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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL01503

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL01503


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur ledit territoire pendant six mois.



Par un jugement n° 2106646 rendu le 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la dema

nde de Mme B....

Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur ledit territoire pendant six mois.

Par un jugement n° 2106646 rendu le 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin 2023, 28 novembre 2023 et 19 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Naciri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder à la suppression de son inscription dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- la procédure suivie est irrégulière au regard des articles L. 425-9, L. 425-10 et R. 425-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors que le rapport établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est incomplet et porte des mentions erronées ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à tout le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son fils C... D... : le défaut de prise en charge médicale de son fils aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et celui-ci ne pourrait avoir accès à la prise en charge appropriée à son état de santé en cas de retour au Nigéria ;

- le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de son fils en violation du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la procédure suivie est irrégulière au regard des articles L. 425-9, L. 425-10 et R. 425-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors que le rapport établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est incomplet et porte des mentions erronées ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la mesure en litige méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la même mesure porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'intérêt supérieur de son fils protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- l'interdiction en litige se trouve privée de base légale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se plaçant en situation de compétence liée au regard de l'inexécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

- la mesure en litige procède d'une erreur d'appréciation tant dans son principe que dans sa durée, laquelle présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2023.

Par une décision du 7 juin 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice, par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 15 avril 1990 à Benin City (Nigéria), indiquant être entrée sur le territoire français le 23 décembre 2018, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 10 janvier 2019. Par une décision du 30 décembre 2019, la Cour nationale du droit d'asile a définitivement rejeté cette demande d'asile et, par un arrêté édicté le 6 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme B... s'est maintenue en France et a sollicité son admission au séjour le 17 juin 2021 en se prévalant de l'état de santé de son fils C... D..., né le 27 juin 2014. Par arrêté du 7 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une période de six mois. Par la présente requête, Mme B... interjette appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code auquel renvoient ainsi les dispositions précédentes : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. En outre, aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 susvisé pris pour l'application des dispositions précitées : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / (...) ". Selon l'article 3 du même arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".

5. Il ressort des pièces produites par la requérante que, pour se prononcer sur l'état de santé du jeune C... D... par un avis émis le 16 août 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est notamment fondé sur le rapport médical établi par un praticien du service médical de l'office le 2 août 2021, lui-même rédigé à partir d'un certificat établi par le médecin traitant de l'enfant le 23 juin précédent. Le rapport médical susmentionné reprend d'une manière complète et sans aucune erreur les informations médicales contenues dans le certificat du médecin traitant et fait notamment mention tant des problèmes somatiques de l'enfant que de son état psychique, de ses troubles scolaires et de sa prise en charge en centre médico-psycho-pédagogique. Par suite et alors même que le médecin rapporteur de l'office n'a pas détaillé les modalités de l'accompagnement socio-éducatif dont bénéficie le fils de l'appelante, le rapport en cause satisfait aux exigences prévues par les articles précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que par l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 susvisé. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière.

6. En deuxième lieu, si le juge administratif est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé de l'étranger, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il lui appartient de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment le dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins, ainsi que les autres éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

