Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel le maire de Mauguio a retiré le permis de construire délivré le 17 janvier 2019, ainsi que de la décision du 9 mai 2019 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux présenté contre cet arrêté.
Par un jugement n° 2009757 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande des intéressés, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Mauguio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 août 2022 et le 5 mai 2023, M. A... C..., représenté par Me Moreau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 et la décision du 9 mai 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier sur son recours introduit contre le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 16 janvier 2019 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mauguio une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente en l'absence de délégation régulièrement consentie à l'adjoint au maire ;
- le maire a méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt n° 14MA03344 du 18 mars 2016, lequel a reconnu dans ses motifs l'existence d'une servitude de passage permettant l'accès à sa parcelle ;
- il n'a commis aucune fraude dès lors qu'il a pu se prévaloir en toute bonne foi de la servitude de passage reconnue par la cour administrative d'appel de Marseille et que le jugement rendu par le juge judiciaire le 16 janvier 2019 n'avait pas encore été notifié ;
- la servitude de passage existe tant juridiquement que physiquement et l'administration ne peut légalement se fonder que sur les pièces produites au regard des règles d'urbanisme, sans pouvoir opposer la méconnaissance éventuelle de règles de pur droit privé ;
- le permis de construire étant délivré sous réserve des droits des tiers, le maire ne pouvait légalement ni refuser ni retirer le permis en se fondant sur la seule existence d'un litige pendant devant les juridictions judiciaires concernant le droit de passage ;
- le maire ne pouvait légalement se fonder sur le jugement judiciaire du 16 janvier 2019 sans prendre en compte l'arrêt susmentionné de la cour administrative d'appel de Marseille et la circonstance qu'il a interjeté appel du jugement du 16 janvier 2019 ;
- il n'y a aucun doute sur la réalité de la servitude de passage dont il s'est prévalu dès lors qu'il existe de très longue date une impasse commune aux propriétaires mitoyens, laquelle représente en outre le seul accès au bâtiment existant sur sa parcelle ;
- à supposer qu'il subsiste un tel doute, le tribunal administratif aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier ; la cour devra donc annuler le jugement attaqué ou, à titre subsidiaire, prononcer un sursis à statuer.
La commune de Mauguio a été mise en demeure de produire un mémoire en défense le 3 février 2023.
Par une ordonnance en date du 5 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme B... sont propriétaires des parcelles cadastrées section CA nos 250, 252 et 417, sises rues Gambetta et Alphonse Daudet, sur le territoire de la commune de Mauguio (Hérault). M. C... a déposé le 3 juillet 2018 une demande de permis de construire pour la transformation d'une remise existante en logement sur la parcelle cadastrée section CA n° 250. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le maire de Mauguio lui a accordé ce permis. Par une lettre du 18 février 2019, le maire a informé M. C... et Mme B... de son intention de procéder au retrait de cette autorisation d'urbanisme en les invitant à produire leurs observations sur une telle éventualité, ce que les intéressés ont fait par un courrier daté du 25 février suivant. Par un arrêté du 28 mars 2019, le maire de Mauguio a prononcé le retrait du permis de construire accordé le 17 janvier 2019. Le recours gracieux présenté par M. C... et Mme B... contre cet arrêté le 24 avril 2019 a été rejeté par le maire par une décision prise le 9 mai suivant. Par la présente requête, M. C... interjette appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, présentée conjointement avec Mme B..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019 et de la décision du 9 mai 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, la commune de Mauguio n'a produit aucun mémoire en défense. Elle est donc réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient cependant au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est par lui-même sans conséquence sur leur qualification juridique au regard des dispositions sur lesquelles l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
3. D'une part, l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme prévoit que : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. / (...) ". Selon l'article 3 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Mauguio, établissant des règles applicables dans l'ensemble des zones : " Accès : / Tout terrain enclavé est inconstructible à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante, instituée par acte authentique ou par voie judiciaire, en application de l'article 682 du code civil. ".
4. Le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la règlementation d'urbanisme. Par suite, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles relatives à la desserte et à l'accès, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient, en revanche, de vérifier ni la validité de cette servitude, ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.
