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29/01/2025 | FRANCE | N°24TL01842

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 29 janvier 2025, 24TL01842


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune d'Antugnac (Aude) à lui verser la somme de 482 620 euros à titre de provision pour le financement des travaux de reprise des désordres affectant sa propriété ainsi qu'une provision de 100 000 euros à valoir sur le montant des dommages et intérêts destinés à réparer ses préj

udices liés à la période d'exécution des travaux.



Par une ordonnance n° 2403038...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune d'Antugnac (Aude) à lui verser la somme de 482 620 euros à titre de provision pour le financement des travaux de reprise des désordres affectant sa propriété ainsi qu'une provision de 100 000 euros à valoir sur le montant des dommages et intérêts destinés à réparer ses préjudices liés à la période d'exécution des travaux.

Par une ordonnance n° 2403038 du 8 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrée les 12 juillet, 23 juillet et 22 août 2024, M. C..., représenté par Me Biver, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 8 juillet 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner la commune d'Antugnac à lui payer une provision de 482 620 euros à valoir sur l'indemnisation des travaux de remise en état de ses immeubles ;

3°) de condamner la commune à lui payer une provision de 100 000 euros à valoir sur le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et qu'il va subir pendant la durée des travaux ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Antugnac une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance n'est pas irrecevable pour tardiveté dès lors que la saisine du juge des référés interrompt le délai de recours contentieux contre la décision de l'administration rejetant la demande préalable indemnitaire et que le délai recommence à courir à compter de la notification au requérant de l'ordonnance du juge des référés ; au cas d'espèce, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté sa demande de provision par ordonnance du 31 janvier 2024 et il a, dès le 9 février 2024, adressé à la commune une demande préalable, soit dans les deux mois suivant la notification de cette ordonnance ; cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; ainsi, la saisine du juge des référés du tribunal, le 29 mai 2024, a eu lieu avant l'expiration du délai de recours ;

- le rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a retenu que le réseau d'eaux pluviales, propriété de la commune d'Antugnac, était affecté de défauts d'étanchéité à l'origine de remontées d'eaux souterraines déstabilisant les fondations de sa propriété ; le lien de causalité entre l'ouvrage public et les désordres en litige est ainsi établi ;

- la commune d'Antugnac est seule responsable des désordres qu'il subit au titre des pouvoirs de police qu'il incombait au maire d'exercer en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; cette responsabilité est également engagée au titre de l'article L. 2226-1 du même code en vertu duquel la gestion des eaux pluviales urbaines constitue un service public administratif communal ;

- dans ces conditions, l'obligation dans laquelle se trouve la commune d'Antugnac de réparer les désordres affectant sa propriété n'est pas sérieusement contestable ;

- le montant des provisions demandées n'est pas non plus sérieusement contestable dès lors qu'il résulte du chiffrage de l'expert, lequel a défini avec précision la nature des travaux à réaliser ; à ce titre, il doit être indemnisé du coût des travaux de reprise en sous-œuvre de sa propriété, du coût de la démolition et de la réfection des ouvrages intérieurs des logements qu'il a mis en location, des travaux sur façades et intérieurs, du coût des études de sols, des frais liés à l'intervention d'un diagnostiqueur d'amiante, des frais de dépose, de stockage et de repose des cuisines et cheminées des deux logements ; à ces montants s'ajoutent le coût de la maîtrise d'œuvre et celui de la rénovation de la toiture des logements ; le montant total de ces travaux s'élève à 482 620 euros toutes taxes comprises ; par ailleurs, il subira un préjudice pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux, lequel doit être évalué à la somme de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, la commune d'Antugnac, représentée par Me d'Albenas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que M. C... a présenté une première demande préalable d'indemnisation le 7 juin 2023 qui a fait l'objet d'une décision expresse de rejet le 14 juin 2023, laquelle mentionnait les voies et délais de recours ; ainsi, la nouvelle demande préalable indemnitaire présentée le 9 février 2024, qui tendait à la réparation des mêmes préjudices et invoquait le même fait générateur, n'a pu rouvrir le délai de recours, lequel était expiré lorsque M. C... a, le 29 mai 2024, saisi le tribunal administratif de Montpellier ;

- la demande est sérieusement contestable dès lors que le rapport d'expertise est affecté de vices de méthodologie qui ne permettent pas de faire droit aux demandes de M. C..., faute de lien de causalité avéré entre le fait de l'ouvrage et le dommage invoqué ;

- en construisant son immeuble sur le réseau d'eaux pluviales communal, M. C... a commis une faute de nature à exonérer entièrement la responsabilité de la commune.

