La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2024 | FRANCE | N°22TL22625

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 07 novembre 2024, 22TL22625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le certificat d'urbanisme du 31 mai 2021 par lequel le maire de Bouleternère a déclaré non réalisable l'opération de création d'un lotissement de cinq parcelles sur un terrain situé au lieu-dit Las Colomines ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2106075 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.<

br>


Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le certificat d'urbanisme du 31 mai 2021 par lequel le maire de Bouleternère a déclaré non réalisable l'opération de création d'un lotissement de cinq parcelles sur un terrain situé au lieu-dit Las Colomines ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2106075 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 décembre 2022 et 22 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Pons-Serradeil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 31 mai 2021 par le maire de Bouleternère ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Bouleternère de confirmer la naissance d'un certificat d'urbanisme positif intervenu le 10 février 2021 et de lui délivrer un tel acte dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bouleternère une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le certificat d'urbanisme du 31 mai 2021 est entaché d'une erreur de fait ;

Sur la légalité du certificat d'urbanisme attaqué :

- l'arrêté du 31 mai 2021, qui vaut retrait du certificat d'urbanisme tacite du 10 février 2021, n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- le motif tiré du non-respect des prescriptions du plan de prévention du risque inondation de la commune de Bouleternère est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le règlement de la zone R2 n'est pas applicable dès lors qu'il ne concerne que les extrêmes limites du terrain d'assiette du projet de lotissement, lesquelles n'auront pas vocation à accueillir des constructions ;

- le certificat d'urbanisme repose sur une erreur de fait en ce qu'il indique que le lotissement serait situé immédiatement derrière les digues du Rec de Montjuich, ce qui n'est pas le cas ;

- les dispositions du règlement du plan de prévention du risque inondation relatives à la zone B3 ne trouvent pas à s'appliquer dès lors que la digue de Montjuich n'est pas à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, lequel est bordé par un simple ravin, que le plan de prévention du risque inondation vise uniquement les digues de la Têt et du Boulès et, qu'en tout état de cause, la parcelle n'est pas située dans la bande d'inconstructibilité de 100 mètres ;

-s'agissant du motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire ne démontre ni l'existence d'un risque avéré de rupture de la digue de Montjuich en l'état des données scientifiques disponibles, ni la forte probabilité de la survenance de ce risque et la gravité de ses conséquences, s'il venait à se réaliser ; en outre, seules les bordures du terrain seront en zone aléa très fort, le reste du terrain étant situé en zone d'aléa modéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, la commune de Bouleternère, représentée par la SCP HGetC Avocats, conclut au rejet de la requête à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- si par extraordinaire la cour devait considérer que le projet ne présentait pas un risque tel que le maire pouvait faire application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour indiquer que ledit projet n'était pas réalisable, elle opèrera une neutralisation de ce motif.

Par une ordonnance en date du 8 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président ;

- les conclusions de M. Frédéric Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Pons-Serradeil, représentant M. B...,

- et les observations de Me Renaudin, représentant la commune de Bouleternère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déposé le 10 décembre 2020 une demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la création d'un lotissement de cinq lots à bâtir sur la parcelle cadastrée section A n° 932 sise au lieu-dit Las Colomines sur le territoire de la commune de Bouleternère (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 31 mai 2021, le maire de Bouleternère lui a délivré un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable ce projet. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme et de la décision tacite rejetant le recours gracieux formé à son encontre.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte du point 6 du jugement attaqué que le tribunal, se prononçant notamment sur la situation du terrain de M. B... par rapport à la digue du Rec de Montjuich, a précisé que le maire a estimé à tort que le tènement foncier se situait immédiatement derrière ces digues. Il a ainsi répondu au moyen tiré de ce que le maire de Bouleternère aurait entaché son arrêté d'une erreur de fait s'agissant de la situation du terrain par rapport à cette digue. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité à défaut d'avoir statué sur ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ". L'article R. 410-10 du même code dispose que : " Dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, le délai d'instruction est de deux mois à compter de la réception en mairie de la demande. ". Aux termes de l'article R. 410-12 de ce code : " A défaut de notification d'un certificat d'urbanisme dans le délai fixé par les articles R. 410-9 et R. 410-10, le silence gardé par l'autorité compétente vaut délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite. Celui-ci a exclusivement les effets prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 410-1, y compris si la demande portait sur les éléments mentionnés au b de cet article. ".

4. En premier lieu, le requérant reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen soulevé devant le tribunal administratif tiré de l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle a été pris le certificat d'urbanisme en litige en l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal au point 3 du jugement.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de lotissement de cinq lots de M. B... se situe, pour sa partie nord, en zone R2 délimitée par le plan de prévention du risque inondation de la commune de Bouleternère approuvé par arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 7 février 2012. En vertu du règlement de ce plan définissant les caractéristiques de la zone R2 ainsi que les principes généraux, " la zone R2 correspond aux zones d'expansion des crues non urbanisables à dominante agricole naturelle et touristique ". Aux termes de l'article 1er du règlement de ce plan applicable à la zone R2 : " Sont interdits : (...) / Toute construction nouvelle à moins de 100 m du pied d'une digue (...) ". Il ressort également des pièces du dossier que l'autre partie du terrain de l'appelant est classée en zone B3, laquelle est, selon le règlement du même plan, " constituée de l'urbanisation existante située à l'intérieur des zones inondables (hors aléa fort) et des zones non urbanisées à l'intérieur desquelles l'urbanisation est possible au titre des risques ". Aux termes de l'article 1er du même règlement, applicable à la zone B3 : " Sont interdits : (...) / Toute construction nouvelle à moins de 5 mètres du haut des berges d'un cours d'eau à ciel ouvert. Ce recul est porté à 100 m pour la Têt, pour le Boules et pour les digues (...) ".

