Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Polytan a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la commune de Castres à lui payer la somme provisionnelle de 59 418,50 euros.
Par ordonnance n° 2304626 du 17 novembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2023, la société Polytan, représentée par Me Pfeffer, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 17 novembre 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner la commune de Castres à lui payer une provision de 59 418,50 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Castres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé la première juge, elle est en droit d'obtenir de la commune intimée le paiement de la somme en cause ;
- ainsi, la commune maître d'ouvrage n'ignorait pas son intervention en tant que sous-traitante et les travaux ont été exécutés tandis que le titulaire du marché ne lui a pas réglé le montant y afférent et a été placé en liquidation judiciaire ;
- il incombait à la commune de s'assurer du règlement par le titulaire du marché de la somme due à son sous-traitant, en vertu de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction issue de la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 ;
- la commune a engagé sa responsabilité en ne s'assurant pas que la somme en cause était garantie par une caution bancaire du titulaire et n'en intimant pas d'en constituer une ;
- la commune, par ailleurs, s'est engagée à lui régler directement cette somme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la cour a désigné M. Éric Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Castres a passé un marché public de travaux pour la reconstruction de la pelouse du stade Pierre Fabre le 18 mai 2022, avec la société Sparfel Normandie, pour un montant de 1 394 771,73 euros hors taxes. Le titulaire du marché a sous-traité une partie du marché à la société E2V Greenway pour un montant de 183 869 euros hors taxes. Cette dernière a elle-même sous-traité la réalisation de travaux de dégagements synthétiques à la SAS Polytan pour un montant de 59 418,50 euros. N'étant pas payée des travaux qu'elle a réalisés, la SAS Polytan a saisi, le 31 mars 2023, la commune de Castres d'une demande préalable de paiement de la somme de 59 418,50 euros.
2. La société Polytan relève appel de l'ordonnance du 17 novembre 2023 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Castres à lui payer une somme de 59 418,50 euros.
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
4. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande (...) ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " (...) Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l'article 14 ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " À peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant (...) ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; - si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le sous-traitant direct du titulaire d'un marché de travaux a confié à un sous-traitant de second rang tout ou partie des missions qui lui incombent sans délivrer de caution ou de délégation de paiement à ce sous-traitant de second rang, le maître d'ouvrage public est tenu, lorsqu'il a connaissance de cet état de fait, de mettre en demeure le sous-traitant direct du titulaire du marché de régulariser sa situation. À défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.
6. Il résulte de l'instruction que la commune de Castres a accepté, le 15 septembre 2022, la société appelante, désignée en tant que sous-traitant de deuxième rang par le sous-traitant de premier rang, la société E2V Greenway, par acte spécial de sous-traitance, DC4, signé les 22, 25 et 26 juillet 2022 par le titulaire du marché, le sous-traitant de premier rang et le sous-traitant de deuxième rang. Par suite et comme l'a relevé la première juge, la commune a eu connaissance de l'intervention de la société Polytan à la date du 15 septembre 2022.
7. Par ailleurs, dès le 15 septembre 2022, la commune a demandé, par courriel, à la société E2V Greenway de lui faire parvenir au plus tôt la garantie à première demande. Un échange de messages du 10 novembre 2022 entre cette société et sa banque révèle que cette dernière a refusé de lui accorder une garantie bancaire, compte tenu de la situation financière de cette entreprise. Cependant, la société Polytan avait transmis à la société E2V Greenway, dès le 30 septembre 2022, la facture des travaux qu'elle avait exécutés. Puis, la société E2V Greenway a été mise en redressement judiciaire le 8 décembre 2022 et en liquidation judiciaire le 1er juin 2023, tandis que la société appelante, qui avait déclaré le montant de sa créance le 10 janvier 2023, n'a pas pu la recouvrer, alors que la commune a réglé ce montant, le 28 mai 2023, à la société E2V Greenway.
8. Il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 6 et 7 que la société appelante, qui n'établit pas que les travaux exécutés par elle n'étaient pas achevés à la date du 15 septembre 2022 et n'a pas cherché à recouvrer sa créance auprès du sous-traitant de premier rang avant que ce dernier ne fût placé en redressement judiciaire, ne saurait reprocher à la commune intimée d'avoir commis une faute en ne mettant pas en demeure la société E2C Greenway de justifier de la détention d'une caution, ainsi que prévu à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, précité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Polytan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a regardé la créance dont elle se prévaut comme sérieusement contestable et a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 23TL02772 de la société Polytan est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Polytan et à la commune de Castres.
Fait à Toulouse, le 23 août 2024.
Le juge d'appel des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au préfet du Tarn, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 23TL02772