Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté de même date l'ayant assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2302296 du 4 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nîmes a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2023 par laquelle la préfète du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... ainsi que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative y afférentes, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023, M. B..., représenté par
Me Bourgeon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 juin 2023 en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire national est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 2 mars 1982, déclare être entré en France en 2011. Par deux arrêtés du 21 juin 2023, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, lui a fait interdiction d'y retourner pour une durée de deux ans et prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 4 juillet 2023, dont M. B... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
4. La décision attaquée précise les éléments de droit sur lesquels elle se fonde en rappelant le contenu des dispositions de l'article L. 612-6 précité, et le fait qu'elle est prise au regard des circonstances particulières de l'espèce, ce qui renvoie aux éléments de fait retenus par la préfète pour refuser, par ailleurs, de faire droit à la demande d'un titre de séjour de l'appelant au titre de sa vie privée et familiale. La décision mentionne également que M. B... n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement et ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Dans ces conditions, la motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, prononcée à l'encontre de l'appelant, atteste de la prise en compte par la préfète du Gard de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la préfète du Gard ne se serait pas livrée à un examen réel et sérieux de la situation de M. B....
6. En troisième lieu, pour interdire à M. B... de revenir sur le territoire français et fixer à deux ans la durée de cette interdiction, la préfète du Gard s'est fondée sur les circonstances particulières de sa vie privée. A cet égard, si l'appelant a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de conjoint de ressortissant de l'Union européenne, comme le relève l'arrêté attaqué, l'intéressé était séparé de son épouse depuis 2019 et la préfète de l'Aude avait pris à son encontre, le 15 septembre 2021, un arrêté portant retrait de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. De plus, alors qu'il a indiqué à l'administration ne plus verser depuis septembre 2022 de pension alimentaire à ses enfants, il ressort des pièces du dossier, et notamment des bulletins de paie de février à mai 2023, comme le mentionne l'arrêté attaqué, que M. B... a travaillé sans pour autant verser la moindre somme destinée à l'entretien de ses enfants. Ainsi, M. B... n'établit pas avoir satisfait à son obligation mensuelle de contribuer à l'entretien et à l'éduction des enfants, à hauteur de 50 euros par enfant, mise à sa charge par l'ordonnance de non-conciliation du 14 novembre 2019 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Carcassonne. Enfin, M. B... qui, malgré sa présence en France depuis plusieurs années, ne maîtrise pas la langue française et a dû recourir au service d'un interprète dans le cadre de la présente procédure administrative et contentieuse, ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, prononcée à l'encontre de l'appelant, n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation.
7. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2023 en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de deux ans. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01908