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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL00934

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL00934


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La communauté de communes Terres des Confluences a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, le cabinet d'architectes A... et B..., la société par actions simplifiée Pons Bâtiment et la société à responsabilité limitée CMS Ganza à lui verser la somme de 90 600 euros représentant le coût des travaux de reprise des désordres affectant la déchetterie-recyclerie intercommunale de C

astelsarrasin.

Par un jugement n°1901200 du 8 mars 2023, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Terres des Confluences a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, le cabinet d'architectes A... et B..., la société par actions simplifiée Pons Bâtiment et la société à responsabilité limitée CMS Ganza à lui verser la somme de 90 600 euros représentant le coût des travaux de reprise des désordres affectant la déchetterie-recyclerie intercommunale de Castelsarrasin.

Par un jugement n°1901200 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et mis à sa charge définitive les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 156,84 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, la communauté de communes Terres des Confluences, représentée par Me Ducroux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés A... et B..., Pons Bâtiment et CMS Ganza à lui verser, d'une part, une somme de 90 600 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des désordres affectant la toiture de la déchetterie-recyclerie intercommunale de Castelsarrasin et, d'autre part, une somme de 6 156,84 euros en remboursement des frais d'expertise ;

3°) de mettre solidairement à la charge du cabinet d'architectes A... et B... et des sociétés Pons Bâtiment et CMS Ganza une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête a été présentée devant un ordre de juridiction compétent pour en connaître dès lors que le litige porte sur un marché de travaux publics ;

- elle est recevable dès lors qu'elle a été présentée dans le délai d'appel de deux mois ;

- son action en garantie décennale n'est pas prescrite dès lors qu'elle a été présentée dans le délai d'action de dix ans à compter de la réception sans réserve des travaux ;

- contrairement à ce qu'il soutient de mauvaise foi, le cabinet d'architectes A... et B... dispose d'une existence juridique et sa responsabilité peut être recherchée en tant que personne morale ;

- les infiltrations d'eau en toiture de la déchetterie-recyclerie intercommunale de Castelsarrasin sont apparues en 2010, soit postérieurement à la réception sans réserve des travaux intervenue le 6 mars 2009, et présentent un caractère continu et évolutif en ce qu'elles se reproduisent à chaque épisode pluvieux et affectent une partie significative du bâtiment ; ces désordres présentent un caractère décennal en ce qu'ils compromettent la solidité de cet ouvrage et le rendent impropre à sa destination ;

- la seule circonstance que la déchetterie-recyclerie n'ait jamais fait l'objet d'une fermeture n'est pas de nature à remettre en cause le caractère décennal des désordres ; afin d'assurer la continuité du service public, elle a été contrainte d'engager des travaux de reprise partielle de la toiture, confiés à la société Soprema Entreprises en 2016-2018, afin de tenter, sans succès, de mettre fin aux désordres en litige ;

- la toiture du bâtiment est affectée de défauts de réalisation qui n'ont été relevés ni par la maîtrise d'œuvre dans le cadre de ses missions de direction de l'exécution des travaux, d'assistance aux opérations de réception et d'assistance pendant la période de garantie de parfait achèvement, ni par le bureau de contrôle dans le cadre de ses rapports de sécurité et de solidité consécutifs aux visites des ouvrages de couverture ;

- la responsabilité de la société Pons Bâtiment, titulaire du lot " charpente couverture ", est engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs quand bien même les désordres résultent de l'action de son sous-traitant, la société CMS Ganza dont la responsabilité est aussi engagée ; la seule circonstance que ce sous-traitant n'ait plus d'existence juridique n'est pas de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité ;

- les désordres en litige, qui ont été constatés sur la période comprise entre 2012 et 2017, préexistaient aux travaux de reprise partielle réalisés par la société Soprema Entreprises au cours des années 2016-2018 ; ces travaux de reprise ne sont ni la cause initiale ni la cause principale des désordres subis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, la société créée de fait entre personnes physiques d'architecture A... et B..., représentée par Me Massol, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la communauté de communes Terres des Confluences et, à titre subsidiaire, de limiter la condamnation prononcée à l'encontre des constructeurs au titre de leur garantie décennale à la somme de 65 615 euros hors taxes ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, Soprema Entreprises et Veritas Construction à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal :

* la requête est mal dirigée en tant qu'elle vise le cabinet d'architectes A... et B..., lequel n'a aucune existence juridique ; seule la société créée de fait entre personnes physiques d'architecture A... et B... dispose d'une existence juridique ;

