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05/11/2024 | FRANCE | N°23TL02224

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 23TL02224


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association diocésaine de Carcassonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021 du maire de la commune de Carcassonne en tant qu'il l'a mise en demeure de prendre, sur l'immeuble situé au 62, rue Georges Clémenceau, sur la parcelle cadastrée ..., des mesures provisoires de sécurisation, de réaliser des travaux afin de remédier aux dangers imminents et qu'il met à sa charge exclusive les mesures prescrites.



Par un jugement n° 2103368 du 3 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association diocésaine de Carcassonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021 du maire de la commune de Carcassonne en tant qu'il l'a mise en demeure de prendre, sur l'immeuble situé au 62, rue Georges Clémenceau, sur la parcelle cadastrée ..., des mesures provisoires de sécurisation, de réaliser des travaux afin de remédier aux dangers imminents et qu'il met à sa charge exclusive les mesures prescrites.

Par un jugement n° 2103368 du 3 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l'association diocésaine de Carcassonne.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023, un mémoire en réplique du 13 septembre 2024, et un mémoire non communiqué du 14 octobre 2024 présenté par Me Feres, l'association diocésaine de Carcassonne, représentée par Me Montepini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle au juge judiciaire, quant à la question de l'existence d'une copropriété entre l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section BN n° 80 appartenant à M. B... C... A... et l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée ... appartenant à l'association diocésaine de Carcassonne ;

3°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel le maire de la commune de Carcassonne l'a, en urgence et sur le fondement de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, mise en demeure de prendre, sur l'immeuble sis au 62, rue Georges Clémenceau sur la parcelle cadastrée ..., des mesures provisoires de sécurisation et de réaliser des travaux afin de remédier aux dangers imminents, en tant que cet arrêté met à sa charge exclusive les mesures prescrites.

L'association diocésaine de Carcassonne soutient que :

- la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier n'a pas tiré les conséquences juridiques des constatations qu'elle a opérées, en estimant qu'il n'était pas justifié de surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle au juge judiciaire, quant à la question de la copropriété entre l'église et le bâtiment mitoyen ; il n'appartient pas au juge administratif d'établir s'il existe ou non une copropriété ou une indivision, le juge administratif devant se borner à poser une question préjudicielle au juge judiciaire lorsqu'il existe une difficulté sérieuse sur l'existence d'une copropriété, ce qui est le cas en l'espèce ;

-l'arrêté du 4 mai 2021 est illégal au regard des articles L. 511-10 et L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que si M. C... A... est propriétaire de l'immeuble se trouvant sur la parcelle cadastrée BN 80, cette propriété, se trouve également partiellement imbriquée dans le volume de l'église des Carmes cadastrée ... ;

-en effet, le commerce de M. C... A... se trouve au rez-de-chaussée de l'église, et son local d'habitation se trouve au niveau de la tribune de l'église compte tenu de la configuration des lieux telle qu'elle existerait depuis 1852 ; cette situation doit faire considérer M. C... A... comme se trouvant copropriétaire de fait avec l'association diocésaine, alors même qu'aucun acte descriptif de division ni de règlement de copropriété n'ont jamais été établis ; les façades, le mur mitoyen avec le numéro 66 de la rue Clémenceau, le plancher et le toit, qui recouvre le toit de la propriété de M. C... A... doivent être regardés comme faisant partie de cette copropriété de fait, ce qui a au demeurant été reconnu par l'expert ; les photographies produites au dossier démontrent cet état de fait, une des photographies montrant que trois murs de l'une des pièces privatives de M. C... A... sont constitués des murs de l'église ;

- selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, dans l'hypothèse d'un immeuble placé sous le régime de la copropriété ou en indivision, tous les propriétaires concernés doivent faire l'objet des mesures prévues par les articles L. 511-10 et L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation ; l'arrêté en litige est dès lors illégal dans la mesure où il met à la charge exclusive de l'association la réalisation et le financement des travaux de sécurisation ;

- une procédure est en cours devant le tribunal judicaire de Carcassonne aux fins de faire constater l'existence d'une copropriété ou au moins d'une indivision entre l'association diocésaine de Carcassonne et M. C... A....

