par l'espace rencontre, il contribue donc à l'entretien et à l'éducation de l'enfant,
- les observations de M. C..., représentant le préfet de la Haute-Garonne, qui confirme ses écritures et fait valoir en outre, s'agissant de l'urgence, qu'il prend acte des pièces justifiant que M. A... a travaillé, mais il s'agissait d'un droit au travail précaire exercé sous couvert d'autorisations provisoires de séjour, alors que l'arrêté contesté date d'un an et trois mois et que sa légalité a été confirmée par le tribunal, sur le fond, si le requérant a justifié du versement de sa contribution à l'entretien de sa fille de 150 euros par mois, il a produit pour la première fois en appel l'attestation de l'UDAF datée d'avril 2023 confirmant qu'il s'est rendu aux visites médiatisées, toutefois, les nouveaux éléments produits ne sont pas suffisants et la légalité de l'arrêté contesté doit être confirmée car il ne justifie pas exercer son devoir de surveillance au sens du code civil, c'est-à-dire s'informer sur les choix importants concernant l'éducation de l'enfant.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 17 mars 1986 à Dakar (Sénégal), est entré régulièrement en France le 2 décembre 2011 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2014. Sa demande de renouvellement de son titre de séjour a toutefois été rejetée par un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 27 juin 2016, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016. Le 13 août 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour en France en qualité de parent d'une enfant française, Inaïa, née le 24 janvier 2020 de sa relation avec une autre ressortissante française, et a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire d'un an, valable du 15 janvier 2021 au 14 janvier 2022. Le 16 décembre 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité en tant que pays de renvoi. Par jugement n° 2202128 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Par la présente requête, M. A..., qui a relevé appel de ce jugement par sa requête enregistrée le 19 avril 2023 sous le n° 23TL00910, doit être regardé comme sollicitant la suspension des effets de la seule décision de refus de renouvellement de son titre de séjour.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à
l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Dès lors qu'il n'a pas encore été statué sur la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. A... auprès du bureau compétent, le 17 avril 2023, et compte tenu de l'urgence à statuer sur sa demande de suspension, il y a lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur les conclusions à fin de suspension :
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Enfin aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 dudit code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans les cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour. Dans les autres cas, il appartient au requérant d'établir la réalité de circonstances particulières qui justifient que la condition d'urgence soit regardée comme remplie.
5. D'une part, M. A... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour durant l'instruction de sa demande de première instance qui lui ont permis de conserver un droit au travail qu'il a effectivement exercé ainsi qu'il en justifie par la production de ses trois derniers bulletins de salaire des mois de janvier à mars 2023 délivrés par la société SATYS qui l'emploie depuis novembre 2022 et souhaite pérenniser sa situation. Par suite, et alors que ses revenus salariaux lui permettent d'assumer la contribution à l'entretien de sa fille de 150 euros par mois, il justifie d'une situation d'urgence à suspendre les effets de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour contestée remise en vigueur par l'effet du jugement du 28 mars 2023.
6. D'autre part, en l'état de l'instruction le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'appréciation au regard de son droit au séjour au titre de la vie privée et familiale en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité. En effet, s'il n'est pas contesté que M. A... verse la contribution à l'entretien de sa fille de 150 euros par mois, il a justifié en appel qu'il a respecté le programme de visites médiatisées qui lui a été fixé, en exécution de l'ordonnance de protection du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Castres en date du 25 octobre 2021, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 22 avril 2022. Par ailleurs, il est constant qu'il a été relaxé des poursuites initiées par la mère de l'enfant qui l'accusait de violences à son égard. Dans ces conditions, compte tenu de sa situation particulière, nonobstant l'interruption des contacts avec l'enfant durant une courte période sur injonction judiciaire, les éléments produits dont certains sont nouveaux en appel sont susceptibles de justifier qu'il contribue également à son éducation. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision attaquée au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL00910.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, susvisée : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, en application desdites dispositions.
ORDONNE
Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L'exécution de la décision du 14 mars 2022 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. A... est suspendue au plus tard jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête d'appel enregistrée sous le n° 23TL00910.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 4 : L'Etat versera à Me Allene Ondo, avocate de M. A..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A..., à Me Allene Ondo, au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Fait à Toulouse, le 6 juin 2023.
La juge des référés,
A. Geslan-Demaret
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 23TL01010 2