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06/05/2025 | FRANCE | N°24TL01115

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 24TL01115


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



Sous le n° 2302453, M. B... E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre à la préfète du Gard de procéder au renouvellement de son titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation.

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Sous le n° 2302454, Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Sous le n° 2302453, M. B... E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre à la préfète du Gard de procéder au renouvellement de son titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation.

Sous le n° 2302454, Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre à la préfète du Gard de procéder au renouvellement de son titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2302453 et n°2302454 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes d'annulation de M. A... et de son épouse Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 30 avril 2024 et le 19 mars 2025, M. B... E... A... et Mme D... C... épouse A..., représentés par Me Debureau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2302453 et n°2302454, rendu le 7 novembre 2023, par le tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 24 avril 2023 par lesquels la préfète du Gard a refusé le renouvellement de leur titre de titre de séjour et a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de leur accorder un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, Me Debureau, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, leur conseil s'engageant à renoncer à la part contributive de l'Etat.

Ils soutiennent que :

- le tribunal, en retenant que M. A... ne versait aucune contribution à l'entretien et l'éducation de son fils, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour opposé à M. A... méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien de son fils, qu'il a eu d'une autre union et qui est de nationalité française ;

- les refus de titre de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour, les obligations de quitter le territoire français sont dépourvues de fondement juridique ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 janvier 2025, la date de clôture d'instruction a été fixée au 19 mars 2025.

Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.

M. A... s'est vu refuser le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant béninois, né le 28 septembre 1983, est entré en France le 24 septembre 2017, muni d'un visa D, valable du 13 septembre 2017 au 13 septembre 2018 et valant titre de séjour. Doctorant en psychologie et recruté par l'université de Nîmes dans le cadre d'un contrat d'une durée de trois ans à compter du 2 décembre 2019, il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " passeport talent-chercheur " valable du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2022. Le 22 décembre 2022, il a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français dans le cadre d'un changement de statut. Il s'est marié, le 31 décembre 2020, au Bénin, avec Mme C... épouse A..., compatriote béninoise, née le 15 septembre 1996, entrée en France, selon ses déclarations, le 27 juin 2021. Cette dernière a bénéficié d'une carte pluriannuelle valable du 1er septembre 2021 au 31 décembre 2022 portant la mention " passeport talent-famille ". Le 21 décembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le cadre d'un changement de statut. Par deux arrêtés du 24 avril 2023, la préfète du Gard a refusé de délivrer aux époux les titres de séjour sollicités et a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... et Mme C... épouse A... relèvent appel du jugement, rendu le 7 novembre 2023, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour opposé à M. A... :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...). ".

3. D'autre part, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

4. M. A... justifie, par la production d'un acte de reconnaissance de paternité anticipée, effectuée le 17 février 2022, soit antérieurement à l'arrêté en litige, être le père d'un enfant de nationalité française, né le 31 mars 2022, de sa relation avec une ressortissante française dont il est séparé et disposant, au surplus, d'une carte nationale d'identité, délivrée le 23 février 2023. En outre, par les documents produits en appel, il établit contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de cet enfant, par des virements bancaires mensuels depuis le 8 février 2022, soit un mois avant sa naissance, d'un montant de 200 à 500 euros pour la période du 8 février au 3 octobre 2022 puis par un virement mensuel d'un montant de 150 euros, ainsi que, par l'attestation rédigée par son ex-compagne, le 19 novembre 2023, mais portant sur des faits antérieurs, et dûment circonstanciée sur la participation de M. A..., à l'éducation de son fils, par un exercice régulier de son droit de visite et sa présence aux consultations médicales de l'enfant, notamment pour la vaccination obligatoire, sans que le préfet puisse légalement lui opposer la circonstance qu'il ne réside plus avec l'enfant, ni celle selon laquelle sa fille qu'il a eue avec Mme C... est née quinze jours après ce premier enfant. S'il est vrai que ce n'est que, par le jugement, rendu le 2 août 2023, par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nîmes, qui a aussi retenu une autorité parentale en commun, que le droit de visite et d'hébergement de M. A... a été formalisé, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des attestations de son ex-compagne justifiant précisément le refus de cette dernière d'accorder un droit de visite et d'hébergement à M. A... par la nécessité de trouver un mode de garde, que M. A..., qui avait proposé à l'amiable, dès le mois de juillet 2022, d'avoir la garde de son fils, a pu l'accueillir une journée par mois à compter de janvier 2023, antérieurement à l'arrêté contesté. Ainsi, dans ces circonstances, l'appelant établit contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, à la date de la décision contestée et, par suite, satisfaire aux conditions prévues par les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour opposé à Mme C... épouse A... :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un ressortissant étranger, d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision serait prise.

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A..., avec lequel Mme C... a eu une fille, née le 16 avril 2022, avait, à la date du refus de titre prononcé à son encontre, un droit au séjour fondé sur les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faisant obstacle à son éloignement.

7. D'autre part, il ressort des pièces versées au dossier et notamment des avis d'imposition que Mme C..., mariée depuis le 31 décembre 2020 à Cotonou (Bénin), à M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, exerce également l'autorité parentale sur son fils né de l'union avec une ressortissante française, vit avec lui à Nîmes (Gard) depuis le mois de juin 2021, peut se prévaloir d'un séjour régulier d'une durée de deux années et a effectué une formation certifiante du 22 mai au 20 octobre 2023 pour exercer le métier d'assistante de vie. Dans ces conditions, quand bien même la drépanocytose, dont est atteinte la fille des époux, peut faire l'objet d'un traitement approprié au Bénin, l'arrêté du 24 avril 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours au regard notamment du droit au titre de séjour de son époux, et en dépit de la faible durée de sa présence en France, doit être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale sur le territoire de sorte que les appelants sont fondés à soutenir qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point 5.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ou sur la régularité du jugement, que M. A... et Mme C... épouse A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 24 avril 2023 par lesquels la préfète du Gard a refusé de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Compte tenu du motif d'annulation retenu pour chaque refus de titre de séjour, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Gard délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... et à Mme C... épouse A.... Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, il appartient donc au préfet du Gard de leur accorder à chacun ce titre de jour, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, en l'absence, dans la présente instance, de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les appelants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à en solliciter le remboursement.

11. Mme C... épouse A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Debureau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Debureau de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2302453 et n° 2302454 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 24 avril 2023 par lesquels la préfète du Gard a refusé de délivrer respectivement à M. A... et à Mme C... épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et leur ont fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. A... et à Mme C... épouse A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Debureau, sous réserve de sa renonciation à la contribution à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... A..., à Mme D... C... épouse A... à Me Debureau, au préfet du Gard et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24TL01115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01115
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : DEBUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24tl01115 ?
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