Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202147 du 2 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2023, M. B..., représenté par Me Summerfield, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui notifier un délai de départ volontaire qui ne peut être inférieur à un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des articles R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles et 375-5 du code civil, faute pour le procureur de la République d'avoir saisi le juge compétent pour sa prise en charge en tant que mineur isolé ;
- elle est illégale du fait que la procédure d'évaluation de son âge, notamment le test osseux qu'il a subi, est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière ;
- elle est illégale dès lors qu'il est mineur, les documents guinéens qu'il ne pouvait produire en première instance établissant sa minorité et le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvant s'appuyer exclusivement sur l'examen osseux pour affirmer qu'il est majeur ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale dès lors qu'il est mineur et s'est volontairement présenté à la convocation des services de la police aux frontières ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'illégalité en conséquence de celle de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a pas produit d'observation.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2023.
La clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2023 par une ordonnance du 25 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen qui indique être né le 21 décembre 2006, a été placé le 24 décembre 2021, peu après son entrée en France, dans un foyer des services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé. A la suite d'un examen osseux pratiqué le 25 avril 2022 et du procès-verbal pour déclaration mensongère et usage de faux établi par les services de la police aux frontières, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation, par un arrêté du même jour, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... fait appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 avril 2022.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 375-5 du code civil : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 (...). / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure (...) ". L'absence alléguée de saisine en urgence du juge des enfants par le procureur de la République pour se prononcer sur la prise en charge de M. B..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 375-5 du code civil, ne peut être utilement invoquée pour remettre en cause la régularité de la procédure administrative par laquelle a été prise la mesure d'éloignement en litige.
3. En deuxième lieu et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que, nonobstant les indications mentionnées dans les procès-verbaux, M. B..., qui indique d'ailleurs être originaire d'un pays dont la langue officielle est le français, aurait eu besoin d'un interprète lors de son interpellation.
4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". L'article L. 611-3 du même code dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ". L'article 47 du même code dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
6. Les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Enfin, aux termes du II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. / Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient.
8. D'une part, afin d'établir qu'il serait né le 21 décembre 2006, M. B... produit pour la première fois en appel de nouvelles pièces, notamment, la copie d'un extrait d'acte de naissance portant la date du 11 mai 2022 et transcrivant un jugement supplétif faisant suite à l'audience du 30 novembre 2021 et la copie signée par le greffier le 18 mai 2022 de ce jugement supplétif, ces pièces étant accompagnées d'un extrait du registre de transcription des naissances daté du 15 juin 2022. A supposer même que cette date du 18 mai 2022, postérieure à celle du 11 mai 2022, ne soit pas révélatrice d'une incohérence des pièces produites, celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune légalisation et M. B... n'a pas produit l'original sur support matériel de ces pièces nouvelles, malgré la demande de la cour sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-8-7 du code de justice administrative. Ces éléments, eu égard au contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, sont de nature à renverser la présomption d'authenticité résultant des dispositions précitées de l'article 47 du code civil.
9. D'autre part, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet des Pyrénées-Orientales a écarté la minorité de l'intéressé en s'appuyant, tout d'abord, sur un rapport d'évaluation sociale du 4 janvier 2022, établi par un membre du personnel socio-éducatif de l'Institut départemental de l'enfance et de l'adolescence, ce rapport notant l'absence de documents qui permettent de justifier l'identité et des incohérences dans le discours et concluant à une maturité physique et psychologique qui n'apparaît pas en lien avec l'âge allégué. Le préfet des Pyrénées-Orientales a, en outre, mentionné dans l'arrêté contesté les résultats de l'examen osseux auquel l'intéressé a été soumis le 25 avril 2022 sur réquisition du procureur de la République du 7 janvier 2022 prise à la suite du rapport d'évaluation. Selon ces résultats, la radio de la main gauche conduit à estimer un âge osseux d'un homme de 19 ans " à plus ou moins un an " tandis que la radio panoramique dentaire permet retenir un âge de 21,4 ans à " plus ou moins 2,34 ans ", ces indications étant incompatibles avec l'âge allégué de quinze ans à la date de ces examens et conduisant à estimer que M. B... est majeur. Par ailleurs, contrairement à ce que celui-ci soutient, il résulte de ce qui a été dit plus haut que ce test a été demandé par l'autorité judiciaire. Il ne ressort des pièces du dossier ni que, contrairement à ce que la réquisition demandait, le médecin aurait pratiqué ce test sans le consentement de M. B... ni que les résultats de ce test, notamment dans les marges d'erreur mentionnées, ne seraient pas conformes aux données scientifiques.
10. En conséquence, au regard de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 8 et 9, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu légalement, d'une part, se fonder sur les résultats du test osseux et, d'autre part, estimer que M. B... était majeur à la date de l'arrêté contesté.
Sur la décision portant refus de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le préfet des Pyrénées-Orientales a estimé que M. B... était majeur. Il existe en outre un risque que celui-ci, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, au regard des dispositions des articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvait refuser de lui octroyer un délai de départ pour l'exécution volontaire de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gabriele Summerfield et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL00875 2