Par une ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Vu la décision du 2 septembre 2024 par laquelle le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire d'une maison d'habitation comportant deux logements, située 2 rue de la Garenne à Antugnac (Aude), qu'il a mise en location. Le 23 septembre 2019, il a fait intervenir sur les lieux un huissier qui a constaté la présence de fissures à l'extérieur et à l'intérieur de cet immeuble. Par une ordonnance du 6 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné, à la demande de M. C..., une expertise aux fins, notamment, de décrire les désordres affectant la propriété, de rechercher les causes de ces désordres, d'en indiquer la nature ainsi que le coût des travaux nécessaires à leur réparation et de définir les mesures d'urgence provisoires à mettre en œuvre afin d'éviter une aggravation des dommages. L'expert désigné a rendu son rapport le 25 janvier 2023 dont les conclusions ont conduit M. C... à saisir le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Antugnac à lui verser une provision de 482 620 euros à valoir sur le montant des travaux de remise en état de sa propriété et une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, actuels et futurs, entraînés par la réalisation de ces travaux.

2. M. C... relève appel de l'ordonnance du 8 juillet 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de provision :

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / (...) ". L'article R. 541-1 du même code dispose que : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".

4. D'une part, il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code, qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable. L'intervention de cette décision rend recevable le référé provision et lie ainsi le contentieux.

5. D'autre part, la saisine du juge des référés aux fins de versement d'une provision interrompt le délai de recours contentieux contre la décision de l'administration ayant rejeté la demande d'indemnisation. Le délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant de l'ordonnance du juge des référés.

6. Il résulte de l'instruction qu'après le dépôt du rapport d'expertise, M. C... a, le 7 juin 2023, adressé à la commune d'Antugnac une demande préalable sollicitant le versement d'une somme provisionnelle et précisant qu'en cas de rejet de sa demande, le juge des référés-provision serait saisi au titre de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Par une décision du 14 juin 2023, laquelle mentionnait les voies et délais de recours, la commune d'Antugnac a rejeté la demande de M. C.... Il est constant que, dans les deux mois suivant cette décision du 14 juin 2023, M. C... n'a pas saisi le juge des référés du tribunal d'une requête sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, il apparaît que le délai de recours contentieux expirait le 16 août 2023.

7. Il résulte, certes, de l'instruction qu'en juin 2023, la commune d'Antugnac, en désaccord avec les conclusions du rapport d'expertise déposé le 25 janvier 2023, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la désignation d'un expert chargé de se prononcer sur l'origine des désordres en litige. Au cours de cette instance, M. C... a, le 10 juillet 2023, présenté un mémoire en défense dans lequel il a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la commune d'Antugnac à lui verser une provision en réparation des désordres affectant sa propriété. Sur appel de la commune, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse a, par ordonnance du 30 janvier 2024, confirmé l'ordonnance de première instance rejetant la demande de désignation d'un nouvel expert et rejeté la demande de provision présentée par M. C... comme dépourvue de lien suffisant avec la demande d'expertise, objet du litige principal.

8. A supposer que les conclusions reconventionnelles tendant à l'octroi d'une provision, que M. C... a présentées devant le juge des référés-expertise du tribunal, puisse être assimilée à une saisine du juge des référés-provision, permettant d'interrompre, jusqu'à l'intervention de l'ordonnance du juge des référés, le délai de saisine du juge du fond, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur le déclenchement du délai de saisine du juge des référés, lequel a couru à compter du 14 juin 2023 pour expirer, ainsi qu'il a été dit au point 6, le 16 août suivant.

9. S'il est vrai que M. C... a, le 9 février 2024, adressé à la commune d'Antugnac une autre demande préalable, il résulte des termes mêmes de cette demande qu'elle tendait à l'octroi non d'une provision mais d'une indemnité réparant sur le fond les préjudices invoqués. Cette demande, si elle serait le cas échéant de nature à lier le contentieux en vue de permettre à M. C... de saisir le juge du fond, ce qu'il a du reste fait le 29 mai 2024, n'a pas rouvert le délai de recours pour la saisine du juge des référés qui expirait, comme il a déjà été dit, le 16 août 2023.

10. Dans ces conditions, la saisine du juge des référés-provision du tribunal administratif de Montpellier, intervenue seulement le 29 mai 2024, apparaît tardive. Dès lors M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE:

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Antugnac présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C... et à la commune d'Antugnac. Copie pour information en sera délivrée à M. A..., expert.

Fait à Toulouse, le 29 janvier 2025.

Le juge d'appel des référés,

Frédéric Faïck

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24TL01842 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL01842
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TERRITOIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-29;24tl01842 ?
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