Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement no 2204032 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024, M. A..., représenté par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 précité ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous la même condition d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;
- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par une décision du 15 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, déclare être entré en France en 2007. Il a sollicité, le 22 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 18 octobre 2022, la préfète du Gard a rejeté cette demande et l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. À l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que la décision portant refus de séjour était entaché d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pourtant pas inopérant et qu'il n'a d'ailleurs pas visé dans son jugement. Par suite, son jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de répondre à ce moyen dirigé à l'encontre de la décision portant refus de séjour.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre la décision portant refus de séjour et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions dirigées contre les autres décisions contenues dans l'arrêté du 18 octobre 2022 et présentées devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour a été signée par M. Frédéric Loiseau, secrétaire général de la préfecture, qui disposait, par un arrêté de la préfète du Gard du 11 juillet 2022, publié au recueil des actes administratifs n° 30-2022-060 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, d'une délégation à l'effet de signer notamment tous arrêtés relevant des attributions de l'État dans le département du Gard, en toutes matières, à l'exception des réquisitions prises en application du code de la défense, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, et des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 14 novembre 2020 avec Mme B..., ressortissante de nationalité française. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Nîmes, le 18 mai 2022, pour des faits de violences conjugales aggravées sur la personne de son épouse à un emprisonnement délictuel de huit mois assorti d'un sursis probatoire de deux ans et à l'interdiction de se rendre au domicile de son épouse et d'entrer en contact avec elle. En outre, dans le cadre d'une enquête de communauté de vie diligentée le 15 avril 2022, les services de police ont pu constater que les époux ne résidaient plus ensemble et qu'ils communiquaient seulement par personne interposée. À cet égard, les factures produites, si elles mentionnent une adresse commune aux deux époux, ne permettent pas d'établir à elles seules qu'ils auraient repris leur vie commune à la date de l'arrêté en litige, alors d'ailleurs qu'il ressort de l'enquête de communauté de vie que Mme B... a sollicité la mise en œuvre d'un bracelet antirapprochement. Enfin, M. A... ne justifie pas de la régularité de son séjour sur le territoire français et ne peut par conséquent, et en tout état de cause, se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... se prévaut de son entrée en France en 2007. Toutefois, les pièces produites ne permettent d'établir une présence habituelle de l'intéressé sur le territoire français qu'à compter de l'année 2021, et alors en outre qu'il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement émise par le préfet des Pyrénées-Atlantiques le 25 juillet 2016. Par ailleurs, en raison de la condamnation de l'appelant par le tribunal correctionnel de Nîmes le 18 mai 2022 pour des faits de violences conjugales aggravées sur la personne de son épouse, M. A... ne peut sérieusement se prévaloir de la stabilité de la relation amoureuse qu'il entretient avec une ressortissante française. Enfin, la production de quelques bulletins de salaire pour l'année 2022 ne permet pas, à elle seule, de justifier d'une insertion professionnelle durable de l'intéressé sur le territoire, alors qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Il résulte également de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt n'implique, eu égard à ses motifs, aucune mesure d'exécution particulière. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M. A... doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2204032 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision portant refus de séjour.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24TL01037 de M. A... ainsi que la demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour présentée en première instance sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 24TL01037 2