Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2106002 du 28 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2022, M. B..., représenté par Me Summerfield, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le magistrat désigné par le président du tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit au regard des stipulations du 1) de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il a dénaturé les pièces du dossier quant à sa durée de présence en France.
- les décisions en litige sont insuffisamment motivées.
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant à ses attaches familiales, son intégration et sa domiciliation en France ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation quant à son risque de fuite dès lors qu'il dispose d'un domicile stable.
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 21 février 2022.
Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret du 16 fructidor an III ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 14 juin 1976, déclare être entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2001. Par un arrêté préfectoral du 8 octobre 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1905943 du 30 décembre 2019, puis un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 20MA00479 du 29 janvier 2020, l'intéressé a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à laquelle il n'a pas déféré. Le 14 novembre 2021, l'intéressé a été interpellé par les services de police en gare de Perpignan dans le cadre d'une opération de contrôle. À l'issue de son audition par les services de police dans le cadre d'une procédure de retenue aux fins de vérification du droit au séjour intervenue le 14 novembre 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par un arrêté du même jour, fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi d'une demande tendant à la prolongation du placement en rétention de l'intéressé intervenu le 14 novembre 2021, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Perpignan a, par une ordonnance du 16 novembre 2021, prononcé la mainlevée de cette mesure. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 14 novembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le magistrat désigné par le président du tribunal a méconnu les stipulations du 1) de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne se rapporte pas à la régularité du jugement attaqué mais à son bien-fondé et est, dès lors, inopérant.
3. En second lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier de première instance par le premier juge en ce qui concerne sa durée de présence en France ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Si M. B... a entendu, en invoquant une telle dénaturation, contester l'analyse faite par le magistrat désigné des pièces qu'il a produites à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier, un tel moyen, qui se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité est, dès lors, inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :
4. L'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. B..., notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 3° de l'article L. 612-2 et celles des 2°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. En outre, il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, il rappelle le principe posé à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger éloigné et mentionne que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure. En outre, il mentionne que M. B... se maintient en France en dépit d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il est célibataire et sans charges de famille, qu'il dispose de liens familiaux en Algérie où vit sa mère et le reste de fratrie tandis que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas intenses et stables. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. B... en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, par suite, suffisamment motivé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, en retenant, en se fondant sur les déclarations de l'intéressé dans le cadre de son audition administrative, d'une part, que M. B... ne justifie d'aucune attache réelle sur le territoire français ni revenu ni intégration sociale ou professionnelle ni domicile stable, ce qui est, du reste, établi par les écritures de l'intéressé selon lesquelles sa sœur serait disposée à l'héberger, d'autre part, que sa mère et le reste de sa fratrie résident en Algérie, ce qui implique la présence du reste de sa famille en France, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle. En outre, compte tenu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires résultant de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et du décret du 16 fructidor an III, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'appréciation faite, par le juge des libertés et de la détention, de l'étendue de ses garanties de représentation pour prononcer la mainlevée de son placement en rétention, lesquelles reposent sur une appréciation distincte de celle à laquelle doit se livrer le juge administratif pour se prononcer sur la légalité de son éloignement.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ".
7. Aux termes des 1) et 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
8. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse lui être fait légalement obligation de quitter le territoire français.
9. D'une part, les pièces versées aux débats par M. B..., en particulier celles produites au titre des années 2016 et 2018, ne permettent pas, compte tenu de leur nombre insuffisant et de leur caractère peu diversifié, dès lors qu'elles portent principalement sur sa prise en charge médicale, d'établir de manière probante le caractère habituel de sa résidence en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. En outre, en l'absence notamment de factures émanant de fournisseurs d'énergie ou de quittances de loyer nominatives, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, les attestations d'hébergement produites, au demeurant sur certaines années seulement, ne permettant pas d'établir une résidence habituelle en France. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... vit en France de manière précaire et isolée, qu'il se déclare célibataire et sans charges de famille tandis qu'il est hébergé à titre précaire par certains membres de sa famille résidant en France sous couvert de titres de séjour et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où demeurent sa mère ainsi que la majorité de ses frères et sœurs. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1) et du 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de ces stipulations doit être écarté.
