Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée L'Orangerie a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 juin 2021 par lequel le maire de Nîmes a accordé un permis de construire à la société civile de construction vente L'Egérie pour la réalisation d'un ensemble immobilier de soixante-neuf logements, ainsi que la décision du 14 octobre 2021 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2104269 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société L'Orangerie ainsi que les conclusions présentées par la société L'Egérie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2023 et le 3 avril 2023, la société par actions simplifiée L'Orangerie, désormais représentée par Me Bezaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Nîmes du 23 juin 2021 ainsi que sa décision du 14 octobre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intérêt à agir ne peut être contesté dès lors qu'elle bénéficiait d'un bail, à la date de l'affichage en mairie de la demande de permis de construire, non seulement sur une parcelle immédiatement voisine du terrain d'assiette du projet, mais également sur l'une des parcelles incluses par la société pétitionnaire dans ce terrain ;
- le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit en écartant comme irrecevables, au titre de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, les moyens tirés de ce que le projet empiète sur une parcelle dont la société L'Egérie n'a pas la maîtrise foncière et de ce que le projet méconnaît l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes s'agissant de la hauteur par rapport à l'égout du toit ;
- le tribunal a également commis une erreur de droit en estimant que le projet respectait l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme alors que le parking semi-enterré ne permet pas de déroger à la hauteur maximale de 12 mètres imposée par cet article et que le bâtiment présente, en tout état de cause, une hauteur supérieure à la hauteur dérogatoire de 13,50 mètres par rapport au niveau du terrain naturel ;
- la société pétitionnaire s'est livrée à une fraude en attestant avoir qualité pour présenter la demande de permis de construire sur l'ensemble de l'unité foncière alors qu'elle ne détenait aucun droit sur la parcelle cadastrée HK n° 258 ;
- le projet ne respecte pas la règle de hauteur maximale prévue à l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme, y compris en tenant compte de la dérogation permise par l'article 6.2 du préambule du même règlement au regard de la cote des plus hautes eaux retenue par le plan de prévention des risques d'inondation ;
- le projet ne respecte pas la règle de retrait du dernier niveau prévue par le même article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît le plan de prévention des risques d'inondation s'agissant de l'emprise au sol dès lors qu'il inclut indûment la parcelle HK n° 258.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2023 et le 24 avril 2023, la société civile de construction vente L'Egérie, représentée par Me Goursaud-Treboz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société L'Orangerie une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la société requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre du permis de construire en litige ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, la commune de Nîmes, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de la société L'Orangerie une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mai 2023.
Les parties ont été informées, le 26 février 2024, de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de la société L'Orangerie, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour permettre la régularisation éventuelle des illégalités entachant le permis de construire tirés de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes relatives, d'une part, à la hauteur maximale des constructions et, d'autre part, au retrait du dernier niveau.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Bézaud, représentant la société L'Orangerie, et de Me Lenoir, représentant la commune de Nîmes.
Une note en délibéré, produite par la commune de Nîmes, représentée par Me Merland, a été enregistrée le 11 mars 2024.
Une note en délibéré, produite par la société L'Orangerie, représentée par Me Bezaud, a été enregistrée le 12 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société L'Egérie a déposé le 19 février 2021 une demande de permis de construire pour la réalisation d'un immeuble de niveau R + 3, composé de soixante-neuf logements, sur un terrain d'une superficie de 4 293 m2, constitué des parcelles cadastrées section HK nos 254, 255, 257 et 258, situées au n° 781 de la rue Tour de l'Evêque, sur le territoire de la commune de Nîmes (Gard). Par arrêté du 23 juin 2021, le maire de cette commune lui a délivré ce permis. Le recours gracieux présenté par la société L'Orangerie contre cet arrêté le 19 août 2021 a été rejeté par le maire le 14 octobre 2021. Par la présente requête, la société L'Orangerie relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2021 et de la décision du 14 octobre 2021.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire (...). ". Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge administratif d'éléments relatifs à la nature, l'importance ou la localisation du projet.