* l'action en garantie décennale est prescrite dès lors qu'aucun acte interruptif de prescription n'a été formellement dirigé contre la société créée de fait entre personnes physiques d'architecture A... et B... dans les délais d'épreuve et d'action de dix ans ;

- à titre subsidiaire :

* les désordres en litige ne présentent pas un caractère décennal dès lors qu'ils ne portent pas atteinte à la destination de l'ouvrage et ne compromettent pas sa solidité, la déchetterie ayant pu être exploitée sans interruption ;

* elle n'a commis aucun manquement dans l'exercice de ses missions dès lors que l'architecte n'est pas tenu à une présence constante sur le chantier et n'est pas davantage tenu de s'assurer du respect des règles de l'art par les sociétés chargées des travaux, seules ces dernières étant tenues à une obligation de résultat et responsables de l'exécution des travaux dans les règles de l'art ;

* l'indemnité réclamée par le maître d'ouvrage ne repose sur aucun élément concret ni devis actualisé ; il y aurait lieu de limiter la condamnation prononcée à l'encontre des constructeurs à la somme de 65 615 euros hors taxes correspondant au chiffrage retenu par l'expert, la communauté de communes Terres des Confluences ne démontrant pas son non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

* elle est recevable et fondée à appeler en garantie les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, Soprema Entreprises et Veritas Construction ; les travaux de reprise réalisés par la société Soprema Entreprises ont aggravé les désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, la société Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société anonyme Bureau Veritas, représentée par Me Lacaze, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la communauté de communes Terres des Confluences ainsi que l'appel en garantie présenté à son encontre par la société d'architecture A... et B... ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident sur appel provoqué, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés d'architecture A... et B..., Pons Bâtiment, CMS Ganza et Soprema Entreprises à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société A... et B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel en garantie présenté à son encontre par la société d'architecture A... et B... doit être rejeté par voie de conséquence du rejet de l'action en garantie décennale présentée à l'encontre de ce cabinet d'architectes dès lors que ce dernier ne dispose d'aucune existence juridique ni d'intérêt pour agir ;

- les conclusions d'appel en garantie présentées par la société d'architecture A... et B... doivent être rejetées par voie de conséquence de la prescription de l'action en garantie décennale exercée par la communauté de communes Terres des Confluences ;

- elle n'est pas à l'origine des désordres en litige dès lors qu'elle a pour seule mission de contribuer à la prévention des aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages et n'a pas la qualité de constructeur ; il appartient à chaque intervenant à l'acte de construire d'assumer sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale ;

- sa responsabilité étant recherchée par un autre constructeur sur le fondement extracontractuel, elle ne peut être tenue qu'à la réparation des strictes conséquences de sa faute extracontractuelle, sans que puisse lui être opposée une obligation de résultat ou une présomption de responsabilité ; or, aucune faute ne peut lui être imputée en lien direct et certain avec les infiltrations en litige ; contrairement à ce qu'indique l'expert, elle n'est pas intervenue pour donner un avis ou valider les travaux de réfection entrepris à l'initiative du maître d'ouvrage en avril 2012, en 2015 et en 2016 ;

- la société d'architecture A... et B... ne démontre pas l'existence d'une faute extracontractuelle susceptible de lui être imputée ; en sa qualité de contrôleur technique, il ne lui appartient pas de diriger, d'exécuter, de surveiller et de contrôler l'exécution des travaux et d'en assurer la réception, ces missions incombant à la maîtrise d'œuvre et aux autres constructeurs ; il ne lui appartient pas de s'assurer que ses recommandations ont été suivies d'effet ;

- en tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal a écarté le caractère décennal des désordres : les infiltrations en litige ne sont pas généralisées et ne se produisent que par fortes pluies continues sur plusieurs jours ; en outre, ces infiltrations, qui ne présentent aucun risque pour la sécurité des personnes ou le fonctionnement de l'ouvrage, n'ont causé aucun préjudice d'exploitation, le site ayant fonctionné en continu depuis son ouverture ; enfin, l'absence de nettoyage du chéneau central a pu, lors de fortes pluies, mettre en charge cette partie d'ouvrage en amenant des remontées en rive à l'origine des infiltrations ;

- les prétentions indemnitaires du maître d'ouvrage, qui reposent sur une simple estimation de l'expert judiciaire, ne sont pas justifiées en l'absence de production des factures correspondant aux travaux de reprise qu'il a fait exécuter ;

- les frais d'expertise dont la communauté de communes Terres des Confluences demande l'indemnisation relèvent des dépens de l'instance et non du principal ;

