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17/09/2024 | FRANCE | N°22TL21986

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 septembre 2024, 22TL21986


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par une requête enregistrée sous le n° 2003471, d'une part, d'annuler le procès-verbal de constatation d'occupation sans titre du domaine public fluvial et de mise en demeure du 29 août 2019, le titre exécutoire d'un montant de 3 151,62 euros émis le 27 novembre 2019 par l'établissement public Voies navigables de France ainsi que la décision implicite de rejet opposée son recours du 31 mars 2020, et, d'autre pa

rt, de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par une seconde requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par une requête enregistrée sous le n° 2003471, d'une part, d'annuler le procès-verbal de constatation d'occupation sans titre du domaine public fluvial et de mise en demeure du 29 août 2019, le titre exécutoire d'un montant de 3 151,62 euros émis le 27 novembre 2019 par l'établissement public Voies navigables de France ainsi que la décision implicite de rejet opposée son recours du 31 mars 2020, et, d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2100323, M. A... a demandé au tribunal administratif, d'une part, d'annuler le procès-verbal du 5 octobre 2020 ayant le même objet, le titre exécutoire du 30 novembre 2020 d'un montant de 3 158,78 euros, la décision rejetant implicitement son recours du 27 novembre 2020 formé contre le procès-verbal du 5 octobre 2020 précité ainsi que la lettre de relance du 12 janvier 2021, et, d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n°s 2003471 - 2100323 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du procès-verbal de constat d'occupation sans titre du domaine public du 29 août 2019, annulé le titre exécutoire émis le 27 novembre 2019 d'un montant de 3 151,62 euros et déchargé M. A... de l'obligation de payer cette somme. Par ce même jugement, ce tribunal a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2022 et le 10 juillet 2024 M. A..., représenté par Me Gallon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler le procès-verbal de constatation d'occupation sans titre du domaine public fluvial et de mise en demeure établi par l'établissement public Voies navigables de France le 5 octobre 2020, la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé contre ce procès-verbal le 27 novembre 2020, le titre exécutoire émis le 30 novembre 2020 d'un montant de 3 158,78 euros ainsi que la lettre de relance du 12 janvier 2021, à titre principal, en se fondant sur un moyen de légalité interne et, à titre subsidiaire, sur un moyen de légalité externe ;

3°) de le décharger de l'obligation de payer cette somme ;

4°) de mettre à la charge de Voies navigables de France une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- à titre liminaire, les procédures exigées par Voies navigables de France pour la conclusion de conventions d'occupation temporaire du domaine public fluvial sont inadaptées alors que le stationnement d'un bateau sur le canal du Midi est le corollaire de la navigation ;

- le titre exécutoire du 30 novembre 2020 est insuffisamment motivé en ce qu'il n'indique pas les bases de sa liquidation ;

- il est privé de base légale en raison des illégalités entachant le procès-verbal de constatation dressé le 5 octobre 2020 tirées de ce que, premièrement, ce procès-verbal est insuffisamment motivé, deuxièmement, il méconnaît le principe de libre circulation sur le domaine public fluvial, troisièmement, il méconnaît la liberté du commerce et de l'industrie, quatrièmement, il méconnaît le principe non bis in idem et, enfin, il est entaché d'inexactitude matérielle des faits en ce qui concerne la caractérisation d'une contravention de grande voirie et l'occupation du domaine public fluvial de manière continue et irrégulière alors qu'il a fait un usage du canal du Midi conforme à sa destination, y compris lorsqu'il y stationne sur ses berges, le stationnement étant le corollaire de l'autorisation d'y naviguer pour l'exercice de son activité de transport de marchandises ;

- l'indemnité d'occupation mise à sa charge est entachée d'une erreur de calcul ; il ne tire aucun avantage à occuper le domaine public, le transport de marchandises étant une activité commerciale ambulante ;

- la période de stationnement retenue est entachée d'inexactitude matérielle, il y a lieu de déduire de l'assiette de calcul du montant de la redevance les périodes d'arrêt de la navigation sur le canal du Midi du 13 au 25 décembre 2018 ainsi que les périodes de navigation du bateau du 25 janvier au 14 mars 2019, du 14 mars au 8 juillet 2019, du 1er au 21 août 2019 et du 21 au 27 août 2019 ;

- aucun panneau réglementaire n'interdit le stationnement des bateaux au point kilométrique PK 231 et il n'a pas dépassé la durée de trente jours de stationnement correspondant à la règle tacite selon laquelle les bateaux stationnant au cours d'une durée maximale de trente jours ne sont pas réputés occuper le domaine public ; en tout état de cause, à supposer la durée de stationnement de trente jours dépassée, un tarif particulier aurait dû lui être appliqué en sa qualité d'artisan batelier placé en cessation temporaire d'activité ;

- la lettre de relance du 12 janvier 2021 doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité entachant le titre exécutoire en litige.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 mars 2023 et le 26 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une décision du 13 juillet 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Par une ordonnance du 10 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 août 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Gallon, représentant M. A..., et celles de Me Darmon, représentant Voies navigables de France.

