Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Ski Maintenance a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2002, 2003, 2004, 2010, 2011, 2012 et 2013, des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2002 au 21 décembre 2005, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er juillet 2001 au 30 avril 2014 et du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2010 à 2013 et 2016 à 2018, ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 2003234 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, la société Ski Maintenance, représentée par Me Boubal, demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 mai 2023 et de prononcer la décharge des impositions contestées, à hauteur de 204 941,85 euros.
Elle soutient que :
- la réclamation préalable et la demande de première instance étaient recevables dès lors que ce ne sont pas les délais du livre des procédures fiscales qui doivent s'appliquer mais la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de procédures collectives ;
- les impositions mises à sa charge sont exagérées dès lors que tous ses bénéfices ont été imputés sur des reports à nouveau négatifs et que l'imposition dépasse ses capacités contributives.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 8 décembre 2023 et présenté à l'appui de la requête de la société Ski Maintenance, la société d'exercice libéral par actions simplifiées Égide, représentée par Me Boubal, demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n° 23TL01811 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend à son compte les moyens de la requête et soutient que l'existence des impositions n'est justifiée par aucun titre les établissant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions de la société Ski Maintenance sont irrecevables car tardives à l'exception de celles dirigées contre les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 3 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2024.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Toulouse à n'avoir pas prononcé de non-lieu à statuer sur les conclusions dont il était saisi à hauteur des remises accordées en cours d'instance.
Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ski Maintenance, qui exerce une activité d'entretien de matériel de ski en Ariège, a été assignée en liquidation judiciaire à la requête du comptable de la direction départementale des finances publiques de ce département, sur la base de dettes fiscales diverses détaillées dans deux bordereaux de situation fiscale mentionnant un total de 204 941,85 euros, en l'occurrence des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2002, 2003, 2004, 2010, 2011, 2012 et 2013, des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2002 au 21 décembre 2005, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er juillet 2001 au 30 avril 2014 et du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre des années 2010 à 2013 et 2016 à 2018, ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des années 2012 et 2013. La société Ski Maintenance relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'intervention :
2. L'arrêt à rendre sur la requête de la société Ski Maintenance est susceptible de préjudicier aux droits de la société Égide, mandataire judiciaire de l'appelante. Dès lors, son intervention doit être admise.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. D'une part, les conclusions à fin de décharge présentées en première instance et dans la requête d'appel de la SARL Ski Maintenance portent sur un total de 204 941,85 euros, soit l'ensemble des impositions initialement mentionnées dans les deux bordereaux de situation fiscale produits à l'appui de l'assignation en liquidation judiciaire. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'administration fiscale l'indique pour la première fois en appel, que celle-ci a procédé, le 22 juillet 2021, à la suite du jugement du 19 juillet 2021 prononçant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde et en application de l'article 1756 du code général des impôts, à la remise des pénalités d'assiette mises à la charge de la SARL Ski Maintenance, postérieurement à la saisine du tribunal administratif de Toulouse et antérieurement au jugement de l'affaire. Le tribunal administratif ayant omis de prononcer le non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande qui lui était soumise à hauteur de ces remises, son jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 mai 2023 doit être annulé dans cette mesure.
4. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par la SARL Ski Maintenance dans la limite de ces remises et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le surplus des conclusions présentées par l'appelante.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) du versement de l'impôt contesté lorsque l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) ". Aux termes de l'article R. 196-2 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 (...) ". L'article R. 196-3 de ce livre dispose : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".
6. Pour rejeter pour tardiveté l'ensemble des conclusions à fin de décharge présentées par la société Ski Maintenance, à l'exception de celles dirigées contre les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, les premiers juges ont relevé, à l'instar de l'administration, que la réclamation préalable avait été présentée le 13 mai 2019, postérieurement à l'expiration des délais de réclamation prévus par les dispositions précitées, et que ni l'assignation en liquidation judiciaire de l'administration fiscale, ni la constatation d'un chiffre d'affaires inférieur au seuil de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée déterminé par l'article 293 B du code général des impôts ne constituaient des événements de nature à rouvrir le délai de réclamation. En appel, la société se borne à évoquer deux décisions de la Cour de cassation qui, contrairement à ce qu'elle soutient et en tout état de cause, portent uniquement sur la capacité pour agir au nom de la société du représentant légal de celle-ci, qui n'a été remise en cause ni par le service, ni par le tribunal, et non sur les délais de réclamation, qui sont bien fixés par les dispositions précitées. Dès lors, elle ne conteste pas utilement les motifs d'irrecevabilité opposés par les premiers juges à l'ensemble de ses demandes de décharge, à l'exception des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre des années 2016 à 2018 et n'est pas fondée à solliciter l'annulation du jugement sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Ski Maintenance au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 l'ont été régulièrement par un avis de mise en recouvrement du 30 août 2019. Dès lors et en tout état de cause, la SELAS Égide n'est pas fondée à soutenir que l'imposition ne reposerait sur aucun titre l'établissant.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
9. Il résulte de l'instruction qu'à défaut de déclaration de chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 18 juillet 2019, a reconstitué ce chiffre d'affaires par référence à l'évaluation pratiquée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 résultant d'une proposition de rectification du 15 avril 2016 qui n'avait pas fait l'objet de contestation. En se bornant à soutenir que l'imposition mise à sa charge est disproportionnée par rapport à ses capacités contributives, sur la seule base de liasses fiscales reconstituées postérieurement à la vérification de comptabilité, censées démontrer l'existence de déficits récurrents, la société Ski Maintenance ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance l'exagération de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Ski Maintenance est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif de Toulouse a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur ses conclusions à hauteur de la remise des pénalités d'assiette prononcée le 22 juillet 2021, le surplus de ses conclusions à fin d'annulation du jugement et de décharge des impositions contestées devant être rejeté.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État le versement des sommes que demandent les sociétés Ski Maintenance et Égide, en tout état de cause, s'agissant de celle-ci.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Égide est admise.
Article 2 : Le jugement n° 2003234 du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la remise des pénalités d'assiette prononcée le 22 juillet 2021.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la société Ski Maintenance, à hauteur de ces remises.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Ski Maintenance est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Égide sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Ski Maintenance, à la société d'exercice libéral par actions simplifiées Égide et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL01811