- à titre subsidiaire, elle ne peut garantir les autres constructeurs que dans la stricte limite de sa part de responsabilité ;

- elle est recevable et fondée à présenter un appel en garantie solidaire ou in solidum à l'encontre de la société d'architecture A... et B... ainsi que des sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza et Soprema Entreprises.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2023 et 24 janvier 2024, la société par actions simplifiée Soprema Entreprises, représentée par Me Etcheberrigaray, demande à la cour :

1°) de rejeter les appels en garantie présentés à son encontre par la société d'architecture A... et B... et la société Veritas Construction :

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident sur appel provoqué, de condamner les sociétés A... et B..., Veritas Construction, Pons Bâtiment et Ganza CMS à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune conclusion n'est présentée à son encontre par le maître d'ouvrage ;

- à titre principal, les appels en garantie présentés à son encontre par les constructeurs sont prescrits dès lors qu'aucun acte interruptif de prescription ne lui a été notifié dans le délai de dix ans suivant la réception des travaux ;

- à titre subsidiaire, ces appels en garantie ne sont pas fondés dès lors, d'une part, que les désordres ne présentent pas un caractère décennal, d'autre part, qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard des constructeurs, lesquels ne précisent pas le fondement juridique de leurs conclusions et, enfin, qu'elle n'a pas participé à la construction initiale de l'ouvrage et n'est intervenue que de manière ponctuelle, au cours des années 2016 et 2017, pour réaliser des travaux de reprise sur préconisation de l'expert et avec l'accord de tous les intervenants à l'acte de construire au rang desquels figure la société d'architecture A... et B... ;

- aucun contrat ne la lie à la société d'architecture A... et B... et elle n'est tenue à aucune obligation de résultat ;

- sa responsabilité ne peut pas être engagée dès lors que les travaux de reprise qu'elle a exécutés ne sont pas à l'origine des désordres : ainsi que l'a relevé l'expert, les désordres en litige sont imputables à un défaut d'exécution des travaux non relevé par la maîtrise d'œuvre lors de la construction de l'ouvrage, de sorte qu'ils préexistaient à son intervention et sont sans lien avec les reprises qu'elle a réalisées dont l'étendue a été préalablement définie par les constructeurs dont la société d'architecture A... et B... ; bien que son intervention en qualité d'entreprise tierce n'ait pas permis de mettre fin aux désordres préexistants, elle n'y a pas contribué et ne les a pas aggravés ;

- contrairement à ce que soutient la société Bureau Veritas Construction, l'expert judiciaire n'a pas conclu à l'aggravation des infiltrations depuis ou par le fait de son intervention.

La requête a été communiquée aux sociétés Pons Bâtiment et CMS Ganza lesquelles n'ont pas produit d'observation en dépit de la mise en demeure qui leur a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par des lettres du 23 janvier 2024.

Par une ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Durand, substituant Me Ducroux, représentant la communauté de communes Terres des Confluences, et celles de Me Massol, représentant la société d'architecture A... et B....

Considérant ce qui suit :

1. En 2007, la communauté de communes de Castelsarrasin-Moissac, aux droits de laquelle est venue la communauté de communes Terres des Confluences, a entrepris de faire construire une déchetterie-recyclerie intercommunale sur le territoire de la commune de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne). Par un acte d'engagement conclu le 1er octobre 2007, la maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à la société d'architecture A... et B.... Les travaux ont été allotis. Une mission de contrôle technique a été confiée à la société Bureau Veritas Construction par une convention conclue le 17 mars 2008. Par un acte d'engagement du 3 avril 2008, le lot n° 3 " charpente-couverture bac acier " a été attribué à la société Pons Bâtiment pour un montant de 184 549,97 euros hors taxes. Aux termes de l'annexe 1 à cet acte d'engagement, rédigée le 12 juin 2008, les prestations portant sur la couverture en bac-acier ont été sous-traitées à la société CMS Ganza pour un montant de 69 956,43 euros toutes taxes comprises. La réception définitive du lot n° 3 a été prononcée le 6 mars 2009 sans réserve. La survenue d'infiltrations au niveau de la toiture a conduit la communauté de communes Terres des Confluences à confier des travaux de réfection à la société Soprema Construction en mai 2016 et en avril 2017. Se plaignant d'infiltrations persistantes en provenance du chéneau central du bâtiment en cas de fortes pluies, la communauté de communes Terres des Confluences a obtenu, par une ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n° 1901199 du 23 mai 2019, la désignation d'un expert, dont le rapport a été remis le 22 octobre 2021. Par un jugement du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'action en garantie décennale présentée par la communauté de communes Terres des Confluences contre la société d'architecture A... et B..., la société Pons Bâtiment et la société CMS Ganza. La communauté de communes Terres des Confluences relève appel de ce jugement. Par la voie d'appels provoqués, la société d'architecture A... et B..., la société Bureau Veritas Construction présentent des appels en garantie croisés entre elles ainsi qu'à l'encontre des sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza et Soprema Entreprises. Par la voie d'un appel incident sur appel provoqué, la société Soprema Entreprises présente un appel en garantie contre l'ensemble de ces sociétés.

Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre la société CMS Ganza :

2. D'une part, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat.

3. D'autre part, il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs. S'il peut, à ce titre, invoquer, notamment, la violation des règles de l'art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, il ne saurait, toutefois, se prévaloir de fautes résultant de la seule inexécution, par les personnes intéressées, de leurs propres obligations contractuelles.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'annexe 1 à l'acte d'engagement portant sur le lot n° 3 " charpente - couverture bac acier ", que la société CMS Ganza est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Pons Bâtiment, laquelle lui a confié la pose de la couverture en bac acier. S'il est constant que le maître de l'ouvrage peut, en application du principe rappelé au point précédent, rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de ce sous-traitant auquel il n'est lié par aucun contrat en ce qui concerne l'exécution des travaux relevant du lot n° 3, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, et n'est pas davantage allégué, que la communauté de communes Terres des Confluences ne serait pas en mesure de rechercher utilement la responsabilité de son cocontractant, la société Pons Bâtiment. Dès lors, les conclusions de la communauté de communes Terres des Confluences tendant à l'engagement de la responsabilité de la société CMS Ganza, sous-traitante de la société Pons Bâtiment, doivent être rejetées.

Sur l'exception de prescription décennale :

5. Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative dispose que : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". L'article 2242 du même code dispose que : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'action du maître d'ouvrage tendant à la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs se prescrit par dix ans à compter de la date d'effet de la réception, que les travaux aient été réceptionnés sans réserve, avec réserves ou sous réserve de l'exécution concluante d'épreuves ou de l'exécution de prestations.

7. Il résulte également de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, que, pour les désordres qui y sont expressément visés, une action en justice n'interrompt la prescription qu'à la condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait. Il en résulte également que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu'à la remise par l'expert de son rapport au juge.

8. Il résulte de l'instruction que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 6 mars 2009. Il résulte également de l'instruction que la communauté de communes Terres des Confluences a saisi, le 5 mars 2019, soit dans le délai décennal, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à prescrire une expertise portant sur les désordres affectant la déchetterie-recyclerie de Castelsarrasin, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 23 mai suivant, le rapport de l'expert ayant été déposé au greffe du tribunal le 22 octobre 2021. Il résulte encore de l'instruction que l'expertise a été ordonnée au contradictoire tant du " cabinet d'architectes A... et B... " que de la " SCDF [société créée de fait] d'Architecture A... et B... ". Cette seule circonstance est, par suite, de nature à rendre opposable à cette dernière l'effet interruptif du délai de garantie décennale attaché à la saisine du tribunal en la forme des référés, d'autant que cette société a assisté aux opérations d'expertise et produit des observations par le biais de son conseil en se présentant simultanément sous la dénomination " Cabinet d'architectes A... / B... " et " Ghislain A... et Frédéric B... " tant lors des opérations d'expertise que dans le cadre des documents contractuels. De même, l'effet interruptif attaché à la saisine du juge des référés est encore opposable à ce cabinet d'architectes lequel a saisi le juge des référés du tribunal en vue d'étendre les opérations d'expertise aux assureurs des sociétés Pons Bâtiment et CMS Ganza ainsi qu'à la société Bureau Veritas Construction. Enfin et surtout, il résulte de l'acte d'engagement conclu le 1er octobre 2007, que la société d'architecture A... et B... s'est contractuellement engagée envers le maître d'ouvrage en utilisant indistinctement la dénomination " Cabinet d'architectes A... / B... " et le cachet "Ghislain A... et Frédéric B... - architectes " et en associant son numéro d'immatriculation au système d'identification au répertoire des entreprises (SIREN) n° 390 734 861 ainsi qu'une domiciliation au 38 boulevard du 4 septembre à Castelsarrasin. Or, ces éléments d'identification correspondant en tous points à ceux mentionnés dans son mémoire en défense sans qu'une personnalité juridique ou une raison sociale soient spécifiquement attachées à ce cabinet d'architectes, dont M. A... et M. B... ne contestent pas être les gérants. La société créée de fait d'architecture A... et B..., qui procède par de simples allégations et ne produit aucun élément circonstancié, n'établit dès lors pas que le cabinet d'architectes A... et B... constituerait une personne morale distincte. La dénomination " Cabinet d'architectes A... et B... " doit ainsi être considérée comme une simple dénomination d'usage et ce cabinet d'architectes, ainsi que la société éponyme créée de fait, doivent par suite être regardés que comme une seule et même entité contractante à l'égard du pouvoir adjudicateur. Il s'ensuit que la société d'architecture A... et B... ne peut, dès lors, sérieusement soutenir que le cabinet d'architectes éponyme serait dépourvu d'existence juridique.

