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08/04/2025 | FRANCE | N°23TL01419

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 08 avril 2025, 23TL01419


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



I. - Sous le n°2102222, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 par lequel le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales l'a suspendue de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n°2102222 du 31 mars

2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



II. - Sous le n°2...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. - Sous le n°2102222, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 par lequel le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales l'a suspendue de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2102222 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

II. - Sous le n°2104022, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2104022 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°23TL01419 le 18 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2102222 du 31 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 par lequel le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales l'a suspendue de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en écartant le moyen tiré du défaut de motivation en fait de l'arrêté litigieux, les premiers juges ont commis une erreur de droit et une violation de la loi ;

- en considérant que les faits lui étant reprochés constituaient une faute grave, de nature à justifier une mesure de suspension conservatoire de fonctions, le tribunal a entaché le jugement attaqué d'erreur d'appréciation et de violation de la loi ;

- l'arrêté du 1er mars 2021 est entaché d'insuffisance de motivation en fait ;

- il méconnaît l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché de détournement de pouvoir et de procédure et méconnaît l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ainsi que les articles 66 et 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux est inopérant, les décisions de suspension de fonctions à titre conservatoire n'étant pas soumises à obligation de motivation ;

- l'arrêté litigieux ne méconnaît pas les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; le délai de 19 jours s'étant écoulé entre le 12 février 2021, date à laquelle la directrice de l'école ... a alerté l'inspectrice de circonscription, et l'édiction de la décision litigieuse ne saurait révéler l'absence de gravité des faits reprochés à Mme B..., dès lors que des vacances scolaires ont eu lieu du vendredi du 12 février 2021 au dimanche 28 février 2021, de sorte qu'à compter du signalement des faits, Mme B... n'a pas eu la charge d'élèves ; le déroulement de l'entretien du 1er mars 2021, au cours duquel l'arrêté litigieux a été notifié à l'appelante, n'est pas de nature à démontrer qu'elle n'aurait pas commis une faute grave ; les faits reprochés à Mme B... présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier sa suspension de fonctions à titre conservatoire ;

- la décision litigieuse ne saurait être regardée comme constituant une sanction disciplinaire déguisée ; elle a été prise dans l'intérêt du service et afin de préserver l'intégrité physique et psychologique des élèves.

Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2025 à 12 heures.

II. - Par une requête, enregistrée le 18 juin 2023 sous le n°23TL01421, Mme A... B..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2104022 du 31 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une violation de la loi et d'une erreur d'appréciation ;

- l'arrêté litigieux du 1er juin 2021 est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été invitée à présenter des observations écrites et, le cas échéant des observations orales avant l'édiction de la sanction disciplinaire lui ayant été infligée, en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, du principe général des droits de la défense et du principe du contradictoire ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation ; elle n'a jamais tenu de propos injurieux ou porté une atteinte physique à un élève, de sorte que la matérialité des faits n'est pas établie ; la sanction de blâme lui étant infligée est disproportionnée ;

- il est entaché de détournement de pouvoir et de procédure et méconnaît l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ainsi que les articles 66 et 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2024, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

- par un courrier du 6 avril 2021, notifié à Mme B... le 9 avril 2021, l'intéressée a été informée de l'engagement d'une procédure disciplinaire et de la possibilité de produire des observations écrites ; elle n'a jamais demandé à être reçue pour présenter des observations orales ;

- les faits reprochés à Mme B... sont matériellement établis et constituent des fautes disciplinaires ; la sanction de blâme infligée à l'intéressée n'est pas disproportionnée par rapport aux fautes commises ;

- la décision litigieuse n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir ou de procédure.

Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Akel, substituant Me Cacciapaglia, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeure des écoles, a été affectée pour l'année scolaire 2020-2021 dans les écoles maternelles publiques ... et ..., situées à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 1er mars 2021, lui ayant été notifié en mains propres le même jour, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée maximale de quatre mois. Par un jugement n°2102222 du 31 mars 2023, dont elle demande l'annulation dans l'instance n°23TL01419, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un courrier du 6 avril 2021, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales l'a informée de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, des faits lui étant reprochés, de la possibilité de présenter ses observations et l'a invitée à consulter son dossier individuel, ce que l'intéressée a fait le 5 mai 2021. Par un arrêté du 1er juin 2021, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme. Par jugement n°2104022 du 31 mars 2023, dont Mme B... relève appel dans l'instance n°23TL01421, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Les requêtes n°23TL01419 et n°23TL01421 concernent la situation d'une même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité des jugements :

3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés des erreurs de droit, des erreurs d'appréciation et des " violations de la loi " qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé des jugements et non à leur régularité, ne peuvent être utilement invoqués par Mme B....

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de suspension de fonctions :

4. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / (...) ".

5. En premier lieu, la mesure de suspension d'un agent, prise en application des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Elle n'est donc pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux du 1er mars 2021 serait insuffisamment motivé en droit et en fait doit être écarté comme inopérant.

6. En deuxième lieu, la mesure de suspension prévue par les dispositions précitées est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service, qui ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Eu égard à la nature de l'acte de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

7. En l'espèce, pour prononcer la mesure de suspension de fonctions litigieuse, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur la circonstance selon laquelle Mme B... avait fait preuve d'un comportement inapproprié vis-à-vis de ses élèves, ce dont fait état un rapport établi par l'inspectrice de l'éducation nationale de la circonscription de Perpignan 2, le 16 février 2021, auquel la décision litigieuse se réfère expressément. Il ressort de ce rapport et des documents y étant annexés, à savoir des courriers des directrices des écoles maternelles ... et ..., de parents d'élèves de la classe de grande section de maternelle de l'école ..., de l'accompagnante d'élèves en situation de handicap et de l'agent territorial spécialisé des écoles maternelles exerçant leurs fonctions dans la classe de Mme B..., que cette enseignante a à plusieurs reprises, au cours de l'année scolaire 2020-2021, fait preuve d'un comportement inapproprié voire dangereux vis-à-vis de ses élèves, en " secouant " des élèves, en hurlant dans sa salle de classe, en tenant des propos injurieux ou encore en arrachant divers objets des mains des élèves pour les jeter violemment à travers la classe ou au sol. Ainsi, ces faits, qui, contrairement à ce que soutient Mme B..., ne se cantonnaient pas à la circonstance selon laquelle le 11 février 2021, elle avait jeté deux ardoises au sol pour " ramener le silence dans sa classe ", présentaient un caractère suffisant de gravité. En outre, si l'appelante soutient que l'absence de gravité des faits lui étant reprochés est révélée par le délai de 19 jours s'étant écoulé entre le 12 février 2021, date à laquelle la directrice de l'école ... a signalé son comportement et le 1er mars 2021, date à laquelle la mesure litigieuse a été édictée, ainsi que le fait valoir la rectrice de l'académie de Montpellier, compte tenu de la période de vacances scolaires comprise entre le vendredi 12 février 2021 au soir et le lundi 1er mars 2021 au matin, l'intéressée n'a eu la charge d'aucun élève à compter de la connaissance des faits par l'administration. Par ailleurs, eu égard aux témoignages concordants dont disposait le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales au jour de la décision litigieuse, ils présentaient également un caractère suffisant de vraisemblance. Par suite, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que cette autorité a suspendu Mme B... de l'exercice de ses fonctions à titre conservatoire.

