Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301490 du 28 avril 2023, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2023, M. B..., représenté par Me Ajil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2023 du président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'irrégularité de sa garde à vue entache d'irrégularité la procédure ayant conduit à l'arrêté litigieux ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que le préfet l'a regardé comme une menace à l'ordre public.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, est entré irrégulièrement en France en 2017, selon ses déclarations, et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour. Il a été interpellé, le 21 avril 2023, sur la voie publique à Cannes pour des faits de violence sur personnes dépositaires de l'autorité publique et de rébellion et a ensuite fait l'objet, le 23 avril suivant, d'un arrêté par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, sans délai, à destination de son pays d'origine ainsi qu'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
2. M. B... relève appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité.
Sur la légalité externe de l'arrêté litigieux :
3. En premier lieu, si M. B... soutient qu'il a été placé irrégulièrement en garde à vue lors de son interpellation à Cannes le 21 avril 2023, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral en litige, ainsi que l'a estimé le premier juge, qui a été pris aux motifs de l'absence de titre de séjour de l'intéressé, de la durée et des circonstances de son séjour en France et de la menace pour l'ordre public qu'il représente.
4. En second lieu, l'arrêté litigieux, qui vise les textes dont il fait application, expose que l'intéressé est entré irrégulièrement en France, qu'il est dépourvu de document d'identité et de titre de séjour, qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il représente une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, il précise, notamment, qu'en vertu des articles L. 612-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une interdiction de retour sur le territoire français pouvant aller jusqu'à trois ans est prise à l'encontre de l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français comportent ainsi les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. Ces décisions sont, par conséquent, suffisamment motivées.
Sur la légalité interne de l'arrêté litigieux :
5. En premier lieu et aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 de ce code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
6. Si M. B... fait valoir que son père et deux de ses frères résideraient sur le territoire français, sans toutefois produire aucune pièce permettant d'établir la réalité de cette allégation, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, qui ne peut justifier d'une insertion particulière dans la société française, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
8. Eu égard à ce qui a été précédemment exposé, notamment aux points 1, 4 et 6, et dans la mesure, notamment, où les faits de violences commis le 21 avril 2023 ne sont pas contestés, le préfet n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur d'appréciation en prenant à l'encontre de l'appelant une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01254