Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel le préfet du Gard a refusé le renouvellement de son admission au séjour.
Par un jugement n° 2002593 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2022, au greffe de la cour administrative de Marseille, M. C..., représenté par Me Vialette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'avis de la commission du titre de séjour dont la saisine s'imposait eu égard à sa durée de résidence habituelle en France de plus de dix ans ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance N°22MA00933 en date du 30 mars 2022, la présidente de la Cour administrative d'appel de Marseille a transmis la requête de M. C... à la cour administrative d'appel de Toulouse, qui a été enregistrée sous le N°2220902.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé
Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 30 juin 1944, est entré en France le 5 janvier 2006, selon ses déclarations. L'intéressé a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 17 janvier 2008. Par un arrêté du 3 avril 2008, le préfet du Gard a rejeté cette demande et a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français. Le 26 juillet 2010, M. C... a obtenu un récépissé de séjour en qualité de visiteur, renouvelé à six reprises jusqu'au 29 mars 2012. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 27 septembre 2019. Par une demande du 1er octobre 2019, M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 juillet 2020, le préfet du Gard a refusé son admission au séjour. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 27 janvier 2022 dont M. C... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué qui comporte les considérations de droit et de fait sur la base desquelles il repose, est suffisamment motivé. En tout état de cause, la justification des motifs de fait avancés par le préfet qui est susceptible d'affecter le bien-fondé de sa décision, est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de sa décision.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article ".
4. Un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de l'absence de consultation d'office de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à sa demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. Si l'étranger n'est pas tenu de mentionner précisément dans sa demande l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde, celui-ci doit cependant invoquer des motifs exceptionnels en vue de son admission exceptionnelle au séjour.
5. Si M. C... a fait état dans sa demande d'une durée de séjour en France de plus de dix ans, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait entendu se prévaloir de motifs exceptionnels en vue d'une telle admission. Dès lors, le préfet a pu, sans erreur de droit, estimer qu'il n'était pas tenu de saisir d'office la commission du titre de séjour.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'appelant.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".
8. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
9. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 3 janvier 2020, a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé marocain, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
10. Pour contredire l'avis du collège des médecins concernant la disponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie, l'appelant soutient qu'il ne pourra accéder dans son pays d'origine aux soins nécessaires au traitement de sa maladie en raison de leur coût qui ne sera pas couvert par le système public de sécurité sociale marocain ou par une assurance maladie. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... perçoit depuis 2006 une pension de retraite, d'un montant de 1 086 euros en 2019, ce dernier n'établit pas ne pas disposer des ressources nécessaires pour financer ses soins qui consistent principalement en un suivi médical régulier. Dans ces conditions, par les pièces produites, M. C... ne parvient pas à utilement contredire l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, en refusant à l'intéressé le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Gard n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
12. M. C..., âgé de 76 ans à la date de la décision attaquée, a bénéficié pour la première fois d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade le 28 mars 2013, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 septembre 2019. Il ressort des pièces du dossier qu'il a travaillé en France de 1969 à 1974 en qualité d'ouvrier agricole, ouvrier terrassier, ouvrier ferrailleur, nettoyeur et, étant tombé malade, est retourné dans son pays d'origine pendant treize années au cours desquelles il dit avoir été hospitalisé. Il déclare être revenu en France en 2005, date à partir de laquelle il a régulièrement déclaré en France ses revenus issus de ses pensions de retraite. Par la production d'attestations de son bailleur, il justifie avoir occupé à Nîmes un premier logement au 20, rue Jean Moulin à compter du 1er juillet 2007 et un second logement situé au 195, rue Lulli à compter du 15 mars 2017. Par ailleurs, il dispose d'attaches en France puisque son fils B..., titulaire d'une carte de résident et chez lequel il a vécu de 2006 à 2007, réside à Nîmes en compagnie de son épouse et de leur fille, née en 2004. Enfin, depuis octobre 2006, M. C... suit des cours de français et participe assidûment depuis 2009 aux ateliers sociolinguistiques de l'association les " Mille couleurs " ce qui lui a permis d'obtenir en 2015 le diplôme en langue française de niveau A2. Toutefois, en dépit de ces éléments, il est constant que M. C... dispose d'attaches fortes dans son pays d'origine, où réside en particulier son épouse, dont il n'est pas même allégué qu'il en serait séparé, et ses autres enfants. Dans ces conditions, le centre des intérêts personnels et familiaux de ce dernier ne peut être regardé comme étant situé, à la date de la décision attaquée, en France. Par suite, le préfet du Gard n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2020. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20902