8. En dernier lieu, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la mesure de suspension à titre conservatoire litigieuse, prise dans l'intérêt du service au regard de faits présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, aurait été édictée dans le but de sanctionner Mme B... et de s'affranchir du respect des règles et des garanties inhérentes à la procédure disciplinaire. A ce titre, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que cette mesure, constituant selon elle une sanction déguisée, aurait été édictée dans le but d'entériner le comportement, qu'elle considère comme fautif, de la directrice de l'école maternelle ..., qui, le 12 février 2021, n'aurait pas pris sa défense face aux agressions verbales de parents d'élèves. Ainsi, les moyens tirés de l'existence d'une sanction déguisée et d'un détournement de pouvoir et de procédure doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement n°2102222, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

En ce qui concerne la légalité de la sanction disciplinaire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / (...) ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme ; / -l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / (...) / Parmi les sanctions du premier groupe, le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / (...) ".

11. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires de l'Etat, le blâme en vertu des dispositions précitées de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent doit être invité à présenter des observations orales.

12. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 6 avril 2021, notifié à Mme B... le 9 avril 2021, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales a informé l'intéressée de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et l'a informée des faits lui étant reprochés, de ses droits à la communication de son dossier individuel dans son intégralité, l'a invitée à procéder à cette consultation le 5 mai 2021 à 14 heures 30 en lui mentionnant qu'elle pouvait, lors de cette consultation, se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ou se faire représenter et l'a informée qu'elle disposait de la faculté de présenter des observations écrites. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B... a bien été invitée par l'administration à présenter ses observations écrites préalablement à l'édiction de la sanction litigieuse. De plus, dès lors que la sanction de blâme lui ayant été infligée relève du premier groupe de sanction prévu à l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi qu'il a été dit au point précédent, aucun principe ou disposition n'imposait à l'administration de l'inviter à présenter ses observations orales avant l'infliction de cette sanction disciplinaire. Enfin, Mme B... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien afin de présenter ses observations orales. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

14. Il ressort des pièces du dossier que pour infliger à Mme B... la sanction de blâme, le directeur académique des services de l'éducation nationale des Pyrénées-Orientales a retenu que l'intéressée avait manqué aux obligations de correction et de dignité s'imposant au personnel enseignant en faisant preuve d'un comportement inapproprié vis-à-vis de ses élèves, caractérisé par des propos injurieux, par le jet d'objets divers dans sa salle de classe et par des atteintes physiques portées aux élèves. Ces faits, mentionnés au point 7 du présent arrêt sont, ainsi qu'il a été dit, relatés par différents courriers émanant des directrices des deux écoles maternelles au sein desquelles Mme B... était affectée pour l'année scolaire 2020-2021, de parents d'élèves, de l'accompagnante d'élèves en situation de handicap et de l'agent territorial spécialisé des écoles maternelles exerçant leurs fonctions dans la classe de cette enseignante et doivent ainsi être regardés comme matériellement établis. A ce titre, si Mme B... soutient n'avoir jamais tenu de propos injurieux ou porté d'atteinte physique à ses élèves, mais avoir seulement fait tomber deux ardoises au sol le 11 février 2021 dans le but de ramener le silence dans sa classe, ni l'attestation établie par une autre professeure des écoles avec qui elle a partagé sa classe de 2017 à 2020, ni les appréciations portées par l'inspecteur ayant procédé à son rendez-vous de carrière au cours de l'année scolaire 2020-2021 ne sauraient suffire pour remettre en cause les témoignages concordants précités. Ainsi, les faits reprochés à Mme B... présentent un caractère fautif de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. De plus, le blâme infligé à l'intéressée, qui constitue une sanction disciplinaire du premier groupe, ne présente pas de caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

15. En dernier lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la sanction disciplinaire litigieuse, infligée à Mme B... en raison de son comportement fautif, aurait été édictée dans le but d'entériner le comportement, qu'elle considère comme fautif, de la directrice de l'école maternelle ..., qui, le 12 février 2021, n'aurait pas pris sa défense face aux agressions verbales de parents d'élèves. Ainsi, les moyens tirés du détournement de pouvoir et de procédure, qui ne sont pas établis, doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement n°2104022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement des sommes que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 23TL01419, 23TL01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01419
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CACCIAPAGLIA MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;23tl01419 ?
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