Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande d'autorisation de travail et sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200986 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Gault, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 3 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Nîmes n'a pas réellement répondu au moyen soulevé dans sa demande tiré de ce que l'arrêté en litige procédait d'un détournement de procédure ;
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet a considéré qu'il avait sollicité une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que sa demande de titre de séjour avait été présentée sur le seul fondement de l'article L. 313-4-1 devenu L. 426-11 du même code ; le préfet ne s'est ainsi jamais prononcé sur sa situation au regard des dispositions invoquées dans sa demande de titre de séjour ; l'arrêté est, par suite, entaché de détournement de procédure et privé de base légale ;
- le préfet a commis des erreurs de fait tenant, d'une part, à l'absence de référence à sa carte de résident " UE " délivrée par les autorités italiennes et, d'autre part, à la mention selon laquelle il ne justifierait pas des circonstances de son entrée en France, alors qu'il avait produit les preuves pour être admis au séjour au titre de l'article L. 426-11 précité.
La requête a été communiquée le 15 septembre 2022 à la préfète de Vaucluse, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance en date du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ghanéen, né le 4 octobre 1991 à Sunyani (Ghana), entré sur le territoire français le 25 août 2021, a sollicité son admission au séjour, par l'intermédiaire de son conseil, par un courrier daté du 4 novembre 2021 et reçu par la préfecture de Vaucluse le 3 décembre suivant. Par un arrêté pris le 3 mars 2022, le préfet de ce département a rejeté tant sa demande d'autorisation de travail que sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi. Par sa requête, M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 mars 2022.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable depuis le 1er mai 2021, dont les dispositions reprennent celles de l'ancien article L. 313-4-1 du même code en vigueur avant cette dernière date, dispose que : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE, définie par les dispositions de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, et qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille, ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France, et sans que la condition prévue à l'article L. 412-1 soit opposable : / 1° La carte de séjour temporaire portant la mention portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "entrepreneur/profession libérale" s'il remplit les conditions prévues aux articles L. 421-1, L. 421-3 ou L. 421-5 ; / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par le courrier du 4 novembre 2021 évoqué au point 1 du présent arrêt, M. A... a sollicité l'obtention d'un titre de séjour temporaire en se prévalant explicitement des dispositions de l'ancien article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de Vaucluse n'a examiné la situation du requérant qu'au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour par le travail, ainsi que de celles de l'article L. 423-23 de ce code, relatif à la vie privée et familiale, sans se prononcer sur le droit au séjour de l'intéressé au regard des dispositions spécifiques qu'il avait invoquées au soutien de sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, la décision par laquelle l'autorité préfectorale a refusé un titre de séjour à l'appelant doit être regardée comme procédant d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé. L'illégalité ainsi relevée prive de leur base légale les autres décisions contenues dans le même arrêté, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixation du pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et notamment celui relatif à la régularité du jugement contesté, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif retenu ci-dessus pour annuler l'arrêté en litige, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Vaucluse réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision sur la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, lequel a la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er juillet 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Vaucluse du 3 mars 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision sur cette situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21590