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13/03/2025 | FRANCE | N°23TL01875

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 13 mars 2025, 23TL01875


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Danifruits a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de l'amende pour facturation de complaisance prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2103385 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 26 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Danifruits a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de l'amende pour facturation de complaisance prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2103385 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 26 juillet 2024, Me Vincent Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Danifruits, représenté par Me Loup, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende pour facturation de complaisance prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui a été infligée à la société Danifruits au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'absence de preuve de ce que les factures en cause se rapportaient à des ventes faites à des professionnels ;

- les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts portent une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère intentionnel des infractions ;

- pour justifier le caractère intentionnel, le service s'est fondé sur des procès-verbaux d'audition annulés par un jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 21 janvier 2019 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que l'ensemble des factures en cause se rapportaient à des ventes faites à des professionnels.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 3 janvier et 26 août 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Me Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Danifruits, qui exerçait une activité de commerce de gros de fruits et légumes, fait appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge de l'amende pour facturation de complaisance prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a, au point 4, expressément répondu au moyen, soulevé par la société Danifruits, tiré de ce que l'administration n'a pas apporté la preuve de ce que les factures en cause se rapportaient à des ventes faites à des professionnels. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / (...) / Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

4. En premier lieu, en déterminant le montant de cette amende en proportion du montant des sommes versées ou reçues au titre d'une facture irrégulière, les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts ont retenu une assiette en rapport avec l'infraction commise tenant au fait, pour l'émetteur ou le destinataire d'une facture, de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, certains éléments d'identification obligatoires ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom. Par ailleurs, en appliquant au montant des sommes versées ou reçues, un taux de 50 %, les dispositions contestées ont retenu un montant d'amende qui n'est pas disproportionné par rapport à la gravité des manquements que ces dispositions répriment, dès lors que ces manquements, réalisés par des professionnels dans le cadre de leur activité, font obstacle au contrôle des comptabilités tant du vendeur que de l'acquéreur d'un produit ou d'une prestation de service ainsi qu'au recouvrement des impositions dont ils sont le cas échéant redevables. Par suite et alors que ces manquements ont nécessairement un caractère intentionnel, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts portent une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 22 décembre 2017, qui restitue les résultats de l'examen des fichiers des écritures comptables remis au vérificateur, que la société Danifruits, qui ne demandait pas les extraits Kbis à ses clients, a établi, au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, respectivement 1 312 et 535 factures, pour des montants de 1 008 517 euros et de 433 229 euros, au nom de personnes ne correspondant, y compris les adresses mentionnées, à aucun professionnel enregistré au répertoire Sirene. Compte tenu de la nature de l'activité de la société Danifruits, des quantités portées sur les factures en cause, qui excédaient les besoins privés normaux d'un consommateur, et des conditions d'accès au marché d'intérêt national de Montpellier, au sein duquel les ventes étaient réalisées, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que l'ensemble de ces factures se rapportaient à des ventes faites à des professionnels. Par ailleurs, le gérant de la société Danifruits a reconnu, dans le cadre du débat oral et contradictoire, qu'il établissait des factures à de faux noms afin de ne pas perdre la clientèle de la société. La circonstance que, par un jugement du 21 janvier 2019, le tribunal correctionnel de Montpellier a annulé l'ensemble des déclarations recueillies par les services de police lors des auditions de ce gérant, au cours desquelles il avait également reconnu les faits, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé des amendes en litige, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'administration ne s'est pas fondée exclusivement sur ces auditions pour établir les amendes contestées. Dans l'ensemble de ces conditions et eu égard au nombre et au montant des factures en cause, lesquelles étaient le plus souvent réglées en espèces, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que la société Danifruits, lors de l'établissement de ces factures, a travesti ou dissimulé l'identité de ses clients ou a sciemment accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom. Il en résulte que c'est à bon droit qu'elle lui a infligé, au titre des exercices clos les 30 septembre 2014 et 2015, l'amende prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que Me Aussel, liquidateur judiciaire de la société Danifruits, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de cette société.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Me Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Danifruits, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Vincent Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Danifruits, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 20 février 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01875 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01875
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-015 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : LOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-13;23tl01875 ?
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