Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée JPSN a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2020 par lequel le maire de Rodez a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment d'habitat collectif composé de trente logements, ainsi que la décision du 12 novembre 2020 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux présenté contre cet arrêté.
Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat n° 462171 du 4 avril 2022, le jugement de la demande de la société JPSN a été attribué au tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 2120097 rendu le 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 23 juillet 2020 et la décision du 12 novembre 2020, enjoint au maire de Rodez de délivrer le permis de construire sollicité par la société JPSN dans le délai d'un mois et mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 février 2023, la commune de Rodez, représentée par Me Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société JPSN devant les premiers juges ;
3°) de mettre à la charge de la société JPSN une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a censuré le premier motif de refus opposé par le maire, tiré de la mauvaise insertion du projet de construction en litige dans son environnement urbain ;
- c'est également à tort que le tribunal a censuré le second motif de refus, tiré de la méconnaissance de l'article II.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Rodez Agglomération applicable à la zone UB.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2023, la société par actions simplifiée JPSN, représentée par Me Gil, conclut à la confirmation du jugement attaqué, à l'annulation de l'arrêté en litige, le cas échéant par substitution de motif, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Rodez une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- le maire a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne s'insérait pas correctement dans son environnement ;
- le projet ne méconnaît pas l'article II 1.1 du règlement de la zone UB dès lors qu'il s'inscrit dans l'une des exceptions prévues par cet article.
Par une ordonnance du 4 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bellotti, représentant la commune de Rodez.
Considérant ce qui suit :
1. La société JPSN a déposé le 13 décembre 2019 une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un bâtiment d'habitat collectif composé de trente logements, pour une surface totale de plancher de 1 717 m2, sur les parcelles cadastrées section AW nos 294, 295 et 296, situées rue du Petit Languedoc sur le territoire de la commune de Rodez (Aveyron). Par un arrêté du 23 juillet 2020, le maire de cette commune a refusé de lui délivrer ce permis. Le recours gracieux présenté par la société JPSN contre cet arrêté le 18 septembre 2020 a été rejeté par le maire par une décision du 12 novembre 2020. Par un jugement rendu le 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur la demande de la société JPSN initialement présentée devant le tribunal administratif de Toulouse, a annulé l'arrêté du 23 juillet 2020 et la décision du 12 novembre 2020, a enjoint au maire de Rodez de délivrer le permis de construire sollicité par la société JPSN dans le délai d'un mois et a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par sa requête, la commune de Rodez relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à se prononcer sur les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus ne justifie l'annulation, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de la mauvaise insertion du projet en litige dans son environnement urbain :
3. L'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'administration d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que le projet, eu égard à sa nature et à ses effets, pourrait avoir sur le site.
4. Selon le préambule du paragraphe II du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Rodez Agglomération applicable dans la zone UB au sein de laquelle se situe le terrain d'assiette du projet : " Caractéristiques urbaines, architecturales, environnementales et paysagères : / (...) / Les constructions devront viser à maintenir la qualité et l'homogénéité des volumes et des couvertures de toit. / Les constructions nouvelles comme les extensions devront s'insérer parfaitement dans l'environnement proche et lointain, bâti et non bâti. ". Et selon l'article 2.2 du même paragraphe II : " Façades et murs extérieurs : / (...) / Le rythme des façades doit s'harmoniser avec le rythme des bâtiments voisins et du parcellaire. / (...) ". Dès lors que les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux règles de ce plan que doit s'apprécier la légalité de l'arrêté en litige par lequel l'autorité compétente a rejeté la demande de permis de construire.
5. Il ressort des pièces du dossier que la zone UB est décrite par le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal comme correspondant principalement à des secteurs denses présentant une dominante d'habitat collectif, situés en première couronne du centre-ville. Il ressort par ailleurs de l'ensemble des plans et des photographies produits par les parties que l'unité foncière sur laquelle s'implanterait la construction envisagée par la société JPSN est située dans un secteur urbain présentant une certaine densité et ne revêtant ni un caractère ou un intérêt particulier, ni une réelle homogénéité architecturale. S'il ressort de ces mêmes pièces que les parcelles limitrophes du terrain d'assiette du projet supportent principalement des habitations individuelles, tant la rue du Petit Languedoc que les voies adjacentes sont également bordées de résidences collectives présentant des hauteurs comparables voire supérieures à celle du bâtiment projeté, prévu avec un niveau R + 3. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et compte tenu de la vocation de la zone UB, la seule circonstance relevée dans l'arrêté contesté que l'immeuble prévu par la société pétitionnaire pourrait avoir un " effet d'écrasement " sur une maison de plain-pied auquel il se trouverait accolé ne saurait suffire pour considérer que le projet serait en rupture avec son environnement urbain ou qu'il serait de nature à y porter atteinte. Par suite, le refus de permis de construire procède d'une inexacte application des dispositions du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme intercommunal énoncées aux points 3 et 4.
En ce qui concerne le motif de refus tiré de la méconnaissance de l'article II 1.1 du règlement applicable à la zone UB :
6. Selon l'article 1.1 du paragraphe II du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Rodez Agglomération applicable dans la zone UB : " Implantation des constructions par rapport aux emprises publiques et aux voies : / Toute construction doit être implantée à l'alignement actuel ou en respect de la trame bâtie (ou à l'alignement de l'emplacement réservé lorsqu'il existe). / Cette règle ne s'applique pas : / (...) / - pour des retraits ou des redents architecturaux ponctuels, s'ils sont justifiés par des motifs architecturaux et sous réserve que la continuité visuelle de l'alignement soit assurée. / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse joint à la demande de permis de construire que la construction envisagée serait implantée à l'alignement de la voie publique constituée par la rue du Petit Languedoc sur l'essentiel de sa longueur de plus de 35 mètres, à l'exception d'un retrait n'excédant pas 1,25 mètre de profondeur sur un linéaire de l'ordre de 7 mètres au niveau de la courbure de la voie. Le léger décroché ainsi prévu par la société pétitionnaire entre les deux parties de la façade nord de la construction est justifié par la configuration particulière de la rue à cet endroit et n'entraîne pas une rupture significative de la perception visuelle de l'alignement depuis la voie publique. Dans ces conditions, le projet en litige entrait dans le champ d'application de l'exception prévue par l'article 1.1 précité pour les retraits architecturaux ponctuels, lui permettant de déroger à l'application stricte du principe de l'implantation à l'alignement. Par conséquent, le maire de Rodez n'a pas pu légalement se fonder sur les dispositions de cet article pour rejeter la demande de permis de construire.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Rodez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2020 et de la décision du 12 novembre 2020, a enjoint à son maire de délivrer le permis de construire à la société JPSN et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la société JPSN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Rodez au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rodez une somme de 1 500 euros à verser à la société JPSN à ce même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Rodez est rejetée.
Article 2 : La commune de Rodez versera une somme de 1 500 euros à la société JPSN sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rodez et à la société par actions simplifiée JPSN.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00349