9. Dans ces conditions, en application des articles 2241 et 2242 du code civil, le délai de prescription de l'action en garantie décennale dont disposait la communauté de communes Terres des Confluences a été bien interrompu à l'égard de la société d'architecture A... et B... jusqu'au 22 octobre 2021, date du dépôt du rapport d'expertise, et un nouveau délai d'action de dix ans a couru à l'égard de ce maître d'ouvrage à compter du 23 octobre 2021. Dès lors, son action en garantie décennale n'était pas prescrite, en application de l'article 1792- 4- 1 du code civil, lorsqu'elle a saisi, dès le 5 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse. Par suite, l'exception de prescription opposée en défense doit être écartée.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

En ce qui concerne le cadre applicable au litige :

10. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.

11. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.

En ce qui concerne la nature et le caractère décennal des désordres :

12. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise et du constat d'huissier produit devant le tribunal, que depuis l'année 2010 et à plusieurs reprises, notamment en février et juillet 2012, en janvier 2014, en mars 2015, janvier et décembre 2017, la toiture et la charpente en bois de la déchetterie-recyclerie présentent des infiltrations récurrentes, notamment au niveau du couloir central de récupération des eaux de pluie, un goutte à goutte persistant se produisant lors des jours de fortes pluies. Il résulte également de l'instruction qu'une fuite sur fenêtre de toit de type " Velux " a été constatée au mois de juillet 2012 et que la charpente en bois présente des coulures sous l'action de ces infiltrations. Selon les déclarations du maître de l'ouvrage, non contredites sur ce point, ces problèmes de fuite et d'étanchéité ont également engendré des dysfonctionnements des portes-coulissantes de la déchetterie ainsi que des infiltrations dans les faux-plafonds de la salle de pause dès l'année 2011, cette circonstance ayant conduit le personnel à installer un récipient pour recueillir l'eau qui s'écoule par temps de pluie. Ces différentes infiltrations, qui sont dues à la conjonction de plusieurs défauts d'exécution de la toiture composée de tôles en acier dont l'étanchéité n'est pas correctement assurée en cas d'épisodes pluvieux importants, ont donné lieu à des déclarations de sinistre auprès des assureurs, à des expertises amiables et à des travaux de reprise partiels, sans pour autant remédier aux désordres.

13. Dès lors qu'ils affectent des éléments structurels de l'ouvrage et eu égard à la destination des locaux en litige, les défauts d'étanchéité de la toiture en bac acier ainsi relevés, sont, dans les circonstances de l'espèce et au regard de leur caractère évolutif dans le temps, de nature, à terme, à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination. Quant à la circonstance selon laquelle la déchetterie-recyclerie a pu être exploitée sans interruption, elle est par elle-même sans incidence sur la caractérisation des désordres. Par suite, ces désordres revêtent bien une nature décennale contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui n'était, en tout état de cause, pas saisi d'un moyen de défense des constructeurs mis en cause par le maître d'ouvrage tendant à contester le caractère décennal des désordres, moyen, qui n'est pas d'ordre public et que ces derniers ont seulement opposé pour la première fois en appel.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

