Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 du préfet de l'Hérault portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2105663 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 et 24 février 2023, M. D..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des article 37 alinéa 2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative en ce qui concerne sa réponse apportée à la question de la disponibilité pour son fils d'un traitement adapté dans son pays d'origine et s'agissant de la pathologie dont souffre ce dernier ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure, en raison du fait que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne porte pas sur la situation factuelle de son enfant malade et qu'il est entaché d'une erreur d'appréciation sur la situation médicale de ce dernier ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7) de l'accord franco algérien ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- aucun élément médical ne vient remettre en cause la teneur de l'avis collégial rendu par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 17 juin 2021, la substance active du médicament Diamox étant disponible en Algérie ;
- les éléments développés dans son mémoire en défense de première instance doivent être pris en compte.
Par une ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023.
Par lettre du 13 septembre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne permettent pas la délivrance d'un titre de séjour aux parents d'enfant malade mais que, en revanche, le pouvoir général de régularisation du préfet, qui lui permet notamment de délivrer une autorisation provisoire de séjour, peut être substitué à cette base légale erronée.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 113-22, R. 113-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Teulière, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 1er août 1977 à El Affroun (Algérie), est entré en France le 8 décembre 2019, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 29 septembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour au regard de l'état de santé d'un de ses fils, A... C..., né en 2011. Le 29 juillet 2021, le préfet de l'Hérault a pris à son encontre un arrêté portant refus de séjour, obligation quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 28 janvier 2022, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par M. D..., a suffisamment répondu aux moyens soulevés devant lui, tirés du vice de procédure, de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation du requérant au regard de l'état de santé de son fils et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
4. La situation des ressortissants algériens est entièrement régie par l'accord franco-algérien, qui ne comporte aucune stipulation permettant au parent d'un enfant dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale en France de se voir accorder une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant d'un enfant malade. Le préfet de l'Hérault ne pouvait, dès lors, fonder l'arrêté en litige sur les dispositions précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
5. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'une autre base légale que celle retenue à tort par l'autorité administrative, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application de la base légale sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
6. Les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas à un préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle d'un ressortissant algérien et en particulier de l'état de santé de son enfant, l'opportunité d'une mesure de régularisation de sa situation sous la forme de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et renouvelable. La base légale tirée du pouvoir général de régularisation qui appartient au préfet doit, ainsi, sans que soit méconnue aucune garantie, être substituée à la base légale erronée tirée du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
7. Si dans le cadre de ce pouvoir discrétionnaire, il est simplement loisible au préfet de consulter pour avis le collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le respect de la procédure relative à l'édiction de cet avis s'impose alors à lui lorsqu'il a décidé de procéder à cette consultation. Doivent ainsi être notamment respectées dans une telle hypothèse les dispositions des articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles la décision préfectorale doit être précédée d'un avis rendu collégialement par trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base d'un rapport médical rédigé par un autre médecin.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 17 juin 2021, que l'état de santé de A... C... D..., fils du requérant, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort du rapport médical confidentiel destiné au collège de médecins, rédigé le 2 juin 2021 par le médecin rapporteur et versé aux débats par le requérant, que le jeune A... C... D... est atteint d'une " dystrophie rétinienne héréditaire " et que ce diagnostic a été établi à partir des éléments du dossier médical transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, faisant état d'une " maladie de Goldmann-Favre (hétérozygote), œdème maculaire documenté depuis 2019 ". La seule circonstance que ce rapport mentionne, au titre des éléments cliniques ressortant du dossier médical transmis, la maladie de Goldmann-Favre, soit une maladie touchant la cavité vitrée et la rétine, n'est pas de nature à établir que le collège de médecins aurait statué sur la base d'éléments médicaux autres que ceux adressés par les soins du médecin traitant de l'enfant, ni que le diagnostic d'une " dystrophie rétinienne héréditaire " posé par le médecin rapporteur ne correspondrait pas à la pathologie de A... C... D.... Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure en ce que l'avis du collège de médecins se serait mépris sur l'exacte pathologie et l'exacte situation factuelle de l'enfant du requérant, doit être écarté. Par ailleurs, les indications que comporte cet avis sont conformes aux exigences de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. S'il est exact qu'il ne mentionne pas la durée prévisible du traitement, cette seule omission n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision attaquée et n'a privé le requérant d'aucune garantie alors que l'avis la possibilité pour l'enfant de bénéficier d'un tel traitement dans son pays d'origine. Par suite et pour les motifs précédemment exposés, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation qui entacheraient l'avis collégial des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne peuvent également qu'être écartés.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 31 décembre 1968 applicables aux étrangers malades n'étendent pas le bénéfice du certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, aux parents d'un enfant malade. Par suite, M. D..., qui ne se prévaut pas de son propre état de santé, ne saurait utilement soulever à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour le moyen, qui est dès lors inopérant, tiré de la méconnaissance des stipulations en cause de l'accord franco-algérien.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré d'une erreur de fait commise quant à la pathologie du fils du requérant doit être écarté.
11. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
12. Il ressort des pièces du dossier que A... C... D... souffre d'une importante déficience visuelle et que sa maladie oculaire, une pathologie génétique ophtalmique évolutive invalidante, rend nécessaire une surveillance régulière. Ni les éléments médicaux versés au dossier par le requérant, ni le courrier d'évaluation rédigé le 18 octobre 2021 par une assistante de service social de la fédération des aveugles et amblyopes de France Languedoc-Roussillon, ne sont de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation du collège de médecins en ce qu'il a considéré que l'enfant pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Il ne ressort pas davantage de ces mêmes pièces que son suivi médical régulier ne pourrait être réalisé qu'en France, au centre de référence des maladies sensorielles génétiques situé à Montpellier. Si le requérant soutient que son traitement médicamenteux par Diamox ne serait pas disponible en Algérie, il n'établit pas cette allégation alors que le préfet de l'Hérault affirme en défense que l'acétazolamide, substance active de ce médicament, y est disponible, en produisant notamment la notice du médicament Lynox composé de cette substance et commercialisé en Algérie. Enfin, les circonstances que son enfant soit pris en charge et accompagné par le service d'aide à l'acquisition de l'autonomie et à l'intégration scolaire la fédération des aveugles et amblyopes de France Languedoc-Roussillon et qu'il bénéficie d'une scolarité adaptée ne suffisent pas à établir qu'en refusant à M. D... un titre de séjour en raison de l'état de santé de son enfant, le préfet de l'Hérault aurait porté une appréciation manifestement erronée sur la situation du requérant et les conséquences de sa décision. Pour ces motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
13. Aux termes de l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
14. Il n'est pas établi, par les éléments produits, que le fils du requérant ne pourrait bénéficier d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état en Algérie, ni qu'il y serait privé d'une scolarisation et d'un accompagnement adaptés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
16. Il résulte de ce qui a été précisé précédemment que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
17. Pour les motifs mentionnés aux points 12 à 14, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation du requérant et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
18. Pour les motifs mentionnés aux points 12 à 14, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation du requérant et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 juillet 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00426