7. Il ressort des pièces des dossiers que, par son avis du 16 août 2021 mentionné au point 5 du présent arrêt, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a retenu que, si l'état de santé du fils de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour cet enfant, lequel peut, par ailleurs, voyager sans risque vers son pays d'origine. La requérante, levant le secret médical pour le compte de son fils, a produit à l'instance, outre le rapport et le certificat évoqués au point 5 ci-dessus, plusieurs autres certificats médicaux rédigés par le médecin traitant de l'enfant et par deux médecins pédiatres exerçant respectivement dans un centre médico-psycho-pédagogique et dans un service d'éducation spéciale et de soins à domicile. Il ressort de l'ensemble de ces pièces que le fils de l'appelante souffre d'un retard de langage sévère et d'une dyspraxie visio-constructive, pour lesquels il bénéficie, d'une part, d'une prise en charge paramédicale à visée rééducative pratiquée à un rythme hebdomadaire par une orthophoniste, un psychomotricien et un psychologue en centre médico-psycho-pédagogique et, d'autre part, d'un accompagnement socio-éducatif incluant un suivi par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile et une scolarisation en unité localisée pour l'inclusion assortie d'une aide humaine mutualisée. Si les documents médicaux produits indiquent que l'arrêt de la prise en charge ainsi initiée serait de nature à pénaliser la poursuite des apprentissages de l'enfant dans les domaines du langage, de la compréhension de l'environnement et de l'habilité manuelle il ne ressort toutefois pas de ces documents qu'une interruption des soins de rééducation dont bénéficie le fils de Mme B... serait par elle-même susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités au point 2 du présent arrêt. Par suite et alors au surplus que les documents généraux relatifs au système de santé nigérian versés au dossier par l'appelante n'établissent pas l'impossibilité de bénéficier de ces mêmes soins dans son pays d'origine, le refus de séjour ne procède pas d'une inexacte application des dispositions de ces deux articles. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de la requérante et celle de son fils.

8. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais également à celles qui ont pour effet d'affecter leur situation d'une manière suffisamment directe et certaine.

9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 du présent arrêt que la décision refusant l'admission au séjour de Mme B... n'a pas pour effet de mettre en danger la santé de son fils C... D.... Elle n'a pas davantage pour effet de séparer cet enfant de ses parents, lesquels ne justifient d'aucun droit au séjour en France depuis le rejet de leurs demandes de protection internationale. Rien ne s'oppose par ailleurs à ce que le jeune C... D... poursuive un parcours scolaire hors de France avec, le cas échéant, les aménagements requis pour tenir compte de ses difficultés d'apprentissage. Dans ces conditions, la décision en cause ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'état de santé du fils de Mme B... ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5 ci-dessus.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 du présent arrêt que la décision portant refus d'admission au séjour n'est pas illégale. Par conséquent, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement serait privée de base légale.

12. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés au point 7 du présent arrêt.

14.

En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'était présente sur le territoire français que depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté attaqué. Elle ne se prévaut d'aucun lien personnel ou familial en France en dehors de ses trois enfants et de son concubin, tous de nationalité nigériane, ce dernier étant également en situation irrégulière. Elle ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle particulière et n'allègue pas être dépourvue d'attaches au Nigéria où elle a résidé la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, la décision contestée ne porte pas à son droit à la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par voie de conséquence, les stipulations précitées n'ont pas été méconnues.

16. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9, la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de l'appelante ne peut être regardée comme ayant prise en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 16 du présent arrêt que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale.

18. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

19. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 ci-dessus que le retour de la famille de Mme B... au Nigéria n'est pas de nature à compromettre la santé de son fils C... D... et, par suite, l'intérêt supérieur de cet enfant. En se bornant à invoquer une décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile sur la situation d'un autre ressortissant nigérian, la requérante n'établit donc pas que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

20. En premier lieu, l'arrêté préfectoral en litige vise notamment les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce avec une précision suffisante les considérations de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour édicter à l'encontre de Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par suite, la mesure d'interdiction en cause est suffisamment motivée.

21. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été mentionné aux points 10 à 16 du présent arrêt que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour serait privée de base légale.

22. En troisième lieu, selon l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8. ".

23. D'une part, il ne ressort pas plus de la motivation de l'arrêté contesté que des autres pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, l'autorité préfectorale n'a pas commis l'erreur de droit invoquée par la requérante à ce titre.

24. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... ne peut se prévaloir ni d'une durée de présence importante en France, ni de liens intenses sur le territoire national. Il a par ailleurs été rappelé au point 1 du présent arrêt que l'intéressée avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 6 juin 2020. Il résulte enfin de ce qui a été mentionné au point 7 que l'état de santé de son fils n'impose pas sa présence en France. Par conséquent et alors même que le comportement de l'appelante ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, laquelle n'est pas disproportionnée.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 octobre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelante et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la requérante au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Naciri.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01503
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : NACIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl01503 ?
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