Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel la préfète du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, d'enjoindre à la préfète du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en le munissant dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2104793 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, M. C... A..., représenté par Me Dujardin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 30 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel la préfète du Tarn a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète du Tarn, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la préfète du Tarn, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'État.
Il soutient que :
Sur le jugement attaqué :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été statué sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal a commis un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où la préfète n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments de sa situation ;
- la préfète du Tarn s'est estimée liée par les termes de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- compte tenu de l'illégalité du refus d'admission au séjour, elle est dépourvue de fondement juridique ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- compte tenu de l'illégalité du refus d'admission au séjour, elle est dépourvue de fondement juridique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 avril 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2024.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 28 mai 2024 et n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, est entré en France le 3 mai 2016, à l'âge de quinze ans. Le tribunal pour enfants B... a, par un jugement en assistance éducative du 20 juin 2016, ordonné son placement auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département Tarn avant ses seize ans. Le 19 juin 2017, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 25 septembre 2018, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse, les 11 mars et 27 mai 2019, puis, par la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 4 février 2020, le préfet du Tarn a rejeté sa demande et prononcé une mesure d'éloignement à son encontre. Le 18 mai 2021, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 24 juin 2021, la préfète du Tarn a rejeté sa demande et a assorti le refus d'admission au séjour ainsi opposé d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Par un jugement rendu le 30 mai 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ressort des propres termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens qu'il a soulevés, notamment celui tiré de l'erreur de droit alléguée.
3. En deuxième lieu, si M. A... soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté, en n'examinant pas sa situation, a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois du point 5 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ce moyen, qui relève de l'erreur de droit et non de l'erreur manifeste d'appréciation et ont, en tout état de cause, également répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au point 6 du jugement. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'est, au demeurant, nullement tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen, n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer.
4. En dernier lieu, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un défaut d'examen qu'aurait commis le tribunal, pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité du refus d'admission au séjour :
5. En premier lieu, M. A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation qui entacheraient, selon lui, le refus d'admission au séjour. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Toulouse aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à l'espèce : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
7. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. M. A... invoque la durée de son séjour sur le territoire, l'obtention de son diplôme et ses qualifications. Pour autant, s'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis cinq années, à la date du refus d'admission exceptionnelle au séjour, ni le certificat d'aptitude professionnelle d'agent polyvalent de restauration, obtenu, au demeurant, le 29 juin 2021, soit postérieurement à l'arrête contesté, ni son expérience professionnelle acquise dans le cadre d'un contrat d'apprentissage à partir du mois de septembre 2018, après une période de désinvestissement scolaire, puis dans le cadre de stages effectués au titre de la validation de son diplôme, n'étaient de nature à caractériser l'existence d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 6. Par suite, la préfète du Tarn a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, nonobstant les qualités de M. A..., qui est décrit comme un élève sérieux et assidu par ses professeurs et encadrants, estimer, au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, ainsi que de l'ancienneté de son séjour et de sa vie privée et familiale, que ce dernier ne satisfaisait pas aux conditions fixées à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
10. Si l'appelant invoque la durée de son séjour sur le territoire français, il est célibataire et sans enfant, ne se prévaut d'aucune attache personnelle en France et n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales au Banglasdesh, où résident ses parents et sa fratrie. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 1, il a fait l'objet, les 25 septembre 2018 et 28 octobre 2020, de mesures d'éloignement. Enfin, ni les stages effectués et rappelés au point 8, ni la circonstance que M. A... bénéficie d'une promesse d'embauche pour un emploi d'agent de restauration ne suffisent à établir une insertion professionnelle. Dans ces conditions, le refus d'admission au séjour en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point précédent.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, le refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas entaché des illégalités alléguées, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...). " La décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé en ce qu'il comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, ainsi que l'a jugé le tribunal au point 2 du jugement attaqué, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Le refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas entaché des illégalités alléguées, M. A... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021. Ses conclusions tendant l'annulation de ce jugement et de cet arrêté, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Dujardin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL01613 2