3. En outre, l'article L. 600-1-3 du même code prévoit que : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, sauf circonstances particulières, l'intérêt à agir d'un requérant contre un permis de construire s'apprécie au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures, qu'elles aient pour effet de créer, d'augmenter, de réduire ou de supprimer les incidences du projet autorisé sur les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance visées à l'article L. 600-1-2.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société L'Orangerie exploite un ensemble immobilier à usage d'hôtel sur les parcelles cadastrées section HK nos 255, 256 et 258, situées au n° 755 de la rue Tour de l'Evêque, sur la base d'un bail commercial conclu avec la société civile immobilière Les Platanes pour une durée de neuf ans à compter du 1er septembre 2013. Il en ressort également que la demande de permis de construire présentée par la société L'Egérie a fait l'objet d'un affichage en mairie de Nîmes le 24 février 2021. La société requérante était ainsi, à la date de cet affichage, à la fois la voisine immédiate du terrain d'assiette de l'opération et la locataire de parcelles incluses dans l'emprise de ce terrain, ce qui suffisait pour lui conférer un intérêt à contester le permis en litige au regard de la nature et de l'importance de la construction projetée. Si la société L'Egérie fait valoir que la société Les Platanes a fait signifier à la société L'Orangerie, le 26 novembre 2021, un congé devant prendre effet au terme du bail en cours, soit le 31 août 2023, les circonstances ainsi invoquées sont postérieures à la date de l'affichage en mairie de la demande de permis de construire et ne sauraient donc priver la société appelante de l'intérêt dont elle justifiait à cette dernière date pour agir à l'encontre du permis. Par conséquent, la fin de non-recevoir opposée par la société pétitionnaire sur ce point doit être écartée.
Sur la légalité du permis de construire en litige :
En ce qui concerne la qualité pour solliciter le permis :
5. L'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / (...) ". L'article R. 431-5 du même code mentionne que : " La demande de permis de construire (...) comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ".
6. Les autorisations relatives à l'utilisation du sol ayant pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux autorisés avec la réglementation d'urbanisme et étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 précité du code de l'urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter la demande. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande pour ce motif.
7. L'article R. 600-5 du code de l'urbanisme mentionne que : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. (...) ".
8. D'une part, il ressort de la procédure de première instance que le moyen soulevé par la société L'Orangerie devant les premiers juges, tiré de ce que le projet de construction en litige empiétait sur une parcelle incluse dans son bail, n'a été invoqué que dans son mémoire en réplique enregistré le 29 juillet 2022, soit plus de deux mois après qu'elle ait pris connaissance, le 23 février 2022, du premier mémoire en défense produit par la société L'Egérie. La société requérante ne saurait sérieusement soutenir que le moyen susmentionné avait déjà été soulevé au sein de sa demande introductive d'instance, alors que cette dernière se bornait à évoquer " une problématique d'utilisation et d'occupation des biens loués " au soutien d'une argumentation relative à un moyen distinct fondé sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen en cause comme irrecevable, au point 12 du jugement attaqué, par application de l'article R. 600-5 précité du code de l'urbanisme.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier du demande de permis que la société L'Egérie a attesté avoir qualité pour déposer cette demande et il n'est pas contesté qu'elle avait l'accord de la société Les Platanes pour inclure la parcelle HK n° 258 dans le terrain d'assiette de l'opération projetée. S'il est vrai que le bail signé entre les sociétés Les Platanes et L'Orangerie stipule qu'en cas de volonté de la première de vendre ladite parcelle HK n° 258, la seconde ne s'engage à modifier l'assiette du bail que sous réserve de la mise en place d'une servitude de passage à son profit sur la parcelle cédée, et si le même bail prévoit également que l'assiette de la servitude en cause sera soumise à l'accord préalable de la société L'Orangerie, l'existence de ces stipulations contractuelles, auxquelles la société L'Egérie est étrangère, n'est toutefois pas de nature à révéler, par elle-même, une manœuvre frauduleuse de sa part quant à sa qualité pour présenter la demande de permis de construire sur une emprise intégrant notamment la parcelle HK n° 258. Le moyen invoqué par la société appelante en ce sens doit donc être écarté.
En ce qui concerne les règles de hauteur et de retrait :
10. Selon l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, applicable en zone V UB au sein de laquelle se situe le terrain d'assiette du projet porté par la société L'Egérie : " Hauteur des constructions : / Pour l'ensemble de la zone V UB à l'exception des secteurs V UBa, V UBb et V UBc : / La hauteur maximale des constructions doit être égale, à l'égout des couvertures, à : / - 12 m (douze mètres) soit R + 3 maximum avec obligation du dernier niveau en retrait de 3 m (trois mètres) sur les façades des parcelles situées en bordure des voies de largeur supérieure à 6 m (six mètres) ; / - 9 m (neuf mètres) soit R + 2 maximum sur les parcelles situées en bordure des voies de largeur égale ou inférieure à 6 m (six mètres). / (...) / Règles particulières pour l'ensemble de la zone V UB : / (...) / 3) Pour l'ensemble des hauteurs : / - Parkings semi-enterrés, compris dans le volume de la construction, il sera admis une tolérance supplémentaire au maximum égale à la hauteur du sous-sol située au-dessus du terrain naturel. / Cette tolérance ne pourra excéder 1,50 m (un mètre cinquante). / Pour être considéré comme parking semi-enterré, le plancher fini du niveau semi-enterré devra se situer à au moins 1 m (un mètre) sous le niveau du terrain naturel. / (...) ".
