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17/04/2025 | FRANCE | N°24TL02067

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 avril 2025, 24TL02067


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Soleil Éléments 13 a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol, au lieu-dit Clairac Ouest-Saintonge, sur le territoire de la commune de La Ville-Dieu-du-Temple et d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de de

ux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous une astreinte de 500...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Soleil Éléments 13 a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol, au lieu-dit Clairac Ouest-Saintonge, sur le territoire de la commune de La Ville-Dieu-du-Temple et d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2305533 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet et 30 octobre 2024, la société Soleil Éléments 13, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 13 juillet 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est mal fondé à défaut d'avoir retenu l'insuffisance de motivation du refus litigieux ;

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme en se fondant sur l'insuffisante démonstration de l'équilibre économique prévisionnel de l'activité agricole envisagée sur les parcelles et sur l'incompatibilité du projet avec les usages locaux ;

- le préfet puis le tribunal ont commis une erreur d'appréciation alors que son projet de centrale solaire est compatible avec l'exercice d'une activité agricole significative, que l'activité projetée est cohérente avec les usages locaux et que les éléments présentés dans le dossier de demande de permis de construire démontraient que l'activité d'élevage envisagée est une activité agricole significative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Teulière, président assesseur,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Louis, représentant la société Soleil Éléments 13.

Considérant ce qui suit :

1. La société Soleil Éléments 13 a déposé, le 1er août 2022, une demande de permis de construire une centrale photovoltaïque au sol d'une puissance de 9,9 mégawatts-crête (MWc) et comprenant un poste de livraison, trois postes de transformation, deux citernes de 120 m3, deux clôtures et portails d'accès, une piste intérieure et 21 897 modules de panneaux photovoltaïques, pour une surface de 44 460 m2, sur des parcelles situées au lieu-dit Clairac Ouest-Saintonge sur le territoire de la commune de La Ville-Dieu-du-Temple (Tarn-et-Garonne). Après étude préalable agricole et enquête publique, qui s'est déroulée du 11 avril au 11 mai 2023, le préfet de Tarn-et-Garonne a, par un arrêté du 13 juillet 2023, refusé d'accorder ce permis de construire au motif que l'activité d'éco-pâturage envisagée n'est qu'une modalité d'entretien du parc photovoltaïque et ne constitue pas une activité agricole significative et pérenne. La société Soleil Éléments 13 relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2023 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer le permis de construire sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; /(...) ". Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones naturelles, agricoles ou forestières à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.

3. D'autre part, l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de La Ville-Dieu-du-Temple, applicable à la zone agricole A dans laquelle se situe le projet en litige, dispose que : " En zone A peuvent être autorisées : (...) / 2 - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. / (...) / 5 - Dans les secteurs de trame verte et bleue (...) seules sont admises : (...) / les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ".

4. Le projet en cause a pour objet l'implantation d'une centrale photovoltaïque au sol d'une puissance de 9,9 mégawatts-crête, comprenant notamment 21 897 modules de panneaux photovoltaïques, sur quatre parcelles classées en zone agricole par le plan local d'urbanisme de la commune, d'une surface cumulée de 19,76 hectares, la zone d'implantation clôturée occupant une surface de 10,07 hectares dont 4,44 hectares seront recouverts par les panneaux photovoltaïques. Il ressort des pièces du dossier que le propriétaire desdites parcelles les a exploitées en culture céréalière jusqu'en 2005, puis les a laissées ensuite à l'abandon en y faisant paître du bétail. Il est constant que n'étant notamment plus déclarées au titre des aides de la politique agricole commune depuis 2019, elles constituent des friches accueillant une végétation arbustive et des ronciers. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier de l'étude agricole préalable réalisée par la société pétitionnaire, que le potentiel agronomique de ces terres est limité, principalement en raison de sols engorgés temporairement et se prête particulièrement à la mise en place de prairies. Enfin, le porteur du projet a prévu l'installation d'un élevage ovin par débroussaillage et clôture du site, réensemencement des prairies et installation d'un hangar d'une capacité de cinquante brebis, de deux parcs de tri mobiles, d'une aire de stockage de fourrage et de points d'eau mobiles. Pour justifier de l'avancée de ce projet d'installation, il a également produit une convention de partenariat conclue le 23 mai 2022 entre sa société mère, la société Éléments, et un éleveur d'ovins d'une race rustique, dont l'exploitation est située dans le département du Gers, ayant pour objet de faire paître environ cinquante brebis sur le site de la centrale. Ce projet, qui participe au maintien de la race rustique à protéger du mouton landais et qui vise à la production d'agneaux, ne peut être regardé comme se limitant à l'entretien du site. Les seuls constats de la distance entre le site de la centrale et le siège d'exploitation de l'éleveur et d'une insuffisante prise en compte de certaines charges d'exploitation dans les documents financiers prévisionnels produits par la société pétitionnaire pour évaluer la viabilité économique du projet ne suffisent pas, en eux-mêmes, à remettre en cause la consistance de l'activité pastorale envisagée. La seule circonstance que l'éleveur, âgé de 60 ans, n'avait pas encore identifié, à la date de l'arrêté attaqué, un futur repreneur pour son exploitation, ne suffit pas pour considérer l'activité en cause comme insuffisamment pérenne alors que la convention de partenariat précitée peut s'appliquer pour une durée maximale de cinq ans et qu'un renouvellement du contrat n'est pas exclu à son terme. Dans ces conditions, alors même que le cheptel présent sur site n'excèdera pas cinquante ovins et que l'agriculture locale est principalement orientée vers la production de céréales, d'oléagineux et de protéagineux et, dans une mesure moindre, vers la culture de vignes et de vergers et eu égard notamment au potentiel agronomique limité des parcelles concernées, la société Soleil Éléments 13 est fondée à soutenir que le préfet de Tarn-et-Garonne a commis une erreur d'appréciation en lui refusant, par l'arrêté en litige, le permis sollicité au seul motif que le projet ne pourrait permettre le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'implantation de l'équipement collectif envisagé.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens soulevés et tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté ainsi que du défaut d'examen de l'étude préalable agricole, jointe à l'étude d'impact et du mémoire en réponse à l'avis de la direction départementale des territoires de Tarn-et-Garonne, ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation de l'arrêté en litige.

6. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que le seul motif opposé par le préfet de Tarn-et-Garonne pour fonder l'arrêté de refus de permis de construire en litige est entaché d'illégalité. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément à l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard à l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

8. Le préfet de Tarn-et-Garonne n'a pu, ainsi qu'il a été dit, légalement opposer à la société pétitionnaire un refus de permis de construire au seul motif que l'activité envisagée ne constituait pas une activité agricole significative. Par ailleurs, l'autorité administrative n'a invoqué aucun nouveau motif susceptible de fonder légalement un tel refus. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif non relevé par l'administration de même qu'un changement dans les circonstances de fait feraient obstacle à la délivrance de ce permis de construire. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer à la société Soleil Éléments 13 le permis de construire sollicité, dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, une somme de 1 500 euros, à verser à la société Soleil Éléments 13 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Toulouse, ensemble l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 13 juillet 2023, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer à la société Soleil Éléments 13 le permis de construire sollicité, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Soleil Éléments 13 une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Soleil Éléments 13 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Soleil Éléments 13, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

Le rapporteur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24TL02067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02067
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;24tl02067 ?
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