Une note en délibéré a été présentée pour M. A... le 16 septembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui se déclare artisan batelier, est propriétaire d'un bateau de type chaland, d'une longueur de 34 mètres, dont la devise est le " Canalien ". À la suite d'un procès-verbal du 28 août 2019 constatant le stationnement de son bateau au point kilométrique PK 231 du 21 août au 1er septembre 2019, M. A... a été déféré par l'établissement public Voies navigables de France devant le tribunal administratif de Montpellier comme prévenu d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Par un jugement du 21 janvier 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a condamné M. A... à payer une amende de 200 euros et à verser une somme de 210 euros à Voies navigables de France au titre des frais d'établissement du procès-verbal d'infraction et de notification du jugement. Le 29 août 2019, M. A... a également fait l'objet d'un procès-verbal de constatation d'occupation sans titre du domaine public fluvial, pour la période allant du 13 décembre 2018 au 27 août 2019, à la suite duquel Voies navigables de France a émis un avis des sommes à payer du 27 novembre 2019 d'un montant de 3 151,62 euros. Son recours gracieux formé par une lettre du 31 mars 2020 a été implicitement rejeté. À la suite d'un nouveau procès-verbal de constatation dressé le 5 octobre 2020, et faisant suite au retrait du précédent, Voies navigables de France a mis en recouvrement la somme de 3 158,78 euros par un avis des sommes à payer du 30 novembre 2020 suivi d'une lettre de relance du 12 janvier 2021. M. A... relève appel du jugement du 10 février 2022 en tant que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation du procès-verbal du 5 octobre 2020 constatant l'occupation sans titre du domaine public fluvial, de l'avis des sommes à payer du 30 novembre 2020, de la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 27 novembre 2020 formé contre le procès-verbal précité et de la lettre de relance du 12 janvier 2021, et, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 158,78 euros portée sur le titre exécutoire.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

Sur le bien-fondé de la créance en litige :

3. En premier lieu, en application de l'article L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques, le canal du Midi appartient au domaine public fluvial, dont la gestion est assurée par l'établissement public Voies navigables de France en application de l'article L. 4311-1 du code des transports

4. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". En vertu de l'article L. 2125-8 de ce code : " Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau (...) flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements ".

5. Conformément aux principes applicables au domaine public, qui résultent des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de son article L. 2122-8, toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance. Sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire de ce domaine est fondé à réclamer à un occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période majorée de 100 %.

6. Par sa décision n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en prévoyant une majoration de 100 % de l'indemnité d'occupation égale à la redevance qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques instituait une sanction ayant le caractère d'une punition, réprimant le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial.

7. Le Conseil constitutionnel a également estimé que la majoration de la redevance prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques s'applique " sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie ". En particulier, outre le paiement de la majoration de 100 % de la redevance due pour un stationnement régulier, l'occupant sans droit ni titre du domaine public fluvial s'expose aux sanctions prévues par l'article L. 2132-9 du même code. Le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789. Toutefois, lorsque deux sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. Il appartient donc aux autorités administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence.

8. Il est constant que M. A... a été déféré par Voies navigables de France devant le tribunal administratif de Montpellier en tant que prévenu d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques et condamné, par un jugement n° 1904919 du 21 janvier 2021, au paiement d'une amende de 200 euros. Toutefois, dès lors que les dispositions précitées de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques offrent la faculté à l'autorité gestionnaire du domaine public fluvial de réclamer à l'occupant sans titre de ce domaine une indemnité d'occupation compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période, sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie, et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le montant de la créance en litige excéderait le montant le plus élevé des sanctions encourues par M. A..., le moyen tiré de la méconnaissance du principe " non bis in idem " doit être écarté.

9. En deuxième lieu, l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine, ou à l'utiliser en vue d'y exercer notamment une activité économique, à la condition que cette occupation, ou cette utilisation, soit compatible avec son affectation et sa conservation.