11. Selon l'article 6.2 du préambule du même règlement : " Dérogations notamment en matière de hauteur : / 1) Pour les constructions en zones inondables : / Pour les constructions situées en zones inondables, le dépassement de la hauteur maximale déterminée en application du règlement des zones concernées peut être autorisé si ce dépassement est justifié par la mise hors d'eau des planchers exigée au titre de l'application du PPRI. Le dépassement de hauteur autorisé ne pourra toutefois excéder la différence d'altitude entre le terrain naturel et la cote PHE (ou toute cote s'y substituant) + 30 cm en zone d'aléa fort ou modéré. / (...) / 2) Pour toutes les constructions : / Sauf mention spécifique à la zone, les hauteurs maximales définies aux articles 10 des différents chapitres du présent règlement correspondent aux distances comprises entre le terrain naturel et l'égout de la toiture à l'aplomb du bâtiment. Le toit, les ouvrages techniques, les cheminées et autres superstructures en étant exclus. ".
12. Selon l'article 2-1 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes applicable à la zone F-Ucu dans laquelle doit être implanté le bâtiment litigieux : " Sont admis sous conditions dans la zone F-Ucu : / (...) / c) La création de nouveaux locaux de logement (...) est admise sous réserve que : / - la surface de plancher aménagé soit calée à la cote PHE + 30 cm ; / - le nombre de planchers n'excède pas R + 3 ; / - afin d'assurer un écoulement suffisant des eaux de crue : / (...) / - pour les terrains de plus de 600 m2 : l'emprise au sol totale de la ou des construction(s) devra être inférieure ou égale à 50 % de la surface du terrain d'assiette du projet. (...) ". Selon le lexique du même règlement : " Cote PHE (plus des hautes eaux) : cote NGF atteinte par la crue de référence. / (...) / Selon leur origine, les cotes PHE se présentent : / - soit sous forme de points localisés correspondant à des relevés de la crue d'octobre 1988 (...). Ces points sont identifiés par un rond rouge. Compte tenu de leur localisation ponctuelle, ils ne peuvent pas être utilisés à plus de 50 m de leur origine. Au-delà et/ou en l'absence d'autres données, les règles générales rappelées en début de 2ème partie (conventions applicables à toutes les zones) s'appliquent. / (...) ". Enfin, aux termes des règles générales auxquelles il est ainsi renvoyé : " (...) / Les clauses du règlement conduisent parfois à imposer un calage des planchers par rapport à la cote PHE ou la cote TN. Cette cote imposée (par exemple : PHE + 30 cm ou TN + 30 cm) constitue un minimum. Dans le cas d'un calage par rapport à la cote PHE et dans l'hypothèse où celle-ci n'est pas définie, il conviendra de caler le plancher par défaut à : / (...) / - TN + 1,30 m en zone d'aléa fort. / (...) ".
S'agissant des règles relatives à la hauteur maximale :
13. D'une part, il ressort des pièces de la procédure de première instance que la société L'Orangerie a soulevé dans sa demande introductive le moyen tiré de ce que le projet litigieux méconnaissait les règles de hauteur maximale prévues à l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes. Si la société requérante a notamment soutenu dans son mémoire en réplique enregistré le 29 juillet 2022 que les plans joints au permis de construire ne prenaient pas en compte les égouts de toiture, l'argumentation développée sur ce point se rapportait à la manière de mesurer la hauteur du bâtiment pour l'application de l'article V UB 10 précité et se rattachait donc au moyen invoqué dans la demande introductive. Dès lors, la société L'Orangerie ne pouvait pas être regardée comme ayant ainsi soulevé un moyen nouveau après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme rappelé au point 7 du présent arrêt. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Nîmes a écarté comme irrecevable, au point 12 de son jugement, l'argumentation ainsi exposée par la société.
