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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21959

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL21959


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de l'Aude a déféré devant le tribunal administratif de Montpellier, en tant que prévenues d'une contravention de grande voirie, la société à responsabilité limitée Aqua Tinta et Mme B... A..., sa gérante, sur le fondement d'un procès-verbal du 7 septembre 2021 constatant son occupation sans droit ni titre d'un espace situé sur la plage du Mouret à Leucate et appartenant au domaine public maritime naturel. Il a également demandé la condamnation de cette sociét

et de sa gérante, respectivement, à l'amende maximale de 7 500 euros et de 1 500 euros. En...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Aude a déféré devant le tribunal administratif de Montpellier, en tant que prévenues d'une contravention de grande voirie, la société à responsabilité limitée Aqua Tinta et Mme B... A..., sa gérante, sur le fondement d'un procès-verbal du 7 septembre 2021 constatant son occupation sans droit ni titre d'un espace situé sur la plage du Mouret à Leucate et appartenant au domaine public maritime naturel. Il a également demandé la condamnation de cette société et de sa gérante, respectivement, à l'amende maximale de 7 500 euros et de 1 500 euros. Enfin, il lui a demandé, d'une part, de les condamner à supprimer les causes de l'irrégularité de l'occupation et à remettre les lieux concernés par l'infraction dans leur état naturel initial dans un délai de dix jours et sous astreinte et d'autre part, de l'autoriser à procéder d'office, dans délai d'un mois, à la remise des lieux concernés par l'infraction dans leur état naturel initial à leurs frais et risques.

Par un jugement n° 2106263-2106268 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Aqua Tinta et Mme A... à payer une amende, respectivement, de 6 000 euros et de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2022, et un mémoire, enregistré le 28 mai 2024 n'ayant pas été communiqué, la société Aqua Tinta et Mme A..., sa gérante, représentées par Me Février, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2022 ;

2°) de les relaxer des poursuites engagées à leur encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles exploitent depuis 2021 une surface de 1 392 m² ;

- elles disposent d'un titre pour occuper le domaine public maritime à hauteur d'une surface de 1 392 m² dès lors que le lot n° 18 de la plage du Mouret leur a été attribué à l'issue d'une procédure de mise en concurrence lancée par la commune de Leucate, concessionnaire ;

- la nouvelle convention d'exploitation pour le lot n° 18 a été exécutée puisque la société a payé en 2021 une redevance de 1 500 euros ;

- à titre subsidiaire, à supposer que cette nouvelle convention d'exploitation ne soit pas considérée comme de nature à caractériser une occupation régulière du domaine public maritime, la faute de la commune de Leucate consistant à conclure de nouvelles conventions d'exploitation en méconnaissance du cahier des charges de la concession de l'État est une circonstance assimilable à un cas de force majeure de nature à les décharger de leur obligation de payer les amendes mises à leurs charges et de réparation des atteintes portées au domaine public.

Par une ordonnance du 14 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu, au 20 juin 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces de ce dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention signée le 29 novembre 2013, le préfet de l'Aude a concédé à la commune de Leucate l'exploitation des plages naturelles situées sur le territoire communal. Plusieurs lots ont été établis sur le secteur de la plage du " Mouret " dont le lot n° 18, d'une superficie de 1 000 m², que la commune précitée a confié à la société Aqua Tinta et à sa gérante Mme A... pour son exploitation saisonnière. À la suite d'un constat d'état des lieux du 28 juin 2021, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 17 décembre 2021 à l'encontre de la société Aqua Tinta et de Mme A... à raison du dépassement de l'emprise totale du lot, cette emprise étant d'environ 1 392 m² au lieu d'une surface de 1 000 m² maximum autorisée, une surface de structure, bâti terrasse et platelage d'environ 790 m² au lieu de 400 m² autorisée et une surface de bâti d'environ 388 m² au lieu de 200 m² autorisée. Par un jugement du 13 juillet 2022 dont la société Aqua Tinta et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Montpellier a condamné ces dernières à payer une amende, respectivement, de 6 000 euros et de 1 500 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. /(...) ". Aux termes de l'article L. 2132-3 de ce code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ".

