Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2105942 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022, M. A..., représenté par Me Chninif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet, selon lequel en vertu de l'article R. 5221-17 du code du travail, il lui appartenait de se prononcer sur la demande d'autorisation de travail qui lui était soumise ;
- tant le préfet que le tribunal ont commis une erreur de droit, dans la mesure où l'article 3 de l'accord franco-marocain fait obstacle à l'application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dans ces conditions, le préfet ne pouvait pas lui opposer la situation de l'emploi dans les Pyrénées-Orientales ou l'absence de détention d'une autorisation de travail, compte tenu de ce que ces conditions ne sont pas posées par l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- le préfet a également commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis rendu par le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, dès lors qu'en vertu de l'article R. 5221-17 du code du travail, c'est à lui qu'il appartient de statuer sur la demande d'autorisation de travail ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour porte par ailleurs une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales représenté par Me Joubes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, à titre principal, que la requête de M. A... est irrecevable pour tardiveté, pour n'avoir été présentée que le 7 mars 2022, soit au-delà du délai d'appel d'un mois ouvert par la notification de ce jugement, et, subsidiairement, que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.Bentolila, président-assesseur,
- et les observations de Me Rolland substituant la Scp Vial-Pech de Laclause-Escale-Knoe , représentant la préfecture des Pyrénées-Orientales
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 23 avril 1989, a bénéficié en France, pour la période du 17 février 2016 au 16 février 2019, d'un titre de séjour pluriannuel en qualité de " travailleur saisonnier ", lequel a été renouvelé jusqu'au 2 septembre 2021. Le 18 octobre 2019, l'intéressé a souhaité bénéficier d'un changement de statut par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 12 octobre 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 3 février 2022, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté précité.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement à ce que l'appelant soutient, les premiers juges, après avoir cité l'article R. 5221-17 du code du travail, selon lequel c'est le préfet qui statue sur la demande d'autorisation de travail, ont écarté expressément, au point 7 du jugement attaqué, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet à cet égard, en relevant qu'il ne ressortait d'aucun des termes de l'arrêté attaqué que le préfet se serait estimé lié par l' avis rendu le 5 décembre 2019 par le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par M. A.... Le moyen d'irrégularité du jugement invoqué par ce dernier doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le refus de séjour opposé à M. A... est suffisamment motivé tant au regard des éléments de droit, dès lors qu'il cite l'ensemble des textes et notamment les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a entendu faire application, qu'au regard des éléments de fait, dans la mesure où il précise la situation administrative et familiale de M. A.... Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du refus de séjour doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, l'article 3 de l'accord susvisé du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".
6. L'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 de l'accord précité, délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles du code du travail auxquelles ces dispositions renvoient, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail. Dès lors le moyen invoqué par l'appelant tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le refus opposé à sa demande de titre de séjour en qualité de salarié doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-1 de ce code : " I.- Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) /. II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ".
8. En vertu de ces dispositions, et particulièrement de celles de l'article R. 5221-17 du code du travail, la décision sur la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié est prise par le préfet et, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision de refus de séjour du 12 octobre 2021, que, comme l'ont relevé les premiers juges et contrairement à ce que persiste à soutenir en appel M. A..., le préfet ne s'est pas estimé lié par l' avis rendu le 5 décembre 2019 par le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour rejeter sa demande de titre de séjour présentée en qualité de salarié.
9. En troisième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. A... fait valoir qu'il est en France depuis décembre 2015 et qu'il y a établi le centre de ses intérêts privés et professionnels, il n'y est entré qu'à l'âge de 32 ans, et fait lui-même valoir que son épouse et ses deux enfants vivent en Espagne et, ainsi qu'il l'a indiqué lors de son audition par les services de police le 12 octobre 2021, que ses parents ainsi que deux frères et une sœur vivent au Maroc. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le refus de séjour contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
11. En quatrième lieu, en dépit des circonstances invoquées par M. A... quant à son intégration professionnelle et personnelle en France, le préfet, qui, contrairement à ce que soutient l'appelant, a exercé son pouvoir d'appréciation à cet égard, ne peut être regardé au regard notamment de sa situation familiale telle qu'elle est décrite au point précédent, comme ayant entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
12. En dernier lieu, M. A... en contestant l'arrêté du 12 octobre 2021 en tant qu'il déciderait de le renvoyer à destination de son pays d'origine, le Maroc, alors que sa femme et ses enfants vivent en Espagne, doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement. Toutefois, cette décision en indiquant que M. A..., pourrait être éloigné vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait légalement admissible, n'implique pas nécessairement son éloignement vers le Maroc.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2021 du préfet des Pyrénées-Orientales.
Sur les conclusions en injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il résulte de ce qui précède que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL20743
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