La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2024 | FRANCE | N°22TL21702

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 26 mars 2024, 22TL21702


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020.



Par un jugement n° 2004377 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 28 jui

llet 2022, M. B... A..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020.

Par un jugement n° 2004377 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du 17 janvier 2020 ;

- il est en contradiction avec la décision du ministre de l'intérieur qui a considéré que le préfet de la Haute-Garonne avait entaché la décision de refus de renouvellement de sa carte de résident d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison de la faute et de l'abus de droit commis par le préfet de la Haute-Garonne du fait de la délivrance d'une carte mention " retraité " et du délai d'instruction de plus de deux ans de sa demande de renouvellement de sa carte de résident : il a fixé sa résidence habituelle en France depuis plus de 49 ans ; sa demande de renouvellement de sa carte de résident relevait d'une délivrance de plein droit en application de l'article 1er de l'accord franco-tunisien ;

- la faute commise lui a occasionné un préjudice moral et économique et a eu des répercussions sur ses conditions matérielles d'existence : il a été privé du bénéfice des aides personnalisées au logement et n'a pu rendre visite à son épouse résidant en Tunisie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il reprend ses observations présentées devant le tribunal administratif de Toulouse et fait valoir qu'aucune faute n'a été commise par l'Etat dès lors que M. A... résidait la majeure partie du temps en Tunisie et que celui-ci ne peut se prévaloir d'aucun préjudice alors qu'il a toujours été en situation régulière et que les récépissés délivrés lui permettaient de voyager.

Par ordonnance du 26 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 10 juin 1949 à Cebala (Tunisie), a bénéficié d'une carte de résident valable dix ans à compter du 20 novembre 1987, régulièrement renouvelée jusqu'au 14 octobre 2017. M. A... en a sollicité le renouvellement auprès du préfet de la Haute-Garonne en septembre 2017. Un récépissé de demande de carte de séjour lui a été délivré le 15 octobre 2017, renouvelé jusqu'au 22 janvier 2019. A l'issue de l'instruction de sa demande, une carte de séjour portant la mention " retraité ", valable du 29 janvier 2019 au 28 janvier 2029, lui a été délivrée sur le fondement de l'article L. 317-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... a contesté la délivrance de cette carte de séjour auprès du préfet de la Haute-Garonne par un courrier de son conseil du 29 janvier 2019, réitérant sa demande de renouvellement d'une carte de résident. Par une décision du 1er avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande. M. A... a exercé un recours hiérarchique auprès du ministre de l'intérieur à l'encontre de cette décision par courrier du 23 mai 2019. Par un courrier du 17 septembre 2019, le ministère de l'intérieur a informé M. A... qu'il était demandé au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation. Par une décision du 7 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a abrogé la décision du 1er avril 2019 et informé M. A... de sa décision de lui délivrer une carte de résident. Par courrier du 19 juin 2020 adressé au préfet de la Haute-Garonne, M. A... a formé une demande indemnitaire préalable à hauteur de la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis. En l'absence de réponse à sa demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 14 décembre 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens résidant régulièrement en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. / Cette carte est renouvelable de plein droit pour une durée de dix ans. Elle vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non, y compris commerciale. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. ". Aux termes de l'article 3 de cet accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / (...) / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 317-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " L'étranger qui, après avoir résidé en France sous couvert d'une carte de résident, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour portant la mention " retraité ". Cette carte lui permet d'entrer en France à tout moment pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Elle est valable dix ans et est renouvelée de plein droit. Elle n'ouvre pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, pour refuser de renouveler la carte de résident dont bénéficiait M. A..., le préfet de la Haute-Garonne a constaté, dans sa décision du 1er avril 2019, que l'intéressé avait fixé l'ensemble de ses intérêts en Tunisie la majeure partie de l'année. Il a également relevé que M. A... avait présenté une attestation de résidence émanant de la société Adoma et que son épouse ainsi que sept des huit enfants du couple résidaient en Tunisie. Si le requérant se prévaut du courrier du 17 septembre 2019 qui lui a été adressé par les services du ministère de l'intérieur en réponse à son recours hiérarchique du 23 mai précédent, celui-ci se bornait cependant à l'informer de ce qu'après une étude attentive des justificatifs produits il avait été demandé au préfet de la Haute-Garonne de bien vouloir réexaminer sa situation, sans porter d'appréciation sur le refus qui avait alors été opposé à sa demande. Le requérant conteste le motif selon lequel son lieu de résidence serait désormais fixé en Tunisie. Toutefois, les pièces produites consistant en plusieurs courriers émanant de la caisse d'allocations familiales faisant état d'une dette de 5 945,05 euros au titre d'un indu d'aide personnalisée au logement à la suite du non-respect des conditions de résidence en 2015, 2016 et 2017, son avis d'imposition établi au titre de l'année 2019 ainsi qu'un certificat médical rédigé dans des termes sommaires par son médecin traitant le 25 janvier 2019, ne permettent pas de justifier du caractère habituel de sa résidence en France entre la demande de renouvellement de sa carte de résident en septembre 2017 et la décision du 1er avril 2019 l'informant de la délivrance d'une carte de séjour mention " retraité " en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 317-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet a abrogé sa décision le 7 octobre 2019 en délivrant à M. A... une carte de résident valable à compter du 29 janvier 2019, le requérant ne peut utilement soutenir que le jugement contesté aurait été pris en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du tribunal administratif du 17 janvier 2020 constatant qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de sa requête n° 1902827 tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2019. La circonstance que le préfet ait abrogé cette décision ne révèle par elle-même aucune illégalité fautive au regard de ce qui vient d'être exposé. Par suite, alors au surplus que le requérant ne démontre pas la réalité et l'étendue des préjudices subis, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui délivrant une carte de séjour mention " retraité " valable à compter du 29 janvier 2019 et en refusant d'accéder à sa demande de renouvellement de sa carte de résident pendant un délai anormalement long, le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Me Sadek la somme réclamée au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sadek et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21702 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21702
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22tl21702 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award