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17/04/2025 | FRANCE | N°24TL01690

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 avril 2025, 24TL01690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Boralex Mazade a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 juin 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque flottante sur le territoire de la commune de Miremont.



Par un jugement n° 2305119 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin 2024 et 2 décembre 2024, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Boralex Mazade a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 juin 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque flottante sur le territoire de la commune de Miremont.

Par un jugement n° 2305119 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin 2024 et 2 décembre 2024, la société Boralex Mazade, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2023 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que sa minute n'a pas été signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation quant aux motifs tirés de ce que le projet méconnaît les article N2 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Miremont et de l'impossibilité technique d'installation d'un poste de livraison ;

- le projet respecte les articles N2 et A2 du même règlement dès lors qu'il s'agit d'une installation d'intérêt général justifiée par des impératifs techniques, économiques ou de sécurité publique ; il n'est pas nécessaire de démontrer une nécessité absolue de s'implanter à cet endroit particulier ; à l'échelle intercommunale, aucun autre site ne peut accueillir une centrale solaire flottante et le site présente des avantages tel que l'ensoleillement et un raccordement au réseau électrique dans un rayon de 10 kilomètres ; le projet permettra une revalorisation économique d'un site ayant accueilli une ancienne carrière ;

- le motif tiré de l'impossibilité technique d'installation d'un poste de livraison est entaché d'un défaut de base légale dès lors que l'arrêté attaqué ne cite aucune disposition législative ou réglementaire qui démontrerait l'impossibilité technique d'implanter le poste de livraison au nord-est du site ;

- le motif tiré de ce que le porteur de projet n'a pas précisé de localisation alternative pour implanter le poste de livraison manque en fait dès lors que l'emplacement initial du poste de livraison était bien possible techniquement ;

- le motif tiré de l'impossibilité technique d'installation d'un poste de livraison est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'aucune disposition du plan local d'urbanisme n'interdit d'implanter un poste de livraison à moins de 30 mètres d'une habitation ni n'interdit de supprimer un bosquet ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le bruit généré par le poste d'installation sera faible au niveau de la maison située à 30 mètres ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors que la suppression du bosquet pour la construction du poste de livraison sera compensée par la plantation de plusieurs arbres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société Boralex Mazade n'est fondé.

Par ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonin, représentant la société Boralex Mazade.

Considérant ce qui suit :

1. La société de projet Boralex Mazade a déposé le 29 juin 2021 une demande de permis de construire une centrale photovoltaïque flottante d'une puissance d'environ 13,34 mégawatts-crête (MWc) et d'une surface de 9,61 hectares sur un plan d'eau artificiel d'une surface de 23 hectares, trois postes de transformation, deux postes de livraison et trois locaux de stockage, pour une surface de plancher de 214 m², sur le territoire de la commune de Miremont (Haute-Garonne). Par un arrêté du 26 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par la présente requête, la société Boralex Mazade relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'article R. 741-7 du code de justice administrative mentionne que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces de première instance que la minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation quant aux motifs tirés de ce que le projet méconnaît les articles N2 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Miremont et de l'impossibilité technique d'installation d'un poste de livraison, relèvent du bien-fondé du jugement et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation. Si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut rejeter les conclusions à fin d'annulation de cette décision et donc rejeter la demande portée devant lui, sans être tenu de se prononcer sur les moyens qui ne se rapportent pas à la légalité de ce motif de refus.

6. Le préfet de la Haute-Garonne s'étant fondé sur plusieurs motifs pour refuser le permis de construire sollicité, les premiers juges ont relevé que l'illégalité de ceux tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact environnemental, de l'insuffisance des conditions d'accès au site, de la méconnaissance des dispositions du secteur Ne du plan local d'urbanisme, des nuisances causées aux riverains et de l'atteinte aux paysages naturels ne pouvaient justifier le refus de permis de construire. Ils ont en revanche estimé que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur les motifs tirés de l'absence de conformité aux articles A2 et N2 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'impossibilité technique d'installation d'un poste de livraison, ce dernier motif n'étant pas contesté par la société requérante.