10. L'indemnité d'occupation en litige est liée au stationnement sans autorisation du bateau appartenant à M. A... sur le domaine public fluvial en application des dispositions précitées de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques. Le titre exécutoire contesté n'a pas, par lui-même, pour objet ou pour effet d'imposer une immobilisation de ce bateau et d'interdire à M. A... de poursuivre son activité alléguée de transport fluvial de fret. Par suite, M. A..., qui dispose toujours de la possibilité de naviguer sur le domaine public fluvial pour y exercer son activité, n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance de la liberté de circulation sur ce domaine ni à soutenir qu'il aurait été porté atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie, libertés dont l'exercice n'est pas absolu et ne saurait excéder les limites du droit d'usage qu'il appartient au gestionnaire du domaine public de fixer dans le cadre de son pouvoir de police.

11. En troisième lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit, le titre exécutoire en litige poursuit le recouvrement d'une indemnité d'occupation irrégulière du domaine public fluvial et non la répression d'une contravention de grande voirie. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure suivie pour la répression d'une contravention de grande voirie à l'appui de sa contestation du titre exécutoire en litige.

12. D'autre part, s'agissant de la matérialité de l'occupation continue et irrégulière du domaine public fluvial par le bateau " Le Canalien ", il résulte du procès-verbal de constatation dressé le 5 octobre 2020 par un agent assermenté, et qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que M. A... a occupé sans droit ni titre le domaine public fluvial sur un emplacement non autorisé au niveau du bief du Bagnas, situé sur le territoire de la commune d'Agde, en rive droite du canal du Midi, du 13 décembre 2018 au 27 août 2019, soit une période de 19 jours en 2018 et de 239 jours en 2019. Le procès-verbal précité décrit avec précision l'emplacement irrégulièrement occupé par le bateau de M. A..., à savoir " commune d'Agde, bief du Bagnas, rive droite du Canal du Midi " dont les coordonnées GPS sont également mentionnées. Si l'appelant soutient qu'il y a lieu de déduire de l'assiette de calcul de la redevance les périodes de " chômage " du canal du 13 au 25 décembre 2018, liées à des opérations de maintenance, cette circonstance ne le dispensait pas de s'assurer du stationnement régulier de son bateau au cours de la période annuelle d'arrêt de la navigation, laquelle est portée à la connaissance des usagers au moyen d'une publication au bulletin officiel des actes de Voies navigables de France afin de leur permettre de rejoindre les biefs où le stationnement est autorisé. Si M. A... soutient également qu'il y a lieu de déduire les périodes de navigation de son bateau du 25 janvier au 14 mars 2019, du 14 mars au 8 juillet 2019, du 1er au 21 août 2019 et du 21 au 27 août 2019 durant lesquelles il aurait, selon lui, circulé, il résulte toutefois de l'instruction qu'il n'a déclaré aucun voyage dans la base de données " Voyages en Ligne " dédiée aux déclarations de chargement des transporteurs fluviaux alors qu'il se présente comme artisan batelier réalisant une activité de transport fluvial de marchandises, et qu'une telle déclaration est obligatoire depuis le 1er janvier 2019 pour les chargements de transports fluviaux. Sur ce point, il résulte de l'instruction que la seule déclaration faite par l'intéressé, qui date du 21 septembre 2018, est antérieure aux périodes de stationnement illicite litigieuses. De même, les photographies, les attestations de témoins, les extraits du cahier de navigation au niveau de l'écluse du Bassin Rond, qui souffrent de surcharges au niveau de l'année de navigation, et la facture de carburant établie par une station fluviale située à Lyon le 9 septembre 2019, ne permettent pas de tenir pour établies les périodes de navigation dont se prévaut l'appelant. Par ailleurs, la circonstance que son bateau aurait été photographié au port d'Agde le 30 août 2019 à 11h30 est sans incidence, le constat de l'occupation en litige qui porte sur une période antérieure prenant fin le 27 août 2019. Enfin, concernant la période du 14 mars au 8 juillet 2019, en se bornant à soutenir que son bateau a dû être immobilisé pour des réparations liées à une panne de moteur en avril, au dérèglement d'une grue hydraulique et à une réparation du mât de charge en été, M. A... ne conteste pas de manière suffisamment probante l'irrégularité du stationnement de son bateau retenue par le procès-verbal en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que la période de stationnement retenue par le gestionnaire du domaine public fluvial serait entachée d'inexactitude matérielle ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, conformément à la règle rappelée au point 5, le titre exécutoire en litige résulte du stationnement sans droit ni titre du bateau de M. A... sur le canal du Midi et correspond à l'indemnité due au gestionnaire du domaine public fluvial destinée à compenser les revenus que ce dernier aurait pu percevoir d'un occupant régulier. Dès lors que M. A... aurait dû s'acquitter d'une redevance d'occupation du domaine public fluvial, il n'est pas fondé à soutenir que l'emplacement en litige ne comportait pas de panneau interdisant le stationnement des bateaux, pas plus qu'il ne peut se prévaloir de la circonstance selon laquelle il ne tire aucun avantage à occuper le domaine public du fait que son activité alléguée de transport de marchandises constitue une activité commerciale ambulante.

14. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal du 5 octobre 2020, que l'indemnité en litige a été calculée en référence à une occupation de type " stationnement d'embarcation ", en l'absence d'activité de transport de marchandises déclarée, à la valeur locative exprimée en euros par mètre carré et par mois fixée à 1,45 euro pour l'année 2018 et à 1,48 euro pour l'année 2019 pour ce type d'occupation, à l'index INSEE ainsi qu'à un coefficient global de 0,84 pour ces deux années, à une surface occupée de cinq mètres carrés, et enfin à la durée d'occupation. Ces bases de calcul ont conduit à retenir un montant de redevance annuelle de 2 192,40 euros pour 2018 et de 2 237,76 euros pour 2019, proratisé selon les durées réelles d'occupation, soit respectivement 19 et 239 jours pour les deux années considérées. Ils ont ensuite fait l'objet d'une majoration de 100 %, en application de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, compte tenu du caractère illicite de l'occupation. Si M. A... conteste les éléments ayant permis de calculer l'indemnité ainsi que le type d'embarcation retenu par l'autorité gestionnaire du domaine fluvial, il ne produit aucun élément probant quant à l'effectivité de son activité de transport de marchandise de nature à remettre en cause les bases de calcul ainsi retenues et à établir qu'un montant inférieur de redevance aurait dû être appliqué. Par suite, le moyen tiré de ce que titre exécutoire en litige serait entaché d'une erreur de calcul ne peut qu'être écarté.

15. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que Voie navigables de France aurait laissé s'instaurer une règle tacite selon laquelle les bateaux stationnant au cours d'une durée maximale de trente jours sont réputés ne pas occuper le domaine public. De même, si M. A... se prévaut de ce que son statut d'artisan batelier placé en cessation temporaire d'activité lui ouvrait droit à un tarif particulier, il ne produit aucun document de nature à établir cette situation, à supposer qu'un tel tarif aurait été institué pour les occupants irréguliers appartenant à cette catégorie. Par suite, ces circonstances invoquées par M. A... sont sans incidence sur le bien-fondé du titre exécutoire en litige.

En ce qui concerne la régularité formelle du titre exécutoire en litige :

16. Les titres exécutoires émis par les établissements publics doivent, en application de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable à l'établissement public Voies navigables de France sur renvoi de l'article R. 4313-1 du code des transports, indiquer les bases de leur liquidation. Cette indication peut apparaître dans le titre de recettes lui-même ou dans un document joint à ce dernier ou précédemment adressé au débiteur.

17. Le titre exécutoire en litige fait référence au constat d'occupation sans titre (COST) n° 81232000152 dressé le 5 octobre 2020, correspondant au bateau " le Canalien ", adressé à M. A... qui en a contesté la teneur dans le cadre d'un recours formé par une lettre du 27 novembre 2020. Ce constat d'occupation sans titre, après avoir cité les dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, mentionne la période d'occupation irrégulière du domaine public fluvial relevée par des agents dûment commissionnés et assermentés, la nature de l'occupation retenue, soit " le stationnement d'embarcation ", l'indice INSEE et la valeur locative de référence, ainsi que le coefficient global applicables au titre des années 2018 et 2019. Ce constat d'occupation indique également la surface occupée en mètres carrés et procède au calcul du montant des redevances annuelles dues au titre de 19 jours d'occupation en 2018 et 239 jours d'occupation en 2019 sur la base des montants respectifs de redevances annuelles fixées sur chacune de ces années, en appliquant la majoration de 100 % prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques. Ainsi, M. A... a été mis en mesure de connaître et de discuter utilement les bases de liquidation de la créance mise en recouvrement par Voies navigables de France, et le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre exécutoire doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête en ce qu'elle tend à l'annulation du procès-verbal de constat d'occupation sans titre et de la décision rejetant implicitement le recours formé contre ce procès-verbal, lesquels ne constituent pas au demeurant une décision administrative susceptible de recours, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à Voies navigables de France au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'établissement public Voies navigables de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public Voies navigables de France.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre délégué chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21986
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Protection contre les occupations irrégulières.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22tl21986 ?
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