Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°2202128 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2023, M. A..., représenté par Me Allene Ondo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, laquelle devait être obligatoirement saisie dès lors qu'il remplissait les conditions définies à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de son droit au séjour au titre de la vie privée et familiale en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale ;
- il doit bénéficier de droit des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui fait obstacle à son éloignement ;
- la mesure d'éloignement est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que c'est à bon droit qu'il a refusé le renouvellement du titre de séjour du requérant en qualité de parent d'enfant français et pour le surplus s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 octobre 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Teulière, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 17 mars 1986 à Dakar (Sénégal), est entré régulièrement en France le 2 décembre 2011 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2014. Sa demande de renouvellement de son titre de séjour a toutefois été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 27 juin 2016, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016. Le 13 août 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour en France en qualité de parent d'une enfant française, Inaïa, née le 24 janvier 2020 de sa relation avec une autre ressortissante française, et a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire d'un an, valable du 15 janvier 2021 au 14 janvier 2022. Le 16 décembre 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité en tant que pays de renvoi. Par un jugement du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Le bureau d'aide juridictionnelle ayant statué sur sa demande, les conclusions de M. A... tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
4. Il est constant que M. A... est le père d'une enfant de nationalité française née le 24 janvier 2020 à Saint-Jean (Haute-Garonne) de son union avec une ressortissante française dont il est séparé. Si une ordonnance de protection du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Castres en date du 25 octobre 2021, d'une durée de validité de six mois, a confié l'exercice exclusif de l'autorité parentale à la mère de l'enfant, et a fait interdiction au requérant de rentrer en contact avec celle-ci, compte tenu du caractère vraisemblable des faits de violence allégués par la victime, le requérant justifie en appel avoir respecté le programme de visites médiatisées de son enfant qui lui a été fixé, en exécution de cette même ordonnance de protection. Il n'est, par ailleurs, plus contesté que M. A... s'est effectivement acquitté du montant de la contribution à l'entretien de sa fille de 150 euros par mois fixé par cette même ordonnance. Dans ces conditions et alors, au demeurant, que le requérant a été relaxé des poursuites pénales initiées par la mère de l'enfant, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur d'appréciation en estimant, pour refuser de lui renouveler son titre de séjour que l'intéressé ne démontrait pas participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans le respect de ses obligations définies par l'ordonnance du 25 octobre 2021, et qu'il n'établissait ni s'acquitter de la contribution mensuelle d'entretien, ni exercer son droit de visite médiatisé.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 mars 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, susvisée : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, en application desdites dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2202128 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse, ensemble l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Allene Ondo, avocate de M. A..., une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Allene Ondo, au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00910