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". Il ressort des termes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Miremont, approuvé le 14 mai 2013 et modifié le 9 février 2023, qu'en zone N dans laquelle se situe pour partie le terrain d'assiette du projet, correspondant aux espaces à dominante naturelle de la commune, l'article N1 interdit toute occupation et utilisation du sol, à l'exception de celles mentionnées à l'article N2. L'article N2 de ce règlement autorise : " Sous réserve de ne pas porter atteinte au caractère des lieux avoisinants : (...) / - dans le secteur Ne : / - les constructions et installations liées à la production d'énergie photovoltaïque au sol ainsi que l'ensemble des aménagements nécessaires à son exploitation, à condition qu'elles puissent être démontables au terme de l'exploitation envisagée. / dans l'ensemble de la zone, à l'exclusion du secteur Ne et des Espaces Boisés Classés : / - les services ou équipements d'intérêt collectifs suivants : / - les aires de pique-nique / - les chemins piétonniers et les pistes cyclables / - les constructions affouillements et remblais nécessaires à la réalisation d'ouvrages ou d'installations d'intérêt général ou de services publics (réseaux, voirie, gestion des eaux) dont la réalisation sur la zone est justifiée par des impératifs techniques ou économiques ". En zone agricole A au sein de laquelle se situe également pour partie le terrain d'assiette du projet, l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme prévoit que les utilisations et occupations du sol sont interdites, à l'exception de celles énoncées à l'article A2. Aux termes dudit article A2 : " Sur l'ensemble du secteur : / - les constructions, affouillements et remblais nécessaires à la réalisation d'ouvrages ou d'installations d'intérêt général ou de services publics pour les réseaux, la voirie, les pistes cyclables et sentiers piétonniers, la gestion des eaux et la sécurité publique et dont la réalisation sur la zone est justifiée par des impératifs techniques, économiques ou de sécurité publique ". Il résulte de ces dispositions que peuvent être implantées en zone N du plan local d'urbanisme de la commune de Miremont des installations d'intérêt général dont la réalisation sur la zone est justifiée par des impératifs techniques ou économiques pour cette zone ainsi que, pour la zone A, par des impératifs de sécurité publique.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le plan d'eau de Mazade devant accueillir le projet est situé en zone N du plan local d'urbanisme et que les installations au sol du projet sont prévues en zone A du même plan. Il est constant que le projet porté par la société Boralex Mazade constitue une installation d'intérêt général au sens et pour l'application des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme citées au point précédent. Toutefois, si la société appelante fait valoir que, à l'échelle intercommunale, aucun autre plan d'eau ne peut accueillir une centrale solaire flottante, cette circonstance n'est pas de nature à justifier une implantation sur le plan d'eau de Mazade au regard des exigences fixées par l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme. De même, si le site choisi présente des avantages tels que l'ensoleillement, une surface suffisante, avec un faible conflit d'usage, des enjeux paysagers et naturalistes maîtrisables et un raccordement au réseau électrique dans un rayon de 10 kilomètres, il ne résulte d'aucun de ces éléments, qui sont d'ailleurs communs à de nombreux sites, qu'ils constitueraient des impératifs techniques de nature à justifier la réalisation du projet en zones A et N du plan local d'urbanisme de Miremont. De même, et alors d'ailleurs que le site choisi a été transformé depuis plus de vingt ans en un lac artificiel à vocation environnementale, la seule recherche d'une revalorisation économique de ce site ayant accueilli une ancienne carrière alluvionnaire ne permet pas de considérer que la réalisation du projet en zones N et A du plan local d'urbanisme de Miremont est justifiée par un impératif économique. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser le permis de construire en raison de la méconnaissance des dispositions des articles A2 et N2 du plan local d'urbanisme. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Garonne aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions des articles N2 et A2 du plan local d'urbanisme de Miremont, qui justifie à lui seul l'arrêté contesté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boralex Mazade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société appelante et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Boralex Mazade est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Boralex Mazade et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24TL01690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01690
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;24tl01690 ?
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