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09/07/2024 | FRANCE | N°24TL00296

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 24TL00296


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2306567 du 9 janvier 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis à titre provisoire M. A... au bénéfice de l'aide jurid

ictionnelle (article 1er), a fait droit à sa demande d'annulation, a enjoint au préfet de la Haute...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2306567 du 9 janvier 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis à titre provisoire M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle (article 1er), a fait droit à sa demande d'annulation, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (articles 2 et 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Amari de Beaufort en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, et dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à verser à M. A... la somme de 1000 euros au titre du seul article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4), et enfin a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu comme fondé le moyen tiré de ce que la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit tirée du défaut d'examen de la situation médicale de M. A....

L'intimé, à qui la requête d'appel du préfet de la Haute-Garonne a été communiquée le 4 mars 2024, n'a pas produit de conclusions.

Par une ordonnance du 29 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien né le 9 juin 1977, déclare être entré sur le territoire français le 28 mars 2023. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 31 mars 2023. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2023. Par un arrêté du 6 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, le préfet de la Haute-Garonne interjette appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Pour annuler l'arrêté contesté, le premier juge a estimé qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, édicté pendant que M. A... était hospitalisé, que l'autorité préfectorale a examiné la situation personnelle de M. A... au regard de son état de santé alors que, par ailleurs, ce dernier s'est prévalu de problèmes médicaux dans sa fiche d'évaluation de vulnérabilité, remplie auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 31 mars 2023 et que, par suite, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit tirée du défaut d'examen de la situation de M. A....

3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait transmis aux services de la préfecture des éléments relatifs à son état de santé, notamment sa fiche d'évaluation de vulnérabilité remplie le 31 mars 2023 auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni qu'il aurait été empêché de présenter au préfet tous éléments pertinents relatifs à sa situation et en particulier son état de santé, avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige, qui auraient impliqué que le préfet de la Haute-Garonne examine la situation de l'intéressé également sous un angle sanitaire. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que M. A..., qui s'est vu remettre la notice d'information relative aux possibilités de demande un titre de séjour dès le début de l'examen d'une demande d'asile, ait déposé une telle demande en qualité d'étranger malade, qui aurait conduit l'autorité préfectorale à instruire sa demande à ce titre. Enfin, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du préfet, qui comprend des motifs relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, que l'autorité administrative a tenu compte de la situation administrative de celui-ci, mais aussi de la durée et des conditions de son séjour en France, de sa situation personnelle et familiale. L'arrêté attaqué énonce que le préfet a procédé à l'examen approfondi de la situation personnelle de M. A... incluant l'ensemble de ses déclarations et des éléments produits, ce que corroborent les motifs circonstanciés de l'arrêté. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant été pris sans examen sérieux de la situation de l'intéressé au seul motif qu'il ne se prononce pas sur l'état de santé de l'intéressé.

4. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de M. A... pour annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 en litige.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le demandeur devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté :

6. L'arrêté contesté vise les textes sur lesquels s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne et, notamment, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 611-1, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il expose également les conditions d'entrée sur le territoire de l'intéressé et le rejet de sa demande d'asile. Enfin, la décision fixant le pays de destination vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité du requérant et la circonstance qu'il n'établit pas courir des risques dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'intéressé qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, n'établit pas qu'il aurait été empêché de présenter au préfet de la Haute-Garonne, à l'occasion du dépôt de sa demande ou en cours d'instruction de celle-ci, tous éléments pertinents relatifs à sa situation et en particulier son état de santé, avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il été privé du droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable: " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision attaquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a levé le secret médical, a été hospitalisé en France du 6 septembre 2023 au 23 octobre 2023 en raison d'un cancer de la gorge et a fait l'objet d'une laryngectomie totale, d'une radio-chimiothérapie. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé continue de faire l'objet d'un suivi médical depuis le 24 octobre 2023, impliquant des soins infirmiers destinés à assurer son suivi post-opératoire. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. A... avait déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé, ni qu'il avait informé l'autorité préfectorale des affections dont il déclare souffrir en produisant des éléments précis qui feraient obstacle à ce qu'il retourne dans son pays en cas de rejet de sa demande d'asile. D'autre part, si M. A... a produit en première instance un certificat médical en date du 28 novembre 2023 indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni les pièces médicales produites, ni les documents d'ordre général que constituent le rapport de l'OMS, non traduit, de 2021 sur l'accès au soin en Géorgie, et un rapport intitulé " droit au séjour et problématiques de santé des ressortissants géorgiens " établi par la clinique de l'école de droit programme migrations, ne sont de nature à établir que l'état de santé de M. A... ne pourrait être effectivement pris en charge d'une façon appropriée et accessible en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. Les moyens dirigés contre la mesure d'éloignement ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par l'intimé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. Si M. A... soutient que la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il se borne à faire état de sa demande d'asile, laquelle a été rejetée, et n'apporte aucune précision à l'appui du risque de la rupture de soins affirmation, sur la disponibilité du traitement requis dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel il a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par suite, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué et de rejeter le surplus des conclusions de la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2306567 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Amari de Beaufort.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président de chambre,

D. Chabert

Le greffier,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24TL00296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00296
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Xavier Haïli
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : AMARI-DE-BEAUFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24tl00296 ?
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