Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2204805 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril 2023 et le 26 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
La décision portant refus de séjour :
- est entachée d'insuffisance de motivation ;
- est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 4 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 23 juillet 1969, est entré en France en octobre 2019 selon ses déclarations. M. B..., qui a fait l'objet d'un premier arrêté d'éloignement le 25 mai 2020, a vu sa demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2021. Le 15 septembre 2021, il s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour valable trois mois, en raison de son état de santé. Il a ensuite sollicité le renouvellement de cette autorisation et la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 21 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation d'un tel arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation de son médecin psychiatre que M. B..., qui souffre d'un syndrome anxiodépressif majeur associé à des velléités suicidaires, est fréquemment hospitalisé afin d'éviter un passage à l'acte, et fait l'objet d'une psychothérapie ainsi que d'un traitement associant de l'alprazolam, de la mirtazapine, de la vortioxétine, du lormétazépam et du diazépam. Par un avis du 10 juin 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il a toutefois considéré qu'eu égard à l'offre de soins en Arménie, M. B... pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement adapté, s'écartant sur ce point du précédent avis rendu par la même instance le 14 septembre 2021. Pour contester l'avis médical sur lequel s'est fondé le préfet de l'Hérault dans la décision litigieuse, M. B... produit notamment la liste des médicaments disponibles en Arménie, sur laquelle ne figurent pas ceux composant son traitement, confortée par une attestation émanant d'une pharmacie arménienne. Bien que la liste des médicaments soit produite dans sa version à jour du 31 décembre 2023, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ne reflèterait pas l'offre de soins en Arménie à la date de l'arrêté attaqué, qui lui est antérieur de moins de deux ans, ni que celle-ci aurait substantiellement évolué depuis. L'appelant produit également une attestation de son médecin psychiatre selon laquelle son traitement n'est pas substituable, ainsi qu'une attestation émanant d'un autre psychiatre faisant état de la nécessité pour M. B... d'être suivi en France, en l'absence de structure adaptée dans son pays d'origine. L'ensemble des éléments ainsi produits par M. B... est de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la disponibilité effective d'un traitement adaptée dans le pays d'origine de M. B.... En défense, le préfet de l'Hérault ne fait état d'aucun autre élément que l'avis du collège de médecins pour étayer sa position. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Le présent arrêt implique que le préfet de l'Hérault délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Bazin.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 novembre 2022 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 juillet 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Bazin la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Judith Bazin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00906