Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2307173 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 sous le n° 24TL01033, et deux mémoires, enregistrés les 21 juin 2024 et 14 novembre 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- la demande adressée au tribunal administratif de Toulouse était irrecevable en raison de sa tardiveté ; ainsi, l'arrêté litigieux, revêtu de la mention des voies et délais, a été notifié à l'intéressé le 7 septembre 2023, à la dernière adresse communiquée à l'administration, alors que la demande d'aide juridictionnelle de ce dernier n'a été présentée que le 20 novembre suivant, donc après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- par ailleurs, les faits de l'agression physique violente pour lesquels une plainte a été déposée contre lui sont attestés par plusieurs témoignages concordants ; en conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'intéressé ne constituait pas une menace pour l'ordre public.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 5 juin et 27 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Allene Ondo, conclut au rejet de la requête et à ce que l'État lui verse la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas reçu notification de l'arrêté litigieux avant le 11 novembre 2023, en raison de son changement d'adresse et alors qu'il avait tenté par trois fois de le signaler aux services de la préfecture ;
- il ne conteste pas avoir eu une altercation avec l'agente de sécurité du lieu d'accueil des étudiants étrangers situé allée Jules Guesde à Toulouse, mais ne l'a jamais frappée ni ne l'a menacée de mort.
M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 30 août 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 sous le n° 24TL01034, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient qu'il fait état de moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 juin 2024 et 6 juillet 2024, M. A... conclut au rejet de la requête et à ce que l'État lui verse la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas reçu notification de l'arrêté litigieux avant le 11 novembre 2023, en raison de son changement d'adresse et alors qu'il avait tenté par trois fois de le signaler aux services de la préfecture ;
- il ne conteste pas avoir eu une altercation avec l'agente de sécurité du lieu d'accueil des étudiants étrangers situé allée Jules Guesde à Toulouse, mais ne l'a jamais frappée ni ne l'a menacée de mort.
M. A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 30 août 2024.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,
- et les observations de Me Allene Ondo pour M. A....
Une note en délibéré, présentée pour M. A... dans l'instance n°24TL01033, a été enregistrée le 16 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant libanais, est entré en France le 14 septembre 2022 et a bénéficié, jusqu'au 31 août 2023, d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Le 30 mai 2023, il a sollicité un changement de statut en qualité de chercheur. Par un arrêté du 5 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
2. Par la requête n° 24TL01033, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 4 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête n° 24TL01034, le préfet précité sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
3. Les requêtes n° 24TL01033 et n° 24TL01034 du préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur la requête n° 24TL01033 :
4. Aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant./ Les dispositions du présent chapitre sont applicables au jugement de la décision fixant le pays de renvoi contestée en application de l'article L. 721-5 et de la décision d'assignation à résidence contestée en application de l'article L. 732-8 ". Aux termes de l'article L. 614-4 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision ". Par ailleurs, aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, alors applicable : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le destinataire du pli recommandé avec avis de réception le retire au bureau de poste durant le délai de mise en instance de quinze jours, la date de notification de ce pli est celle de son retrait. En cas de retour du pli à l'administration au terme du délai de mise en instance, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.
6. Il ressort des pièces du dossier d'appel que le pli contenant l'arrêté litigieux a été présenté au dernier domicile de l'intéressé connu de l'administration, soit au 15 avenue Colonel B..., appartement 1102, à Toulouse, le 7 septembre 2023, qu'un avis de passage a été déposé à la même date et que ce pli a été retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par conséquent, et dans la mesure où l'intimé n'établit pas avoir communiqué à l'administration sa nouvelle adresse, soit au 17 avenue du Colonel B..., appartement n° 58, à Toulouse, cet arrêté doit être regardé comme ayant été notifié à M. A... le 7 septembre 2023. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que la demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intimé le 20 novembre 2023 l'a été postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux à l'encontre de l'arrêté en litige, intervenue le 9 octobre 2023. Il suit de là que la demande de M. A... enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 24 novembre 2023 était tardive.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 5 septembre 2023 par lequel ce préfet a rejeté la demande de changement de statut de M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur la requête n° 24TL01034 :
8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation partielle du jugement n° 2307173 du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 24TL01034 tendant au sursis à exécution de ce jugement, dans cette mesure, sont devenues sans objet.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 4 avril 2024 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24TL01034 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 avril 2024.
Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24TL01033, 24TL01034