10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... se prévaut de son entrée en France en 2001, en précisant avoir séjourné ponctuellement en Espagne entre 2003 et 2007, et de ce qu'il entretient des liens étroits avec ses trois sœurs, qui résident régulièrement en France sous couvert de certificats de résidence algériens, ainsi que ses neveux et nièces, tous de nationalité française. Il se prévaut, en outre, de l'assistance qu'il apporte à son beau-frère, et par ailleurs cousin, en situation de handicap, des amitiés nouées en France et des promesses d'embauche formulées à son bénéfice lors de chaque demande de régularisation de son droit au séjour et de la circonstance que sa sœur et son beau-frère sont toujours disposés à l'héberger à Cabestany (Pyrénées-Orientales). Toutefois, par ces seuls éléments, l'appelant n'atteste pas de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens qu'il a développés en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine alors qu'il est entré et se maintient en France de manière irrégulière en dépit de nombreuses mesures d'éloignement édictées, notamment par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 4 mars 2010, par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 30 janvier 2014 et par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 8 octobre 2019, arrêté dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1905943 du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2019 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 20MA00479 du 1er juin 2021. Par ailleurs, l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans enfant, dispose de nombreuses attaches en Algérie, attestées par la présence de sa mère, de cinq frères et de trois autres sœurs, selon les déclarations recueillies dans le cadre de son audition administrative et le livret de famille qu'il produit. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
13. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que M. B... a fait l'objet, en dernier lieu, d'une mesure d'éloignement, édictée par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 8 octobre 2019 à laquelle il n'a pas déféré, à l'instar de précédentes mesures d'éloignement rappelées au point 11. Par ailleurs, indépendamment des garanties de présentation dont il dispose tenant à l'existence d'une domiciliation stable chez l'une de ses sœurs, l'intéressé ne peut, compte tenu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires rappelé au point 5, utilement se prévaloir des motifs des motifs pour lesquels le juge des libertés et de la détention a ordonné la mainlevée de son placement en rétention pour établir qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une décision de refus de délai de départ volontaire. Dès lors que l'intéressé s'est soustrait, a minima, à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires particulières, l'autorité préfectorale pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur les dispositions du 5° de l'article L. 612-3 du même code pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. B....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B... indique qu'il a été contraint de fuir l'Algérie en 2001 lors de la guerre civile à la suite d'attaques émanant de terroristes lorsqu'il était gendarme. Il précise que ces faits sont anciens mais qu'il craint des représailles en cas de retour dans son pays d'origine. Par ces seules allégations, qui ne sont étayées par aucune pièce probante, l'intéressé, qui a indiqué lors de son audition administrative avoir été débouté de sa demande d'asile présentée à Marseille en 2011, ne se prévaut d'aucune autre circonstance, autre que celles dont il a fait part aux autorités en charge de l'asile, de nature à établir qu'il serait personnellement exposé, en cas de retour en Algérie, à des traitements contraires à ces stipulations tandis qu'il ne démontre pas avoir été privé de la possibilité de solliciter le réexamen de sa demande de protection internationale. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays à destination duquel l'appelant est susceptible d'être éloigné.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision en litige que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen exhaustif de la situation de M. B....
16. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
17. En application de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.
18. Si M. B... se prévaut de la circonstance qu'il ne présente pas de risque de fuite dès lors qu'il réside depuis de nombreuses années à la même adresse, ce seul élément ne permet toutefois pas de regarder l'intéressé comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui se déclare célibataire, vit en France de manière précaire et isolée et a, ainsi qu'il a été dit, fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré. Dès lors que M. B... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a, par suite, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du même code en édictant une interdiction de retour d'une durée d'un an à son endroit.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 novembre 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20806