5. Il ressort des pièces du dossier que, si la parcelle cadastrée CA n° 250 supporte une maison d'habitation donnant sur la rue Alphonse Daudet, la remise sur laquelle porte le projet présenté par M. C... n'est quant à elle accessible que par une impasse privée constituée par les parcelles CA nos 416 et 417 et débouchant sur la rue Gambetta. Il est en outre constant que le requérant, propriétaire de la parcelle CA n° 417, s'est prévalu, au soutien de sa demande de permis de construire, de l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle CA n° 416, en se référant à un acte notarié du 15 février 1841 mentionné par la cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt n° 14MA03344 du 18 mars 2016 statuant sur un refus opposé par le maire de Mauguio à une précédente demande de permis de construire déposée par l'intéressé. Il ressort de cet acte, lequel porte sur la vente d'une parcelle alors cadastrée A n° 159, assortie de sa division en trois lots, qu'" il a été convenu entre les acquéreurs qu'il sera établi à l'aspect du couchant un passage pour rester commun entre eux à perpétuité qui aura, à son entrée sur le chemin de la Chicane, une largeur de cinq mètres vingt cinq centimètres qui se réduit à quatre mètres soixante-cinq centimètres (puis) à trois mètres quarante-cinq centimètres (...) ". Il n'est pas contesté que la parcelle CA n° 250 appartenant à M. C... est issue de l'ancienne parcelle A n° 159 et que le passage commun institué par l'acte notarié du 15 février 1841 correspond à l'impasse privée constituée par les parcelles aujourd'hui cadastrées CA nos 416 et 417.
6. Il ressort par ailleurs de la motivation de l'arrêté du 28 mars 2019 en litige que, pour prononcer le retrait du permis de construire délivré au requérant le 17 janvier 2019, le maire de Mauguio s'est fondé sur ce que, par un jugement rendu le 16 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a considéré que l'intéressé ne disposait d'aucun droit de passage sur la parcelle CA n° 416. Le maire en a déduit que la parcelle CA n° 250 constituant l'assiette du projet devait être regardée comme enclavée et que l'illégalité entachant ainsi le permis accordé justifiait de procéder à son retrait sur le fondement de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme mentionné au point 3 du présent arrêt. Il ressort toutefois des termes mêmes du jugement du 16 janvier 2019 que le tribunal de grande instance a expressément prévu que sa décision ne serait pas assortie de l'exécution provisoire. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. C... a interjeté appel du jugement du 16 janvier 2019 auprès de la cour d'appel de Montpellier, ce que le maire a d'ailleurs relevé dans l'arrêté de retrait en litige, si bien que le jugement en cause ne présentait pas un caractère exécutoire le 28 mars 2019. Dans ces conditions, alors que le requérant avait produit une servitude de passage au soutien de sa demande de permis comme il a été dit au point précédent, le maire ne pouvait pas légalement se fonder sur ce jugement pour remettre en cause la validité de cette servitude et pour en déduire que la parcelle CA n° 250 serait enclavée. Dès lors, l'arrêté de retrait en litige est entaché d'une erreur de droit.
7. D'autre part, lorsque l'autorité administrative compétente, saisie d'une demande de permis de construire, vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui appartient de refuser la demande pour ce motif. Si, postérieurement à la délivrance du permis, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut alors légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration pour obtenir un permis indu.
8. Il ressort des termes de la décision du 9 mai 2019 rejetant le recours gracieux de M. C... que le maire de Mauguio a considéré que le permis de construire avait été obtenu de manière frauduleuse au motif que le requérant n'avait informé la commune ni de l'action en reconnaissance de droit de passage initiée par lui le 24 février 2015, ni de l'intervention du jugement du tribunal de grande instance du 16 janvier 2019 statuant sur cette action. Il résulte néanmoins de ce qui a été indiqué aux points 5 et 6 que l'intéressé a pu s'estimer de bonne foi bénéficiaire d'une servitude de passage sur la parcelle CA n° 416 au vu de l'acte notarié du 15 février 1841, lequel avait conduit la cour administrative d'appel de Marseille à reconnaître l'existence d'une telle servitude dans son arrêt du 18 mars 2016. Par suite et alors que l'action judiciaire engagée par M. C... tendait également à la condamnation de ses voisins à libérer le passage et à réparer ses préjudices, la circonstance qu'il n'a pas informé le service instructeur de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance ne saurait caractériser une manœuvre frauduleuse. Enfin, il n'est pas contesté que le jugement rendu par ledit tribunal la veille de l'édiction du permis de construire n'avait pas encore été notifié le jour de cette édiction et il ne peut donc être reproché à l'appelant de ne pas l'avoir communiqué à la commune. Dès lors, le maire ne pouvait pas légalement opposer la fraude pour justifier le retrait de ce permis.
9. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par le requérant n'apparaissent pas de nature à justifier, en l'état de l'instruction, l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019 et de la décision du 9 mai 2019.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement du 30 juin 2022, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune intimée, laquelle est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros à M. C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Mauguio du 28 mars 2019 et sa décision du 9 mai 2019 sont annulés.
Article 3 : La commune de Mauguio versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Mauguio.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
J. F. Moutte
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21907