14. En premier lieu, la société Pons Bâtiment, titulaire du lot n° 3 " charpente-bois-couverture ", était chargée de la pose d'une charpente et d'une couverture en bac acier. Il résulte de l'instruction que la toiture et la charpente en bois de la déchetterie recyclerie subissent des infiltrations importantes lors des épisodes de pluie intenses et que de l'eau stagne en permanence dans la noue centrale du toit composé de deux pentes en forme de " papillon ". Il résulte également de l'instruction, éclairée par le rapport de l'expert, d'une part, que le débord du bac à l'égout de la toiture a été arrêté à moins de cinq centimètres de la retombée alors qu'il aurait dû présenter un débord minimal de cinq centimètres conformément aux prescriptions du document technique unifié applicable, et le manuel de pose établi par le fabricant des tôles en bac acier, d'autre part, que le closoir cache-mousse destiné à être fixé en bas de pente pour protéger l'isolant en sous-toiture est manquant, de sorte que la tranche des panneaux de bac acier n'est pas obturée pour la protéger des venues d'eau. En outre, il résulte des constatations de l'expert que l'ensemble des fixations traversantes a été positionné en bas de pente sur les nervures basses au lieu des nervures hautes des tôles en acier et que le retour de couloir en zinc a été percé, ce qui provoque des sources d'infiltration, tandis que le retour du chéneau sur le rampant de la couverture n'est pas suffisant. Ces diverses malfaçons dans l'exécution de la toiture en bac acier sont, dès lors, imputables à la société Pons Bâtiment, laquelle n'a pas été en mesure, en dépit de sa qualité de professionnelle avertie, de veiller à la bonne étanchéité des différents éléments composant la toiture composée de tôles d'acier enduites d'un isolant. Par suite, la responsabilité de cette société doit être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

15. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société d'architecture A... et B... était, en vertu de l'acte d'engagement de son marché, titulaire d'une mission de maîtrise d'œuvre incluant les études d'avant-projet, l'avant-projet sommaire, l'avant-projet détaillé, les études de projet, l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des contrats de travaux, l'examen de la conformité des études au projet et leur visa, la direction de l'exécution des contrats de travaux et l'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. En dépit de l'ensemble des missions qui lui étaient ainsi imparties, elle n'a pas été en mesure de détecter les défauts d'étanchéité de la toiture, notamment au stade de la direction de l'exécution des travaux, si bien que les désordres en litige lui sont également imputables. Par suite, sa garantie décennale doit également être engagée en qualité de constructeur.

16. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Terres des Confluences est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a jugé que les désordres en litige ne présentaient pas de caractère décennal et rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Pons Bâtiment et A... et B... sur ce fondement. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens et conclusions présentés par les parties tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant de l'assujettissement du maître de l'ouvrage à la taxe sur la valeur ajoutée :

17. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.

18. Il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à un établissement public de coopération intercommunale, maître d'ouvrage, alors même que celui-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses. Dans ces conditions, les indemnités auxquelles sont susceptibles d'être condamnés les constructeurs doivent, contrairement à ce que soutient la société d'architecture A... et B..., être assorties de la taxe sur la valeur ajoutée.

S'agissant du préjudice indemnisable :

19. En premier lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Dès lors que les frais d'expertise sont compris dans les dépens sur lesquels la cour est appelée à statuer par le présent arrêt, les conclusions de la communauté de communes Terres des Confluences tendant au versement d'une indemnité de 6 156,84 euros en remboursement des frais d'expertise ne peuvent qu'être rejetées à ce stade.

20. En second lieu, le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais engendrés par les travaux de réfection indispensables à engager afin de le rendre à nouveau conforme à sa destination, sans que ces travaux puissent apporter une plus-value à l'ouvrage.

21. Eu égard à l'ampleur ainsi qu'au caractère évolutif et structurel des désordres affectant la toiture de la déchetterie-recyclerie de Castelsarrasin, tels qu'ils ont été décrits aux points 12 et 13 ci-dessus, une simple remise en état de la toiture n'est pas de nature à remédier aux désordres. À cet égard, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres nécessitent une dépose complète de la couverture en bac acier et son évacuation, la pose d'une nouvelle couverture en bac acier de même nature disposant d'une isolation, d'un débord conforme situé à dix centimètres de l'égout sur le couloir et dont les fixations devront être posées sur les nervures hautes en tête d'onde, la pose d'un closoir cache-mousse en bas de pente pour occulter la mousse isolante, la pose d'un larmier casse-gouttes, la reprise de l'étanchéité de l'ensemble des joints du couloir central d'évacuation des eaux de pluie. De plus, les travaux de reprise nécessitent la vérification du dimensionnement des évacuations selon le niveau d'eau susceptible d'être collecté au regard de la surface de toiture. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par communauté de communes Terres des Confluences en condamnant solidairement la société Pons Bâtiment et la société d'architecture A... et B... à lui verser une indemnité de 90 600 euros toutes taxes comprises, tel qu'évalué par l'expert, au titre du coût des travaux de reprise de la toiture de la déchetterie-recyclerie intercommunale de Castelsarrasin.

