La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/12/2024 | FRANCE | N°23TL01139

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 26 décembre 2024, 23TL01139


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2204012 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

:



Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2204012 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant interdiction de retour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par ordonnance du 8 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien marié à une ressortissante ukrainienne, s'est vu délivrer, en application de l'article L. 581-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire, une autorisation provisoire de séjour valable du 6 avril au 5 octobre 2022. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a procédé au retrait de cette autorisation au motif d'une menace pour l'ordre public. L'intéressé fait appel du jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a expressément répondu, aux points 15 et 16 et de manière suffisante, au moyen, soulevé par M. B..., tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, notamment des éléments précis et non stéréotypés concernant la situation personnelle de M. B..., est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. B....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 13 juin 2022, à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis et à soixante jours-amendes d'un montant total de 60 euros pour des faits, commis les 11 et 12 avril 2022, de vol d'un vélo électrique, de refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et de rébellion. Par ailleurs, il ne conteste pas sérieusement qu'il a eu un comportement violent à l'égard des résidents et du personnel du centre de vacances où il bénéficiait d'un hébergement provisoire dans le cadre des conditions matérielles d'accueil et qu'il a tenu des propos insultants envers des bénévoles et des agents des services de l'État. Compte tenu du caractère récent et répété de l'ensemble de ces faits, de leur nature et de leur gravité, ainsi que des éléments relatifs aux attaches de M. B... en France, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public.

7. En quatrième lieu, M. B..., qui est né le 11 mai 1978, déclare être entré en France le 22 février 2022, en compagnie de son épouse et de leurs deux filles, nées le 1er septembre 2015 et le 27 février 2018. Il ne démontre pas que son épouse, bien que disposant d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 5 octobre 2022, ne serait pas légalement admissible en Géorgie. Il ne justifie pas davantage que ses enfants auraient été scolarisés en France avant l'intervention de l'arrêté contesté et qu'un éloignement entraînerait des conséquences graves sur leur bien-être ou leur éducation. M. B... n'établit donc pas que sa cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine. Dans ces conditions, y compris celles qui sont mentionnées au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la décision contestée ne fait pas obstacle à la reconstitution en Géorgie de la cellule familiale de M. B.... Dans ces conditions, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, M. B..., à qui aucun délai de départ volontaire n'a été accordé, n'invoque aucune circonstance humanitaire qui aurait permis de justifier que le préfet de l'Hérault n'édictât pas d'interdiction de retour à son encontre. Par ailleurs, l'ensemble des circonstances propres à la situation de M. B..., telle que décrite au point 7 s'agissant de ses liens avec la France, ainsi que les faits qui sont mentionnés au point 6, sont, alors même que l'intéressé n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, de nature à justifier légalement la durée d'un an de l'interdiction de retour sur le territoire français.

12. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées par M. B..., y compris la nationalité ukrainienne de son épouse et de ses deux enfants, n'est de nature à faire regarder la décision contestée du préfet de l'Hérault comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01139
Date de la décision : 26/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-26;23tl01139 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award