14. D'autre part, il est constant que la situation du terrain d'assiette du projet en litige a normalement pour effet de le soumettre à la règle de hauteur maximale de 12 mètres prévue par l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme cité au point 10 ci-dessus. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 6.2 du préambule du même règlement, mentionnées au point 11, que la hauteur maximale des constructions s'entend comme la distance comprise entre le terrain naturel et l'égout de la toiture à l'aplomb du bâtiment s'agissant des constructions présentant un tel égout. Il résulte en outre de l'économie générale de ce règlement, éclairée par les indications du lexique qui y est annexé, que, s'agissant des bâtiments présentant comme en l'espèce une couverture plate dépourvue de tout égout de toiture, la hauteur maximale doit être mesurée entre le terrain naturel et le point haut constitué par le sommet de l'acrotère.
15. La commune de Nîmes et la société L'Egérie font valoir en défense que le projet litigieux serait susceptible de bénéficier de la tolérance supplémentaire de 1,50 mètre prévue en présence d'un parking semi-enterré en vertu du point 3) des " règles particulières " énoncées à l'article V UB 10 précité, ce qui permettrait, selon elles, de porter à 13,50 mètres la hauteur maximale de l'immeuble envisagé. Il résulte cependant de ces mêmes dispositions qu'un parking semi-enterré n'ouvre droit à la tolérance supplémentaire ainsi prévue que sous réserve que son plancher se situe à au moins un mètre sous le niveau du terrain naturel. En l'espèce, il ressort du plan de masse PC 02-A, produit par la société intimée à l'appui de la demande de permis, que le projet prévoit la réalisation, sous une partie de l'immeuble, d'un parking semi-enterré dont le plancher se situe à la cote de 32,80 mètres du nivellement général de la France (NGF). Il ressort néanmoins du rapprochement de ce plan avec le relevé topographique PC 1-B, produit également par la société intimée, que le niveau du terrain naturel se situe à des cotes souvent inférieures à 33,80 mètres NGF sur les pourtours du parking ainsi projeté et en particulier sur ses côtés est et nord. Il suit de là que le plancher de ce parking ne se trouve pas en tous points à un mètre au moins sous le terrain naturel. Par suite et sans que la société pétitionnaire puisse utilement se prévaloir d'un prétendu niveau moyen du terrain naturel dès lors que le plan local d'urbanisme ne prévoit pas de mesurer les hauteurs par rapport à des moyennes, le parking dont s'agit n'ouvre pas droit à la tolérance susmentionnée pour le calcul de la hauteur maximale autorisée.
16. Les intimées font valoir ensuite que le projet entre dans le champ d'application du point 1) de l'article 6.2 du préambule du règlement du plan local d'urbanisme cité au point 11 du présent arrêt, lequel institue des possibilités de dérogation aux règles de hauteur maximale pour les constructions réalisées en zone inondable. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que la partie de l'unité foncière sur laquelle le bâtiment doit être implanté est classée par le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes en zone F-Ucu correspondant à un niveau d'aléa fort. Il résulte par ailleurs des dispositions du règlement de ce plan mentionnées au point 12 ci-dessus que les planchers aménagés dans la zone F-Ucu doivent se situer à la cote PHE (plus hautes eaux) + 30 centimètres lorsque celle-ci est définie par ledit plan ou à la cote TN (terrain naturel) + 1,30 mètre dans l'hypothèse contraire. Le projet est donc susceptible de bénéficier des règles dérogatoires prévues par l'article 6.2 du préambule du règlement du plan local d'urbanisme en matière de hauteur maximale. Il ressort à cet égard notamment de la notice hydraulique du projet que le plan de prévention des risques a identifié une cote PHE située à 34,62 mètres NGF, sous la forme d'un point localisé, sur la voie publique située au sud-ouest du terrain d'assiette du projet. En application du lexique du règlement de ce plan, la cote PHE ainsi identifiée a vocation à être utilisée dans un rayon de 50 mètres autour du point localisé, ce qui recouvre notamment la partie sud-ouest de l'immeuble. En vertu de l'article 6.2 du préambule du règlement du plan local d'urbanisme, la construction pourrait donc présenter sur cette partie un point haut atteignant la cote 46,92 mètres NGF. Pour le reste de l'immeuble, implanté hors du rayon de 50 mètres susmentionné, la cote PHE ne peut pas être prise comme référence et il résulte des prescriptions précitées du plan de prévention des risques d'inondation qu'il doit y être substitué la cote TN + 1 mètre, laquelle conduit à permettre, par application de l'article 6.2 du préambule du règlement du plan local d'urbanisme, un dépassement de la hauteur maximale de 1,30 mètre, soit un point haut pouvant atteindre la cote maximale TN + 13,30 mètres.
17. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans de coupe joints par la société L'Egérie à sa demande de permis de construire que la construction envisagée présente sur la majeure partie de son emprise une toiture terrasse pourvue d'un acrotère dont le sommet est positionné à la cote 47,29 mètres NGF. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que la hauteur ainsi prévue excède la cote maximale de 46,92 mètres NGF pouvant être autorisée dans la partie sud-ouest de l'emprise concernée par la cote PHE et que le projet méconnaît donc les règles applicables dans cette partie du terrain. Il ressort par ailleurs du rapprochement du plan de masse et du relevé topographique que le terrain naturel présente, sur le restant de l'emprise de l'immeuble, des cotes variant entre 33,60 et 34,05 mètres NGF à l'aplomb de la construction. Le lexique du règlement du plan local d'urbanisme imposant de mesurer la hauteur des bâtiments sur leur plus haute façade, il y a lieu de prendre en compte la cote 33,60 mètres NGF comme point bas et l'immeuble ne peut donc légalement dépasser la cote 46,90 mètres NGF sur cette partie de l'unité foncière. Dès lors, le projet de construction en litige, présentant un point haut à la cote 47,29 mètres NGF, méconnaît également les règles en vigueur sur cette partie.
18. Il résulte de tout ce qui vient d'être exposé que le permis de construire accordé à la société L'Egérie n'est pas conforme aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes régissant la hauteur maximale des constructions en zone V UB.
S'agissant de l'exigence de retrait du dernier niveau :
19. L'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, rappelé au point 10 du présent arrêt, subordonne la possibilité de réaliser un bâtiment de niveau R + 3 sur les parcelles situées en bordure des voies d'une largeur supérieure à 6 mètres à la condition que les façades du dernier niveau du bâtiment soient prévues en retrait de 3 mètres par rapport aux façades de ses niveaux inférieurs. Le champ d'application de l'obligation de retrait ainsi prévue ne se réduit ni aux bâtiments implantés en limite des voies concernées, ni aux seules façades orientées vers les voies en cause. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle HK n° 254 sur laquelle doit être implanté l'immeuble en litige se situe en bordure de la rue Tour de l'Evêque, laquelle présente, selon les plans joints à la demande de permis, une largeur supérieure à 6 mètres, justifiant au demeurant le bénéfice de l'application de la hauteur maximale de 12 mètres. Il ressort cependant de l'ensemble des plans du projet que le dernier niveau du bâtiment n'est pas prévu en retrait de 3 mètres par rapport aux niveaux inférieurs. Il en résulte que le permis de construire accordé à la société intimée méconnaît également sur ce point l'article V UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes.
En ce qui concerne l'emprise au sol du projet :
20. L'article 2-1 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes applicable en zone F-Ucu, mentionné au point 12 ci-dessus, n'autorise la réalisation de nouveaux logements sur les terrains de plus de 600 m2 dans cette zone que sous réserve que l'emprise au sol totale des bâtiments soit inférieure ou égale à 50 % de la surface du terrain. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions de la notice que l'emprise au sol du projet s'élève à 2 120 m2 sur un terrain présentant une surface de 4 293 m2, soit un ratio de 49,38 %. En se bornant à réitérer l'argumentation écartée au point 9 ci-dessus selon laquelle la parcelle HK n° 258 n'aurait pas dû être intégrée dans le terrain d'assiette du projet et à relever que l'emprise au sol excèderait le taux maximal de 50 % si l'on retirait de la surface du terrain les 136 m2 correspondant à cette parcelle, la société L'Orangerie ne démontre pas que le permis de construire accordé à la société L'Egérie ne respecterait pas les dispositions précitées de l'article 2-1 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation.
Sur la possibilité d'une régularisation :
21. L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...). ". Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation est susceptible d'être régularisé en application de ces dispositions, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
22. Il résulte de ce qui précède que seuls sont fondés les moyens de la requête tirés de la méconnaissance, par le permis de construire en litige, des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes relatives à la hauteur maximale des bâtiments et au retrait du dernier niveau. Les illégalités ainsi relevées aux points 14 à 19 du présent arrêt sont susceptibles d'être régularisées par un permis modificatif, sans bouleverser le projet au point que sa nature même en serait changée. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur la présente requête, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant une durée de trois mois suivant la notification du présent arrêt, pour permettre la régularisation de ces vices.
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la société L'Orangerie, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant une durée de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, pour permettre la régularisation des vices entachant le permis en litige tirés de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes relatives, d'une part, à la hauteur maximale des constructions et, d'autre part, au retrait du dernier niveau.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée L'Orangerie, à la commune de Nîmes à la société civile de construction vente L'Egérie.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00061