3. D'autre part, eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.

4. Enfin, l'article 10 du cahier des charges de la concession conclu le 29 novembre 2013 entre l'État et la commune de Leucate prévoit que " La commune concessionnaire peut être autorisée par le préfet à confier à des personnes publiques ou privées l'exercice des droits qu'elle tient du présent cahier des charges (...). La convention d'exploitation est personnelle (...). Procédure d'attribution. Les conventions d'exploitation sont soumises pour accord au préfet préalablement à la signature par le concessionnaire (...). Elles précisent l'obligation de respecter les dispositions de la concession État/commune dont elles sont issues (...). Les conventions d'exploitation sont délivrées après mise en concurrence (...). La commune concessionnaire veillera à ne retenir que les offres respectant rigoureusement les dispositions de la concession. Le concessionnaire devra annexer un exemplaire du présent cahier des charges et de ses avenants éventuels à chaque convention d'exploitation. Un extrait du plan de la concession devra également être joint à chaque convention ". Il résulte de ces stipulations que si la commune concessionnaire peut engager une procédure de mise en concurrence pour l'attribution d'un lot à exploiter débouchant sur la signature d'une convention d'exploitation entre la commune et l'attributaire, la conclusion d'une telle convention est toutefois subordonnée à l'accord préalable du préfet. En outre, cette convention d'exploitation doit nécessairement respecter les dispositions du cahier des charges de la concession.

5. À cet égard, il résulte des articles 3.4 et 3.5 de ce cahier que la superficie exploitable du lot n° 18 situé sur la plage du Mouret est de 1 000 m² pour les activités de plages, activités sportives, location de matériel, club enfants et restauration collective et que la surface maximum de platelage, de terrasse et de bâtiment est de 400 m².

6. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que la société appelante a conclu, le 25 février 2012, avec la commune de Leucate une convention aux termes de laquelle cette dernière, concessionnaire de la plage du Mouret, lui a sous-traité l'exercice des droits et obligations pour l'exploitation d'une partie de la plage dont il est constant qu'elle représentait une superficie exploitable de 1 000 m². Les appelantes soutiennent qu'à l'issue de la procédure de mise en concurrence engagée par la commune, la société s'est vu attribuer le lot n° 18 l'autorisant à exploiter une superficie de 1 500 m² sur la plage précitée. Toutefois, si les appelantes se prévalent du règlement de la consultation fixant à 1 500 m² la surface d'exploitation, la convention d'exploitation qu'elles produisent, sur laquelle est portée la mention " projet ", ne constitue qu'un acte préparatoire dans l'attente de l'accord du préfet. En outre, la lettre du directeur général des services de la commune de Leucate du 20 octobre 2020, qui informe la société appelante de ce que sa candidature et son offre ont bien été retenues, lui indique également que le contrat correspondant est en cours de signature par la préfète de l'Aude et lui sera notifié prochainement. Or, dans ses écritures devant les premiers juges, cette autorité indique avoir expressément refusé l'approbation de cette convention, sollicitée par la commune concessionnaire, au motif de son absence de conformité avec la concession de plage en vigueur. Dès lors que les appelantes ne produisent aucune convention d'exploitation approuvée par l'autorité préfectorale, elles ne peuvent être regardées comme justifiant d'un titre les autorisant à occuper sur la plage du Mouret une superficie exploitable supérieure à 1 000 m². En outre, la circonstance que les redevances payées au titre de 2021 aient été calculées sur une superficie de 1 500 m² n'est pas de nature à caractériser l'existence de nouvelles relations contractuelles autres que celles résultant de la convention du 25 février 2012.

7. En dernier lieu, lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.

8. Il résulte de l'instruction et, en particulier du règlement de la consultation, que dans le cadre de la procédure de mise en concurrence, la société appelante a pu consulter le cahier des charges de la concession accordée par l'État. Dès lors, elle ne pouvait ignorer que, même si son offre était retenue, la conclusion d'une convention d'exploitation était subordonnée à l'accord préalable du préfet en application de l'article 10 de ce cahier ni que cette convention d'exploitation devait nécessairement respecter les exigences posées par les articles 3.4 et 3.5 de ce cahier en matière de superficie exploitable pour le lot n° 18. Il en résulte qu'à supposer même que la commune de Leucate ait commis une faute en prévoyant la conclusion de conventions d'exploitation ne respectant pas le cahier des charges de la concession précitée, l'atteinte au domaine public maritime ne résulte pas, de façon exclusive, du fait de l'administration mais de sa propre négligence. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir, pour échapper aux obligations découlant de la constitution d'une contravention de grande voirie, d'un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Aqua Tinta et Mme A... à payer une amende, respectivement, de 6 000 euros et de 1 500 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de la société Aqua Tinta et de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Aqua Tinta, à Mme B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-BethbéderLa greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21959
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Faits constitutifs.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie - Cause exonératoire.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : FEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21959 ?
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