Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser son conseil sur le fondement des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2302677 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés le 2 mai 2024 et le 14 octobre 2024, M. B... A..., représenté par Me Touboul, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 11 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas pris en compte les éléments produits dans le cadre de sa note en délibéré, présentée le 25 juin 2023 ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors que le traitement de sa coronaropathie ischémique, institué au mois de mars 2023, et qui comporte désormais les médicaments Entresto et Forxiga, prescrits aux insuffisants cardiaques, ainsi qu'une association de molécules, le sacubitril, le valsartan, ainsi que la dapagliflozine, n'est pas disponible en Algérie ;
- pour les mêmes motifs, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 septembre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2024.
Un mémoire et des pièces jointes, présentés pour M. A... ont été enregistrés, le 19 mars 2025, soit postérieurement à la clôture de l'instruction et n'ont pas été communiqués.
Les parties ont été informées, par un avis du 10 mars 2025, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'impliquer, dans le cas où il serait fait droit aux conclusions à fin d'annulation, le prononcé d'office d'une injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Touboul, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 14 octobre 1975, entré en France le 18 février 2022, selon ses déclarations, a été interpellé, le 24 février 2022, par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité et d'une vérification de ses droits au séjour. Le même jour, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 7 mars 2022 il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile et, par une décision en date du 16 mai 2022, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée, le 29 août 2022, par la cour nationale du droit d'asile. Le 21 octobre 2022, M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, réexamen déclaré irrecevable, le 28 octobre suivant, par l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 6 décembre 2022, il a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 27 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 11 juillet 2023, rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...). ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations précitées de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet de la Haute-Garonne s'est, notamment, fondé sur l'avis du 3 mars 2023 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, qui a, d'une part, estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, indiqué qu'un traitement approprié existait dans son pays d'origine.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du rapport médical confidentiel rédigé par un médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration que M. A..., qui a levé le secret médical, souffre d'une cardiopathie ischémique avec une fraction d'éjection du ventricule gauche réduite, insuffisance cardiaque pour laquelle il a bénéficié en France, en octobre 2022, de la pose de stents, au regard de la fraction d'éjection réduite de son ventricule gauche. Il est constant et n'est pas contesté que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est vu, prescrire, depuis le 7 mars 2023, par un médecin spécialiste du pôle cardio vasculaire et métabolique de l'hôpital de Rangueil, dépendant du centre hospitalier universitaire de Toulouse, un nouveau traitement pour son insuffisance cardiaque composé d'un inhibiteur du récepteur de l'angiotensine dénommé Entresto 24/26 et d'un anti-diabétique étendu au traitement de l'insuffisance cardiaque chronique symptomatique avec fraction d'éjection réduite, dénommé Forxiga, prescription renouvelée, au demeurant, le 23 juin suivant, dans le cadre de l'affection de longue durée dont M. A... est atteint et nécessaire pour tenter de remédier à la dysfonction du ventricule systémique gauche et maintenir une fraction d'éjection autour de 40%. Par ailleurs, l'appelant soutient, sans être contesté sur ce point, qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays et fait valoir, en particulier, que deux médicaments qui lui sont prescrits en France, l'Entresto et le Forxiga, précédemment décrits, ne sont pas disponibles en Algérie et que ces traitements ne sont pas substituables. A cet égard, M. A... produit le lien vers le site publiant la nomenclature des produits disponibles en Algérie au 23 février 2023 au sein de laquelle ces médicaments ne sont pas mentionnés. Dans ces conditions, et en dépit de la circonstance qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 24 février 2022, M. A... est fondé à soutenir qu'en estimant qu'il pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à sa pathologie et, en conséquence, en lui refusant la délivrance du certificat de résidence, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par suite, l'appelant est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui se trouvent par là même dépourvues de base légale.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer les autres moyens de la requête ou sur la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2023 du préfet de la Haute-Garonne.
Sur l'injonction d'office de délivrer un titre de séjour :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
8. Eu égard au motif d'annulation, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, la délivrance à M. A... d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de le délivrer à M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Touboul, avocat de M. A..., sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application de ces dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2302677 du 11 juillet 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'un an dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Touboul, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Touboul, au préfet de la Haute-Garonne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24TL01133 2