Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé un pays de destination.
Par un jugement n° 2300151 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 de la préfète de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, subsidiairement, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré du défaut d'examen de sa situation et de l'erreur de fait ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'erreur de fait dès lors qu'il est fait état de condamnations et de menace pour l'ordre public alors qu'il n'a jamais été condamné ;
- il est entaché d'un défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 19 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Teulière, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain, né le 22 avril 1987, est entré en France au cours de l'année 2008 selon ses déclarations. Il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en novembre 2010, en qualité de parent d'enfant français. Ce titre a fait l'objet de quatre renouvellements en 2011, 2012, 2014 et 2015. L'intéressé s'est ensuite vu délivrer quatre récépissés de demande de titre de séjour dont le dernier a expiré le 27 novembre 2017. Il a fait l'objet, le 2 octobre 2018, d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Cet arrêté n'a pas été contesté. Le 4 juillet 2022, M. A... a sollicité la régularisation de sa situation administrative sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 13 décembre 2022, la préfète de Vaucluse a rejeté cette demande de titre de séjour, et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2300151 du 22 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le tribunal a visé le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation du requérant, il ne peut être regardé comme y ayant répondu dans les motifs du jugement attaqué, en se bornant à indiquer au point 12 du jugement attaqué " sans qu'il soit besoin de statuer sur la réalité de la menace à l'ordre public que présenterait M. A... ", alors que le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit donc être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète de Vaucluse a refusé la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé, en qualité de parent d'enfant français au motif qu'il n'établissait pas participer à l'entretien de son enfant et à son éducation, au terme d'une analyse circonstanciée des éléments produits par M. A... et exposée dans le 7ème considérant de ce même arrêté. Si la préfète a, de manière surabondante, entendu également fonder sa décision de refus de séjour sur le fait que la présence en France de l'intéressé constituerait une menace pour l'ordre public en se fondant sur ses condamnations judiciaires alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. A... aurait fait l'objet de telles condamnations, cette erreur de fait ne saurait caractériser, en l'espèce, un défaut d'examen de la situation du requérant et elle est, par ailleurs, dépourvue d'incidence, dans la mesure où l'autorité préfectorale aurait pris la même décision de refus de séjour, si elle n'avait opposé au requérant ce motif surabondant tiré d'une réserve d'ordre public. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen complet de la situation du requérant doivent être écartés.
5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
6. Par les éléments versés au débat, M. A..., alors qu'il a fait l'objet, par arrêté du 2 octobre 2018, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai qu'il n'a pas contestée, n'établit pas sa résidence habituelle en France sur la période allant de février 2019 à janvier 2022. Par suite, il ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit donc être écarté.
7. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit également être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'une enfant de nationalité française, née le 27 juillet 2010 de sa relation avec une ressortissant française dont il est séparé. Pour refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité, la préfète de Vaucluse a considéré, sur le fondement des dispositions citées au point précédent de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de cette enfant. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Avignon le 24 avril 2019, afin que soient précisées les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant du couple ainsi que les conditions de son entretien. Par un jugement du 1er octobre 2019, le juge aux affaires familiales de ce tribunal, après avoir confié l'autorité parentale exclusive à la mère conformément aux souhaits des parents, a accordé à M. A... un droit de visite tous les samedis des semaines paires de 10 heures à 18 heures, et a mis à sa charge une contribution mensuelle de 50 euros pour l'entretien et l'éducation de l'enfant. Si le requérant justifie avoir établi plusieurs mandats de paiement au profit de la mère de son enfant pour des montants de 50, 100, 150 ou 200 euros sur la période allant de décembre 2021 à avril 2022, il ne démontre pas, par la présentation de neuf photographies, d'une attestation insuffisamment probante de la mère de l'enfant, d'une lettre de sa fille postérieure à l'acte attaqué ainsi que par les autres pièces versées au débat, contribuer effectivement à son éducation, notamment par un exercice régulier de son droit de visite, un investissement dans son suivi scolaire ou dans la protection de sa santé. Par suite, la préfète de Vaucluse n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 8 en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour de M. A... en qualité de parent d'enfant français.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. Si M. A... entend se prévaloir de la durée de son séjour sur le territoire français et de ce qu'il a résidé régulièrement en France de 2010 à 2017, sous couvert d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a également fait l'objet, le 2 octobre 2018, d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Il n'établit pas entretenir, par les éléments produits, des liens d'une particulière intensité avec sa fille mineure, ni ne justifie d'une insertion sociale particulière en France. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a auparavant vécu. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de Vaucluse du 13 décembre 2022.
En ce qui concerne le surplus de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions d'appel :
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de première instance de M. A... à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées, de même que le surplus de ses conclusions d'appel à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et relatives aux frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300151 du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01470