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28/05/2025 | FRANCE | N°23TL00519

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 28 mai 2025, 23TL00519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Immosan a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté interruptif de travaux pris au nom de l'Etat le 13 mars 2020 par le maire de Bouillargues et de mettre à la charge de la commune de Bouillargues la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2002012 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une ordonnance du 28 février 2023, la présidente de la cour administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Immosan a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté interruptif de travaux pris au nom de l'Etat le 13 mars 2020 par le maire de Bouillargues et de mettre à la charge de la commune de Bouillargues la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002012 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 28 février 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis à la cour administrative d'appel de Toulouse le dossier de la requête de la société Immosan.

Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, la société civile immobilière Immosan, représentée par Me Kappopoulos, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté interruptif de travaux pris au nom de l'Etat le 13 mars 2020 par le maire de Bouillargues ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que les murs de clôture qu'elle a édifiés entraient dans le champ d'application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme alors que ce type de construction n'est pas soumis à permis de construire mais à simple déclaration préalable de travaux ; il n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en jugeant comme indéterminée la nature de cette construction qui n'avait pas à faire l'objet de permis de construire ;

- c'est à tort qu'il a considéré qu'elle n'a pas apporté la preuve de l'achèvement des travaux à la date de l'arrêté litigieux, lequel se trouve privé d'objet ;

- il n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en jugeant sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté le défaut de transmission du procès-verbal d'infraction au parquet et au préfet ;

- c'est enfin à tort qu'il n'a pas retenu un détournement de pouvoir ;

- le constat de l'infraction ayant conduit à l'arrêté interruptif de travaux est entaché d'illégalité dès lors que la commune avait connaissance de l'infraction depuis 2015 mais a attendu cinq ans avant de faire dresser un procès-verbal d'infraction ;

- l'arrêté litigieux est illégal, faute pour le maire de l'avoir transmis au parquet et au préfet ;

- il n'a pas d'objet dès lors que les travaux étaient achevés à la date de l'arrêté litigieux ;

- le procès-verbal d'infraction dressé par un policier municipal qui n'est ni agent, ni officier de police judiciaire est irrégulier ;

- le maire a commis un détournement de pouvoir en la plaçant sciemment dans une situation l'obligeant, pour se protéger d'un risque incendie, à édifier un mur d'enceinte et couvrir une partie de sa cour intérieure en infraction aux règles d'urbanisme en vigueur.

Par un mémoire, enregistré le 4 août 2023, la commune de Bouillargues, représentée par l'AARPI MB Avocats, conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête présentée par la société Immosan et à ce qu'il soit mis à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la requête dirigés à l'encontre du jugement sont infondés ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la requête est tardive ; le moyen tiré de l'absence de transmission de l'arrêté au parquet et au préfet est inopérant et aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête présentée par la société Immosan.

Il fait valoir que les moyens soulevés doivent être écartés comme inopérants ou infondés.

Par une ordonnance du 23 novembre 2023, l'instruction de l'affaire a été réouverte et la clôture de l'instruction fixée au 14 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience :

- le rapport de M. Teulière, président-assesseur,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public

- et les observations de Me Lenoir, représentant la commune de Bouillargues.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Immosan est propriétaire d'une parcelle cadastrée section ZB n° 130 dans la zone industrielle de Mailhan à Bouillargues (Gard) servant à l'exploitation de la société Amosan Petrochemicals qui fabrique et commercialise des produits composés à base d'huiles et de solvants. Le maire de Bouillargues, agissant au nom de l'Etat, a pris à l'encontre de la société Immosan, le 13 mars 2020, un arrêté interruptif de travaux. Par un jugement n° 2002012 du 30 décembre 2022, dont la société Immosan relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. /(...) ". Aux termes de l'article L. 480-1 de ce code : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. /(...) ". Le dixième alinéa de l'article L. 480-2 du même code précise que : " Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux (...) ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas de constructions sans permis de construire constatées par procès-verbal dans les conditions prévues à l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, le maire est tenu de prescrire l'interruption des travaux.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société civile immobilière Immosan a obtenu, le 13 août 2013, une décision de non opposition à déclaration préalable de travaux pour édifier un mur de clôture de deux mètres de hauteur. Elle a toutefois au fil du temps surélevé un mur de clôture à une hauteur de plus de cinq mètres et construit une extension de bâtiment industriel. Le 19 novembre 2019, le maire de Bouillargues a refusé de délivrer à la société Immosan un permis de construire un entrepôt d'une surface de plancher de 436 m2. Le 27 février 2020, un agent assermenté de la commune a procédé à un récapitulatif des travaux exécutés sans autorisation par la société requérante. Au vu de ces constatations, le maire de Bouillargues, agissant au nom de l'Etat, a pris à son encontre, le 13 mars 2020, un arrêté interruptif de travaux. Si la société Immosan soutient que les murs de clôture qu'elle a édifiés, soumis à simple déclaration, ne sont pas des constructions entrant dans le champ d'application des dispositions citées au point précédent des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme, il ressort des photographies du procès-verbal d'infraction versé aux débats que le mur en parpaing en litige d'une hauteur de plus de 5 mètres, qualifié par la requérante dans ses écritures de première instance de mur de façade, fait partie d'une construction nouvelle qui n'apparaît pas avoir fait l'objet d'un permis de construire. Par suite, ce procès-verbal constate bien une construction sans permis de construire, soit une infraction autorisant le maire à prescrire l'interruption des travaux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'inapplicabilité des dispositions des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

4. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité du procès-verbal d'infraction, mais seulement de s'assurer que ce dernier constate une infraction autorisant le maire à prescrire l'interruption des travaux. Par suite, la société Immosan ne peut utilement invoquer l'irrégularité du constat de l'infraction au motif de la tardiveté de la commune de Bouillargues à faire dresser un procès-verbal pour une infraction qu'elle connaissait de longue date. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des pièces versées aux débats que le procès-verbal d'infraction sur lequel le maire s'est fondé a été dressé par un policier municipal dûment commissionné à cet effet.

5. Il ressort du dixième alinéa précité de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme qu'une copie de l'arrêté interruptif de travaux du maire est transmise sans délai au ministère public. En l'espèce, l'article 5 de l'arrêté contesté mentionne qu'une copie sera transmise sans délai au préfet du département et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes. A la supposer établie, la circonstance que l'autorité communale n'aurait pas transmis cette copie de l'arrêté au procureur de la République comme le prévoit l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ainsi qu'au préfet, est sans incidence sur sa légalité, cette dernière n'étant pas subordonnée au respect d'une telle formalité.

6. Si la société Immosan allègue que les travaux en cause étaient achevés à la date d'intervention de l'arrêté en litige, il ressort du procès-verbal de constat qu'à la date à laquelle il a été dressé, le 27 février 2020, un échafaudage reposait sur une partie du mur de façade, dont l'élévation était nécessairement en cours puisqu'il avait une forme discontinue et n'était pas couvert par une arase en son sommet. Si la société requérante a produit pour la première fois en appel deux attestations de salariés de l'entreprise occupant sa parcelle faisant état d'un achèvement des travaux au plus tard le 6 mars 2020, celles-ci sont insuffisamment probantes et ne sont pas, à elles-seules, suffisantes pour établir l'achèvement des travaux à la date indiquée. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'objet de l'arrêté contesté du fait de l'achèvement des travaux doit être écarté.

7. Enfin, la circonstance que les travaux en litige aient été réalisés pour éviter les nuisances d'une salle des fêtes autorisée par la commune et dont la gestion et la direction étaient confiées à un membre du conseil municipal, n'est pas, en elle-même, de nature à révéler un détournement de pouvoir. La société requérante n'établit pas davantage que le maire de Bouillargues l'aurait sciemment placée, comme elle le soutient, dans une situation la contraignant à enfreindre les règles d'urbanisme pour assurer la sécurité du site. Le moyen tiré de l'existence d'un excès ou d'un détournement de pouvoir du maire doit donc être écarté. En tout état de cause, ce moyen est inopérant, eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le maire de Bouillargues.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société civile immobilière Immosan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bouillargues du 13 mars 2020.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bouillargues, qui n'a pas dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Immosan et non compris dans les dépens. Ces dispositions excluent également que la commune de Bouillargues, qui n'est pas partie au litige dès lors que l'arrêté interruptif de travaux a été délivré au nom de l'Etat, obtienne qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la partie perdante au titre des frais exposés pour son intervention.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Immosan est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bouillargues sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Immosan, à la commune de Bouillargues et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Teulière, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.

Le président-assesseur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLe greffier,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL00519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00519
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : KAPPOPOULOS IOANNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;23tl00519 ?
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