Par deux mémoires en défense enregistrés le 8 décembre 2023 et le 19 septembre 2024,ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Carcassonne, représentée par le cabinet Richer et associés agissant par Me Meyer, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association diocésaine de Carcassonne une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Carcassonne soutient à titre principal que la requête de l'association diocésaine de Carcassonne est irrecevable dès lors que la qualité à agir au nom de cette association n'est pas établie, dans la mesure où, alors que ses statuts mentionnent que la décision d'action en justice appartient à l'évêque, il est indiqué que la requête est présentée au nom des " représentants légaux " de l'association sans que ces derniers ne soient identifiés ni qu'il soit établi que ces représentants soient désignés conformément aux statuts. La commune soutient à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en observations du 8 janvier 2024, M. B... C... A..., représenté par Me Leguay, conclut à la confirmation du jugement du 3 juillet 2023 du tribunal administratif de Montpellier, et à ce que l'association diocésaine de Carcassonne soit déboutée de ses demandes.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Carcassonne (Aude) a estimé que l'église des Carmes, située au 62 rue Georges Clémenceau sur la parcelle cadastrée ..., appartenant à l'association diocésaine de Carcassonne, présentait de nombreux désordres susceptibles de présenter des risques pour la sécurité publique. C'est pourquoi elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation, de désigner un expert chargé de décrire les désordres en cause et de déterminer s'ils présentaient un danger imminent pour la sécurité des tiers. Sur la base des conclusions de l'expert, dont le rapport a été déposé le 3 mai 2021, le maire de Carcassonne a pris un arrêté du 4 mai 2021, portant mise en sécurité en procédure urgente de l'église, et mettant en demeure l'association diocésaine de Carcassonne de prendre, dès notification de cet arrêté, des mesures provisoires de sécurisation et de faire réaliser les travaux permettant de remédier aux dangers imminents constatés par l'expert. Cet arrêté précise que, faute pour le propriétaire d'exécuter les mesures prescrites, il y serait procédé d'office par la commune aux frais de ce dernier.

2. L'association diocésaine de Carcassonne relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement du 8° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2021 en tant qu'il met à sa charge exclusive les mesures prescrites.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation inclus dans la section 3 " procédure d'urgence " du titre premier " sécurité et salubrité des immeubles " : " En cas de danger imminent, manifeste ou constaté (...) par l'expert désigné en application de l'article L. 511-9, l'autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu'elle fixe. (...) ".

4. Lorsqu'un immeuble ou une partie de l'immeuble en copropriété présente un danger imminent, il appartient à l'autorité compétente d'ordonner à tous les copropriétaires concernés la réalisation de toutes les mesures indispensables pour faire cesser le danger, et de leur faire supporter le coût des travaux à due proportion de leur part de propriété.

5. Il est constant que l'église des Carmes, objet de l'arrêté en litige, est mitoyenne d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section BN n° 80 appartenant à M. C... A.... S'il résulte de l'instruction qu'une partie du bâtiment appartenant à M. A... est imbriqué dans l'église des Carmes, ce qui conduit l'association diocésaine de Carcassonne à soutenir que les deux bâtiments présentent de fait des parties communes constituées des façades, du mur mitoyen, d'un plancher et d'un plafond, il n'en demeure pas moins que l'association diocésaine de Carcassonne est, selon les relevés mentionnés dans le fichier immobilier produit par la commune, seule propriétaire de la parcelle cadastrée ... où se trouve l'immeuble affecté des désordres visés dans l'arrêté en litige, et qu'aucune situation juridique de copropriété ou d'indivision n'existe entre cette église et le bâtiment situé sur la parcelle voisine dont M. C... A... détient la propriété.

6. Dans ces conditions et faute de production par l'appelante de tout autre document qui établirait l'existence d'une situation juridique de copropriété ou d'indivision entre la propriété de l'association diocésaine de Carcassonne et celle M. C... A..., laquelle ne saurait se déduire de la seule circonstance que certaines parties du bâtiment appartenant à ce dernier soient imbriquées dans l'église, le présent litige ne soulève aucune difficulté sérieuse de nature à justifier qu'une question préjudicielle soit posée au juge judiciaire.

7. Il résulte de ce qui précède que l'association appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'identifiant comme unique propriétaire de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée ... et en mettant à sa charge exclusive les mesures prescrites en vue de sécuriser le bâtiment afin de remédier aux dangers imminents constatés par l'expert, la commune de Carcassonne aurait fait une inexacte application des dispositions du code de la construction et de l'habitation citées au point 3.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que l'association diocésaine de Carcassonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'association diocésaine de Carcassonne une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Carcassonne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association diocésaine de Carcassonne est rejetée.

Article 2 : L'association diocésaine de Carcassonne versera une somme de 1 500 euros à la commune de Carcassonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association diocésaine de Carcassonne, à la commune de Carcassonne et à M. B... C... A....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02224
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001-02 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CABINET RICHER & ASSOCIES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23tl02224 ?
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