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28/01/2025 | FRANCE | N°23TL01453

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 28 janvier 2025, 23TL01453


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retours sur le territoire français d'une durée de six mois.



Par un jugement n° 220

6129 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retours sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 2206129 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2023, M. B..., représenté par Me Baudard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte.

Il soutient que :

- l'ensemble des décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une irrégularité de procédure dès lors que l'autorité administrative n'a pas soumis sa demande pour avis à la commission du titre de séjour alors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'admission exceptionnelle au séjour ne pouvait lui être refusée au motif qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français sont dépourvues de base légale.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2024 à 12 heures.

Par une décision du 10 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par

M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1985, déclare être entré en France en février 2008. Il a sollicité, le 18 mai 2022, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 1er août 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 31 janvier 2023 dont M. B..., relève appel, rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2, 9 et 13 de son jugement.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Il résulte de ces stipulations de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord et ont vocation à s'appliquer. L'autorité administrative peut donc légalement refuser la délivrance du titre de séjour portant la mention

" salarié " à un ressortissant marocain qui n'est pas titulaire d'un visa de long séjour.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Portant sur la délivrance des catégories de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé qu'il n'était tenu de se prononcer ni sur la demande d'autorisation de travail de M. B... ni sur sa demande de titre en qualité de salariée au motif que l'intéressé était en situation irrégulière et dépourvu du visa de long séjour exigé par l'article L. 412-1 pour prétendre à un titre de séjour en qualité de salarié. Par ce seul motif, qui n'est pas entaché d'inexactitude matérielle, le préfet pouvait refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. De plus, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet n'a pas opposé le motif tiré du défaut de détention d'un visa de long séjour à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en opposant un tel motif à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ne peut qu'être écarté.

6. Après avoir refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. B... aux motifs que ce dernier était en situation irrégulière et dépourvu de visa de long séjour, le préfet, exerçant son pouvoir discrétionnaire de régularisation, a examiné si la situation de l'intéressé justifiait de l'admettre exceptionnellement au séjour au titre d'une activité salariée. Relevant que M. B... a présenté une promesse d'embauche, non datée, pour un emploi à durée indéterminée de carreleur, le préfet a pu estimer, alors même qu'il justifiait d'une " ancienneté de travail ", comme indiqué dans les motifs de la décision, que M. B... ne justifiait pas d'un motif exceptionnel d'admission au séjour. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été employé à durée indéterminée du mois de juin 2016 au mois de février 2017, il a effectivement travaillé, pendant cette période, comme maçon ainsi qu'en atteste les bulletins de salaire produits. Ainsi, M. B... n'établit pas que son expérience professionnelle serait directement en lien avec les caractéristiques de l'emploi de carreleur pour lequel il a présenté une promesse d'embauche. Par suite, en refusant d'admettre au séjour à titre exceptionnel M. B... en qualité de salarié, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".

8. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Toutefois, il ne produit aucune pièce justificative de cette résidence pour les années antérieures à 2014, à l'exception d'une ordonnance médicale datée de 2008. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision portant refus de séjour, en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour prévue par l'article L 435-1 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français, et celle prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, ne sont pas dépourvues de base légale

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er août 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01453
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BAUDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23tl01453 ?
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