6. D'une part, le terrain d'assiette du projet de lotissement de M. B... est bordé sur son côté nord par un fossé situé dans le prolongement de la digue de Montjuich et dont il est séparé par une voie dénommée Las Colomines. S'il est vrai que le maire de Bouleternère a indiqué, dans les motifs du certificat d'urbanisme en litige, que le terrain d'assiette est situé " immédiatement derrière " cette digue, il ressort des pièces du dossier, en particulier des vues aériennes versées au débat, que la partie du terrain à l'angle du fossé et de la voie Las Colomines est à proximité immédiate de l'extrémité de la digue de Montjuich. Dans ces conditions, l'erreur de fait invoquée par l'appelant sur la localisation exacte de son terrain par rapport à cette digue n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative au regard des prescriptions du plan de prévention du risque inondation.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la totalité de la parcelle cadastrée section A n° 932 formant le terrain d'assiette du lotissement projeté se situe à moins de 100 mètres de l'extrémité de la digue de Montjuich, laquelle a fait l'objet d'un classement en zone C au titre de l'article R. 214-113 du code de l'environnement par un arrêté du 19 septembre 2013 du préfet des Pyrénées-Orientales et qui est représentée sur la carte des enjeux au 1/ 5 000ème du plan de prévention du risque inondation. Alors que l'appelant ne peut utilement soutenir qu'il n'y a pas de " digue du Montjuich au sens du PPR ", les dispositions précitées de l'article 1er du règlement du plan de prévention du risque inondation applicable en zone R2 interdisent toute construction à moins de 100 mètres du pied d'une digue et les dispositions du même règlement applicables à la zone B3 portent à 100 mètres la distance de recul des constructions pour les digues. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions de l'article 1er du règlement du plan de prévention du risque inondation applicables à la zone B3 ne peuvent être interprétées comme imposant une telle distance de recul à l'égard seulement des digues de la Têt et du Boulès. Par ailleurs, les distances qui doivent séparer les constructions nouvelles des digues, imposées par les articles 1er du règlement du plan de prévention du risque inondation pour les zones R2 et B3, ne peuvent être interprétées comme imposant une distance de retrait seulement de part et d'autre le long de l'axe de la digue concernée. Dans ces conditions, en déclarant non réalisable l'opération consistant à créer un lotissement de cinq lots sur un terrain situé à moins de 100 mètres de la digue de Montjuich, le maire de Bouleternère a fait une exacte application des dispositions précitées du règlement du plan de prévention du risque inondation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (...) ".

9. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour apprécier la réalité d'un tel risque, l'autorité administrative, qui doit prendre en compte l'évolution des connaissances concernant le territoire, peut s'appuyer sur tous les éléments d'information dont elle dispose à la date à laquelle elle statue, et notamment sur les documents portés à sa connaissance par les services de l'État.

10. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du porter à connaissance du préfet des Pyrénées-Orientales des aléas inondations transmis aux communes par courrier du 11 juillet 2019 et de l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer du 17 février 2021, que le terrain d'assiette du projet est majoritairement situé en zone d'aléa modéré d'inondation, dans laquelle la hauteur d'eau pour la crue de référence est strictement inférieure à 0,50 m et la vitesse d'écoulement strictement inférieure à 0,50 m/s, et, pour partie, en zone d'aléa très fort, dans laquelle la hauteur d'eau pour la crue de référence est supérieure ou égale à 0,50 m et la vitesse d'écoulement strictement inférieure à 0,50 m/s. En outre, ce secteur de la commune de Bouleternère est concerné par le plan de gestion des risques d'inondation du Bassin Rhône Méditerranée de 2016-2021, lequel fixe un objectif D 1-6 intitulé " Éviter d'aggraver la vulnérabilité en orientant le développement urbain en dehors des zones à risque ", dont font partie celles situées derrière les digues. Dans ces conditions, eu égard à la localisation de la parcelle à proximité de la digue de Montjuich et à la nature de l'opération envisagée consistant à créer un lotissement de cinq lots à bâtir, le projet de M. B... pour lequel a été sollicité un certificat d'urbanisme est de nature à porter atteinte à la sécurité publique tant pour les occupants des constructions à venir que pour les tiers. La circonstance que des opérations de construction auraient été autorisées à proximité du terrain de l'appelant demeure, par elle-même, sans incidence sur la légalité du certificat d'urbanisme en litige. Par suite, le maire a pu légalement se fonder sur les dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour déclarer non réalisable le projet de lotissement de M. B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bouleternère, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune intimée et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Bouleternère une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Bouleternère.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Jazeron, premier conseiller,

- Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

L'assesseur le plus ancien,

F. Jazeron La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22625
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22tl22625 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award