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

22. D'une part, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.

23. D'autre part, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

En ce qui concerne les appels en garantie présentés par les sociétés A... et B... (maîtres d'œuvre) et Bureau Veritas Construction (contrôleur technique) à l'encontre de la société Soprema Entreprises :

24. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la société Soprema Entreprises, qui n'était pas partie au marché de travaux conclu pour la pose de la couverture en bac acier, a réalisé, à la demande du maître d'ouvrage, des travaux de reprise sur la toiture en acier en 2016 et en 2017, soit postérieurement à la réception des travaux prononcée le 6 mars 2009. Il résulte également de l'instruction, notamment de l'expertise, que ces travaux de reprise n'ont pas été à l'origine des défauts d'étanchéité en litige, lesquels préexistaient à son intervention, et ne les ont pas davantage aggravés. Enfin et surtout, le contrat de droit public précité unissant cette société à la communauté de communes Terres des Confluences n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de participante à l'opération de travaux publics présentement en litige. La société Soprema Entreprises ne pouvant, dès lors, être regardée comme ayant participé à la même opération de travaux publics que celle à l'origine des désordres décennaux en litige et les éventuelles fautes commises par cette société ne pouvant être regardées comme ayant contribué à l'inexécution, par les autres constructeurs, de leurs propres obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société d'architecture A... et B... et la société Bureau Veritas Construction à l'encontre de la société Soprema Entreprises ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la société Soprema Entreprises à l'encontre des sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, A... et B... et Bureau Veritas Construction :

25. Un appel incident sur appel provoqué est recevable dès lors que l'appel principal est accueilli, que les conclusions ne soulèvent pas un litige distinct et que la décision rendue sur l'appel principal est susceptible d'aggraver la situation de l'auteur de l'appel incident.

26. D'une part, le maître d'ouvrage n'a présenté aucune conclusion à fin d'indemnisation sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs à l'encontre de la société Soprema Entreprises, de sorte que sa situation n'est pas susceptible d'être aggravée par la décision rendue sur l'appel principal. D'autre part, les appels en garantie présentés par les sociétés A... et B... et Bureau Veritas Construction à l'encontre de la société Soprema Entreprises ayant été rejetés au point précédent, la situation de cette société n'est pas non plus aggravée par ces appels en garantie, lesquels ont le caractère d'un appel principal à son encontre. Par suite, les conclusions d'appel incident sur appel provoqué par lesquelles la société Soprema demande à être relevée et garantie par les sociétés A... et B..., Pons Bâtiments, Bureau Veritas Construction et CMS Ganza doivent être rejetées.

En ce qui concerne les appels en garantie croisés présentés par les sociétés A... et B... et Bureau Veritas Construction :

27. En premier lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, les désordres en litige sont imputables aux travaux d'exécution de la toiture en bac acier réalisés pour le compte de la société Pons Bâtiment, par sa sous-traitante, la société CMS Ganza, laquelle a fourni et posé une toiture en bac acier sans respecter ni les plans de conception ni les règles de l'art ni les prescriptions techniques du fabricant de la toiture pour en assurer l'étanchéité. D'autre part, ces désordres sont également imputables au suivi défaillant de l'exécution et de la réception des travaux par la société d'architecture A... et B..., maître d'œuvre chargé d'une mission complète, qui, ainsi, n'a pas veillé à la bonne surveillance de l'exécution des travaux suivant les plans qu'elle a elle-même conçus afin de s'assurer que cet ouvrage ne présenterait aucun défaut d'étanchéité dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des travaux. Enfin, les désordres en litige sont également imputables à la société Bureau Veritas Construction, laquelle n'a pas su, dans le cadre de sa mission de contrôle technique incluant, notamment, une mission " L " relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables, détecter les malfaçons de la toiture alors que celles-ci étaient visibles et que son intervention incluait dix visites de chantier et se décomposait en quatre phases au rang desquelles figurait une phase de contrôle sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement, ainsi qu'une phase d'examen avant réception, assortie d'un rapport final de contrôle technique à l'issue des travaux.

28. Par suite, eu égard aux missions respectives de ces constructeurs, les fautes commises par la société Pons Bâtiment, par la société CMS Ganza, par la société d'architecture A... et B... et, enfin, par la société Bureau Veritas Construction doivent être regardées comme ayant concouru, respectivement, pour 35 %, 35 %, 20 % et 10 % à la survenance des dommages réparables et sont de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle les unes à l'égard des autres.

29. En second lieu, d'une part, lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice. L'un des coauteurs ne peut alors s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence de fautes commises par l'autre coauteur.

30. D'autre part, lorsque l'une des parties à un marché de travaux a subi un préjudice imputable à la fois à l'autre partie, en raison d'un manquement à ses obligations contractuelles, et à d'autres intervenants à l'acte de construire, au titre de fautes quasi-délictuelles, elle peut demander au juge de prononcer la condamnation solidaire de l'autre partie avec les coauteurs des dommages. En revanche, ces derniers ne peuvent être rendus solidairement débiteurs de sommes correspondant à des préjudices qui ne leur sont aucunement imputables.

31. Ainsi qu'il a été dit, la toiture-charpente de la déchetterie recyclerie de Castelsarrasin est affectée par des infiltrations d'eau de pluie en plusieurs endroits distincts dues à des malfaçons lors de la phase d'exécution des travaux, lesquelles n'ont pas été détectées ni par les sociétés chargées des travaux ni par le contrôleur technique ni par la maîtrise d'œuvre dans leurs le cadre de leurs missions respectives. Toutefois, les fautes ainsi commises par les participants à l'acte de construire correspondent à des manquements individualisables et déterminés, pour lesquels la responsabilité de chaque intervenant est autonome et identifiée sans que leurs fautes respectives puissent être regardées comme ayant concouru indissociablement à la réalisation de l'entier dommage. Les fautes commises par les sociétés intervenantes à l'acte de construire ne portant pas, en elles-mêmes, l'entier dommage, ces sociétés ne peuvent, en application du principe rappelé au point précédent, être légalement tenues qu'aux sommes correspondant à leur part de responsabilité quasi-délictuelle dans la réalisation des préjudices. Par suite, les conclusions par lesquelles les sociétés A... et B..., maîtres d'œuvre, et Bureau Veritas Construction, contrôleur technique, demandent que les sociétés Pons Bâtiment et CMS Ganza d'appel les garantissent solidairement de l'ensemble des condamnations doivent être rejetées.

32. Il s'évince de ce qui précède que les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, et Bureau Veritas Construction doivent seulement être condamnées à garantir la société d'architecture A... et B... à concurrence respectivement de 35 %, 35 % et 10 % de la condamnation mise à sa charge. Il s'ensuit également que les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, et A... et B... doivent seulement être condamnées à garantir la société Bureau Veritas Construction à concurrence respectivement de 35 %, 35 % et 20 % de la condamnation mise à sa charge.

Sur les frais d'expertise :

33. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". Compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 156,84 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive des sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, A... et B... et Bureau Veritas Construction respectivement à hauteur de 35 %, 35 %, 20 % et 10 % de ce montant.

Sur les frais d'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la communauté de communes Terres des Confluences, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les sociétés A... et B... et Soprema Entreprises demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée au même titre par la société A... et B... soit mise à la charge de la société Soprema Entreprises.

35. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des sociétés A... et B... et Pons Bâtiment une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes Terres des Confluences et non compris dans les dépens.

36. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés A... et B... et Bureau Veritas Construction, parties perdantes pour l'essentiel dans le cadre de leurs appels en garantie croisés, une somme de 750 euros chacune à verser à la société Soprema Entreprises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions réciproquement présentées par les sociétés A... et B... et Bureau Veritas Construction sur le même fondement.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 mars 2023 est annulé.

Article 2 : Les sociétés Pons Bâtiment et A... et B... sont solidairement condamnées à verser à la communauté de communes Terres des Confluences une somme de 90 600 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza et Bureau Veritas Construction sont condamnées à relever et garantir la société A... et B... respectivement à hauteur de 35 %, 35 % et 10 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza et A... et B... sont condamnées à relever et garantir la société Bureau Veritas Construction respectivement à hauteur de 35 %, 35 % et 20 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 5 : Les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 6 156,84 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive des sociétés Pons Bâtiment, CMS Ganza, A... et B... et Bureau Veritas Construction respectivement à hauteur de 35 %, 35 %, 20 % et 10 % de ce montant.

Article 6 : Les sociétés Pons Bâtiment et A... et B..., verseront solidairement à la communauté de communes Terres des Confluences une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les sociétés A... et B... et Bureau Veritas Construction, verseront chacune à la société Soprema Entreprises une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Terres des Confluences, à la société par actions simplifiée Pons Bâtiment, à la société à responsabilité limitée CMS Ganza, à la société créée de fait d'architecture A... et B..., à la société par actions simplifiée Bureau Veritas Construction et à la société par actions simplifiée Soprema.

Copie en sera adressée, pour information, à l'expert.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

Mme Beltrami, première conseillère,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00934
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : DL AVOCATS - ME DUCROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl00934 ?
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